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Photos de famille, d'Éric Pessan (éd. l'oeil ébloui)

Publié le 21 février 2021 par Onarretetout

Photos-de-famille

Les photos racontent plus que ce qu’elles montrent et, parfois, inventent les souvenirs. Je ne saurai pas pourquoi, lisant les poèmes d’Éric Pessan aujourd’hui, me vient à l’esprit une chanson de Georges Brassens, Je suis un voyou. Chanson évoquant un amour de jeunesse, que je n’ai pas connu. Un peu comme cette photo volée d’une fille qu’il écoute, qu’il regarde, assise sur son lit à lui, qu’il ne touche pas et qu’il aurait oubliée, écrit-il, sans cette photo.
Et ce sont aussi de vagues souvenirs que ses photos me rappellent : ceux d’une ferme, tenue par de pas si lointains cousins, dans le département limitrophe, les odeurs que son poème parvient à me faire retrouver. La palissade à la fente de laquelle je regardais le chantier en cours ou le terrain vague, de l’autre côté, inaccessible. Six heures de marche dans une forêt après quoi le silence, qui pour lui « n’est plus une violence ».
Toutes les images, de l’enfant ou de l’homme, laissent entrevoir moins le passé figé sur le papier que tout ce qui y était à venir possiblement. On n’en mesure pas l’écart. Éric Pessan cite Henri Michaux : « Qui laisse une trace, laisse une plaie ». Je me souviens d’un autre vers, de Denis Hirson : « Pas de blessure, pas d’histoire ». Il y a aussi une phrase prononcée par sa mère alors qu’il construit, enfant, des murs de Lego ; des années plus tard, il comprend, en voyant la photo, que la phrase lui était alors adressée, bien que dite à une autre personne. Comme si, alors, et seulement alors, se refermait un piège.

Ce livre ne s’attarde pas uniquement sur des photos personnelles. Il y a aussi des photos vues probablement dans des expositions, des livres, des journaux et qui, chaque fois, éveillent des émotions, lui rappellent, me rappellent un évènement, une lecture. Comme cette biche égarée dans la ville, dont la course me fait penser au début d’un livre de Régine Detambel, Son corps extrême, et me ramène des années plus tôt, en haut d’une côte, au pied de la statue d’une biche allaitant son faon, où nous allions en promenade. La statue n’y est plus aujourd’hui. Elle était percée d’une balle tirée sans doute par un chasseur. Et puis ce prénom, Alice, tandis que je viens de commencer la lecture d'un livre de Dominique Paravel, Alice, disparue.


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