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Chronique d'un amour. Sur les chemins de l'âge adulte

Par Balndorn

Chronique d'un amour.  Sur les chemins de l'âge adulte

Organiste Chose étrange : plus de cinq après la fondation d' , je me retrouve à critiquer le premier ouvrage de mon compagnon d'art, Julien Tribotté, qui, durant toutes nos années de prépa et encore après, m'encouragea dans mes travaux d'écriture, quels qu'ils fussent. C'est lui qui me poussa à lancer un blog pour publier mes productions ; c'est lui qui en lut la plupart des textes et en écrivit quelques-uns ; et c'est encore lui m'en suggéra le nom.

Julien, mon ami, je te dédie donc la chronique qui suit.

" L'art se lierait-il mal au bonheur ? ". Telle est la question que se pose le jeune Julien Tribotté et qui guide son premier ouvrage, Chronique d'un amour. Récit d'une rencontre à Baltimore et de l'histoire amoureuse qui la suit pendant deux ans, ce petit livre croise les approches et les styles pour décrire, au plus près, sans le trahir, le vécu de l'amour. Recourant tour à tour au journal, au roman et à la poésie, l'auteur interroge en creux l'un des présupposés du lyrisme : il faudrait souffrir pour savoir écrire.

Certes, plusieurs passages - les séparations temporaires d'avec sa compagne américaine, la difficulté de pérenniser une relation de part et d'autre de l'Atlantique - reprennent les représentations littéraires de la douleur de quitter l'être aimé, en en changeant simplement les lieux (l'aéroport) ou les moyens de communiquer (la visioconférence). D'autres, cependant, renouvellent ces images en quittant la sphère narrative pour s'immerger dans la plus intime description du quotidien, aussi banal soit-il. Ainsi l'auteur se plaît à dépeindre minutieusement le rituel du café matinal ou des œufs fermiers, sans verser dans la nostalgie puisqu'il s'agit là du présent continu rapporté par un journal, non encore fragmenté au moment où il couche ces lignes sur le papier. De ces moments aussi simples que chaleureux se dégage pourtant une poésie : la tendre poésie du temps qui passe à deux.

Toutefois, là où le jeune écrivain innove le plus, c'est dans la peinture des scènes de sexe. Comment raconter en détails une expérience intime, sans, d'un côté, sombrer dans la pornographie, et de l'autre, sacrifier le concret du réel sur l'autel de la métaphore abstraite ? à l'inverse, quel sens y a-t-il à dévoiler ainsi sa vie privée ? Le geste artistique se comprend mieux en l'inscrivant dans la philosophie développée dans ces pages. Loin d'être anecdotique ou marginale, la sexualité y constitue au contraire le lieu d'accomplissement par excellence d'un véritable érotisme mystique. Les rapports sexuels décrits dans les moindres détails permettent ainsi non pas le dépassement de soi, mais la fusion corporelle des deux amants. Ainsi, au cours d'une fellation, le " sexe [de l'auteur] en fractale se déploie à l'infini dans tout [s]on corps. Le territoire érogène s'étend dans une symbiose où chaque partie est reliée au tout et où la partie érotise le tout ".

On mesure l'écart entre les premières descriptions de rapports sexuels, placés, comme le confesse l'auteur, sous le signe d'un " film X bien cliché ", et les expériences extatiques des dernières pages. C'est qu'entre temps, il y eut rituel de passage, conversion religieuse - à tout le moins spirituelle. Entre l'adulescent " impatient, agressif " et un brin machiste du début et l'homme " adulte, vivant " de la fin, il y eut tout un chemin à parcourir. Et ce chemin, il l'a fait à deux, sur les traces de sa compagne états-unienne, Alex. Le chemin de Damas de l'auteur survient cependant d'une façon bien singulière : en apercevant les poils aux jambes d'Alex. " Au contact de ton être, de ton corps, de tes poils, j'ai découvert des modes d'être que je ne soupçonnais pas. Un nouveau moi. Je me suis senti renaître, loin de toute la crasse de représentations d'une libido aseptisée. [...] C'est tout un monde qui s'est ouvert à moi. Un monde de possibles ", écrit-il au début de sa relation.

Quelle morale retenir de ces deux années parcourues aux côtés de sa compagne ? Celle-ci, loin d'être une muse éthérée ou une succube charnelle, lui enseigne concrètement ce qu'est un corps : une puissance vivante, résolument inscrite dans l'immanence du monde. Une éthique née de, par et pour la chair.

Chronique d'un amour , de Julien Tribotté, éditions Anne Carrière, 2021, 96 p., 10 €

Maxime

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