Magazine Société

Élégie d'automne, de Shemsi Makolli

Publié le 17 février 2021 par Francisrichard @francisrichard
Élégie d'automne, de Shemsi Makolli

Le titre, Élégie d'automne, donne l'idée directrice et le moment de parution du recueil. Car une élégie, étymologiquement, est un chant de mort; la saison de 2019 où tombent les feuilles est celle où il est paru.

Dans la première partie, Un reflet de l'âme, comme dans la deuxième, Amants éternels, la mort bien présente évoque davantage l'éternité que la disparition: c'est ce à quoi aspirent les hommes, qu'ils y croient ou non.

Ce n'est donc pas fortuit que le poète, pour qui la poésie est magie de la vie, s'empare dans deux de ses poèmes des mythes millénaires de la belle Hélène, au regard un peu doux mais glacial, et du Cheval de Troie.

Quelles que soient leurs croyances, le poète sait bien qu'il est facile aux hommes de se chercher des excuses. Mais ils ont pour devoir essentiel de se perfectionner, toujours. C'est la responsabilité qui leur incombe:

Qui est responsable ?

Pour tous nos malheurs

Ce n'est ni ceci ni cela

Mais nous et seulement nous-mêmes.

Comme c'est l'automne, il est bien sûr question dans plusieurs poèmes des feuilles qui se trouvent désormais à terre et qui le symbolisent (en anglais il se dit the fall, c'est-à-dire la chute); ainsi, dans Le corbeau, écrit-il:

Feuilles jaunes

Tombées autour d'un arbre

Comme un joli et doux lit

Pour une longue nuit de noces

De toutes les couleurs paré et embelli.

Dans Discussions de feuilles, celles-ci se font part de leurs états d'âme qui correspondent au moment où elles se sont détachées pour joncher le sol: toutes séchées, très jeunes, morte dans la sève ou petite nouvelle...

Le poète imagine Ceux qui [lui] parlent (comme dans un cortège funèbre) et qui, en réalité, [le] tuent. Ils arborent une tristesse de façade mais ils sourient sous cape, bref, en fait, ils l'aiment mieux mort que vivant:

Ils sont venus avec des nuages sous les bras

Pourquoi des nuages à ma rencontre ?

Afin qu'après moi

Leurs journées s'éclairent.

Il imagine son après, autrement dit quand il ne sera plus de ce monde. Que restera-t-il de lui ? Il ne disparaîtra pas pour autant, il ne se taira jamais jusqu'à la fin de [sa] chanson, il renaîtra même par [ses] rêves:

Même enchaîné, enseveli

Libre je sortirai la tête haut levée

Comme un coquelicot séditieux

Au milieu du champ de blé

Dressé sur un drap bleu-vert

Pétales rouge sang

Caressés par les vents.

Il est aussi question dans cette partie d'assassinats de légendes et de rêves, de leur renaissance (par les siens, comme on l'a vu), mais aussi de renaissance de destins communs. Cela présuppose de rester enfant...

Dans la deuxième partie il s'adresse à l'âme soeur, c'est-à-dire non plus à l'âme en général ou à la sienne en particulier. Il sanctuarise cette âme soeur et se propose de frapper discrètement et d'attendre à sa porte:

Ton âme est un temple sacré

Plus vieux que le temps

Et plus jeune que nous

Car c'est une âme

Et jamais l'âme ne vieillit

Seule change l'alentour

Elle reste pour l'éternité.

Là encore, dans cette partie, il y a une nostalgie de l'enfance et de son innocence (celle des enfants sortis tous droits du Paradis de Dante) ou de l'adolescence: le poète aimerait redevenir le garçon de jadis, et le dit...

Il y a aussi que le temps s'écoule trop vite pour ceux qui s'aiment; aussi même les mots peuvent-ils être de trop; les regards sont éloquents; et, quand ils ne se distinguent pas dans l'obscurité, c'est elle qui leur parle:

Pour nous l'attente n'a plus de temps à perdre

En nuits blanches

À porter remède aux plaies célestes

Et ramasser les étoiles dispersées

Dans le ciel au-dessus de nos têtes.

La séparation des amants peut être volontaire; elle peut ainsi résulter d'un accord de ne plus se voir, mais cela ne signifie pas pour autant l'oubli. Elle peut être involontaire, mais l'amour n'en demeure pas moins:

Ne sois pas triste pour moi

Je suis imprégné d'un bonheur du passé

J'en nourrirai mes derniers instants

Sans rien regretter de cette vie

Sauf les instants vécus loin de toi.

Francis Richard

Élégie d'automne, Shemsi Makolli, 82 pages, Éditions de l'Aire

Recueil précédent:

L'anatomie du rêve (2017)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine