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Une lettre à l'ancêtre

Publié le 30 janvier 2021 par Onarretetout

Amirul Arham, réalisateur lauréat des Etoiles de la SCAM, producteur, scénariste et poète originaire du Bangladesh, pour sa thèse sur L'oubli de la langue maternelle, a demandé aux enfants le prénom de leurs parents, puis des parents de leurs parents, puis des parents de ceux-ci, puis… Il est difficile, à moins d’avoir fait une recherche généalogique, de connaître les prénoms au-delà des arrière-grands-parents.

Pascal Quignard, dans son livre L’enfant d’Ingolstadt, pose la question suivante : « Qui connaît le visage du premier porteur de son patronyme ? »

Je vous invite à choisir ce visage. Grâce aux moteurs de recherche sur internet, vous pouvez faire émerger du passé des visages peints par des artistes plus ou moins illustres. Vous choisissez un tableau où vous décidez de reconnaître un de vos ancêtres parmi les personnages. Que ce soit un tableau de Jerôme Bosch, L’enterrement à Ornans de Courbet, l’armée chinoise enterrée, ou d’autres oeuvres, ces têtes au Musée de l'Homme à Paris, ces Passagers du silence de Karim Ghelloussi, il serait bon de remonter au-delà d’un siècle. Certes, les musées sont fermés mais vous pouvez en visiter certains virtuellement, par exemple en suivant ce lien.

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Cliquez sur les photos pour les agrandir

Quand vous avez choisi votre ancêtre (ce peut être un enfant, une femme, un homme), vous lui envoyez une lettre dans laquelle vous vous étonnez de son mode de vie et le comparez au vôtre.

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Exemple :

Cher Hippolyte
On racontait dans la famille que tu étais très pieux et pourtant, quand je te vois sur cette image, certes vêtu en enfant de choeur, de ces enfants qui accompagnaient le prêtre jusqu’à la maison du mort pour la levée du corps puis à l’église puis au cimetière, je vois bien que tu es distrait. Ce qui t’intéresse, je pense, c’est le chapeau du porteur de cercueil et pas le crucifix sur ta gauche. Mais je ne peux pas te le reprocher. Aujourd’hui, les enterrements sont des cérémonies étranges. Le nombre de personnes acceptées est limité par la loi d’urgence sanitaire ; tu ne sais pas ce que c’est, une loi d’urgence sanitaire, même si tu as dû en traverser des épidémies et même des guerres. Je me suis laissé dire que tu es allé à Paris, venu d’Ornans, de si loin, pour grossir la foule comme Gustave Courbet l’avait souhaité, pendant la Commune. Elle était comment, Louise Michel, si tu l’as connue, avant d’être menée au bagne ? Et toi, as-tu survécu à cette époque ? Nous vivons plus vieux, grâce sans doute un peu à quelqu’un que tu as peut-être croisé : Louis Pasteur était né, comme toi, dans le Jura. Ce qui m’étonne toujours, c’est de voir le nombre d’enfants, de petits-enfants, et arrière-petits-enfants qui viennent d’un homme et d’une femme qui ont d’abord été enfants. On a un peu oublié la vie rude de la campagne. On a fait des usines, on a creusé la terre pour y trouver du charbon, on a inventé des robots mais ça n’a pas vraiment libéré les humains ni même les animaux. Au contraire, peut-être. Moi j’ai choisi de vivre près de Paris. Je ne suis jamais entré dans la basilique de Montmartre, construite pour « expier les péchés des fédérés ». Tu as quitté Paris plus vite que tu n’y es arrivé, tu n’as pas connu la basilique. Comment un de tes arrière-petits-enfants a pu naître en Belgique, ses parents cultivant un peu de céréales, et élevant quelques poules et quelques vaches laitières, je l’ignore. J’invente tout ça, bien sûr. C’est peut-être seulement la chance, les rencontres. Comment faire pour ne pas oublier ?

C’est à vous main tenant. Postez votre lettre dans les commentaires ci-dessous. Merci. 


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