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Le principe Transcendance (1), par Alain Raynaud

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

© Alain Raynaud, 2021. Dépôt légal février 2021. Tous droits réservés. Reproduction interdite

 1- Changer le monde, changer de monde

«Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières De l'illimité et de l'avenir Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés». Apollinaire

Toute ma vie, j’ai voulu contribuer à changer le monde par référence à des parents militants et en m’appuyant sur Marx. Je pense aujourd’hui, après avoir découvert en 1968 Roger Garaudy puis plus tard Teilhard de Chardin, qu’il a manqué au marxisme d’hier, et qu’il manque au marxisme d’aujourd’hui, un principe de transcendance. Ce principe est simplement l’attrait d’un «plus grand que soi», qu’il trouve sa source dans un au-delà du monde présent, dans une espérance ou dans une intention. Je sais aujourd’hui que ce principe était déjà présent dans l’œuvre de Marx et que seuls la dureté des temps, la dictature du matérialisme vulgaire, bourgeois, et souvent l’étroitesse d’esprit de chefs petits ou grands, ont empêché que ce principe soit vu, compris, et mis en pratique. Bien qu’il l’ait été parfois : que des ouvriers soviétiques réalisent de leurs mains une idée, le communisme, en édifiant un barrage sur la Volga, ou que des ouvriers chrétiens jettent vers leur dieu les flèches de la cathédrale de Chartres, qu’est-ce d’autre ici et là que la manifestation d’un même principe, le principe Transcendance.

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Georges Bataille fait remarquer dans «Théorie de la religion» : «Une philosophie n’est jamais une maison mais un chantier». Ce parcours ne présente aucune philosophie nouvelle mais un essai de description personnelle du chantier des hommes guidés par la transcendance, transcendance qui revêt diverses formes et pousse à des efforts et à des sacrifices, individuels et collectifs. Dans «Pour et contre Marx», Edgar Morin décrit son idéal d’homme : «Toujours en formation. Il s’obstine à chercher l’au-delà». La quête d’un au delà de ce monde, d’un plus grand que soi, nous aide à vivre, à vivre en tant que personne individuelle et en tant qu’appartenant à l’humanité. Mais, quand nous cherchons un au-delà, voulons nous changer des choses dans le monde tel qu’il est ou changer de monde ? Le panorama projeté permettra d’observer ce besoin, cet impératif, ses limites, ses modalités d’accomplissement. Ce panorama ne s’ouvre pas sur Dieu car celui-ci, ainsi que le note Teilhard, n’est pas «un grand propriétaire administrant ses terres». Surtout, inconnaissable par définition, il n’est qu’une possibilité de transcendance parmi d’autres, possibilité à laquelle il faut faire place mais en ne refusant jamais la lumière à celles et ceux qui ne la nomment pas «Dieu» : les immanents aussi ont leur transcendance. Il ne s’agit pas d’imposer un principe de résignation ou de soumission, mais d’explorer les diverses facettes d’un principe d’émancipation, d’épanouissement, indissolublement personnel et collectif. Notre époque connaît depuis le dernier quart du XXe siècle un développement des intégrismes, notamment religieux. L’esprit de cet essai, tendu vers la découverte et la description d’une transcendance à visage humain, est aussi de fournir des armes contre ces formes nihilistes de la transcendance. «Il faut bien qu’il y ait dans la conscience elle-même un principe de liberté et d’union», disait Jaurès. Nous proposerons des directions différentes pour que chacun trouve ce principe. Pour en tirer une éthique, nous en dresserons une topographie élémentaire, historique puis thématique. Avec la pandémie de la Covid-19 qui a bouleversé la vie privée et publique des terriens au cours de l’année 2020, les questions du but de la vie et de l’organisation collective propre à atteindre ce but se trouvent plus que jamais posées à la conscience de chacun. Mais les forces qui empêchent de les poser sont toujours-là, aussi fortes qu’avant, et elles font tout pour instrumentaliser la crise sanitaire de façon à obtenir des individus et des sociétés tout entières le consentement aux dérives libérales, autoritaires et productivistes. La santé est utilisée à la fois comme une puissante imprécation - vous risquez votre vie si vous n’obéissez pas ! - et un opium des peuples. Chercher le plus grand que soi, faire jouer le principe Transcendance, est de plus en plus difficile, mais pour les mêmes raisons de plus en plus nécessaire.

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D’hier ou d’aujourd’hui, des idées réductionnistes (monismes, dualismes, 6 littéralismes, intégrismes, complotismes, etc.) ramènent la diversité du monde à une abusive simplification, et, ignorant les nuances, toute contradiction à celle du noir contre le blanc. Cet essai, sans conclusion, tente de définir et de défendre, contre ces idées guerrières, l’unité évolutive complexe de chaque homme, son humanisation, menacée par les dérives, le désordre, le risque d’implosion, l’entropie (pour employer un mot savant) des formations économiques et sociales, et le repli sur soi consécutif des individus et des collectifs. Cette unité peut être sauvée par un mouvement de dépassement, de transcendance, vers un possible dont Marx et Teilhard de Chardin, avec d’autres, sont au nombre des prophètes. De ces prophètes nous brossons un panorama personnel, non universitaire, présentant une interprétation compréhensible de leurs œuvres, qui puisse être justement utile à cette unité de l’homme, à l’émancipation de chacun et à l’épanouissement de tous

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