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Cameroun : Le procès de l’absentéisme des fonctionnaires et agents publics

Publié le 18 mars 2021 par Tonton @supprimez

Dans une correspondance adressée au secrétaire général des services du premier ministre le 9 mars 2021, le secrétaire général de la présidence de la République, sur instruction du chef de l’Etat décrit et dénonce la désertion des fonctionnaires et agents publics de leurs lieux de travail.

Les principaux occupants abandonnent les bureaux administratifs, brillent par leur absence légendaire. Pour mettre un terme à la récréation, dans la perspective de tordre le cou à la maladie de l’absentéisme, on peut penser que la lettre du Minetat/secrétaire général de la présidence de la République au secrétaire général de la primature le 09 mars dernier est un ultimatum. Mieux un impératif pressant et un rappel à l’ordre en direction de ceux qui émargent à la fortune publique sans produire la contrepartie.

En clair, Paul Biya demande à son premier ministre, Joseph Dion Ngute, de sévir, d’être sans pitié contre ceux qui transforment les postes de travail en des espaces de tourisme bureaucratique. Par l’entremise de son Sgpr, Paul Biya qui retrouve une envie soudaine à gouverner, à reprendre en main le contrôle de son administration publique, recommande de « tenir en urgence une session du Conseil supérieur de la Fonction publique dédiée à l’examen de ce problème ». En marge de ces assises, le chef du gouvernement doit d’ores et déjà prendre des mesures conservatoires. Dans la foulée il est prescrit aux ministres compétents ainsi qu’aux autorités administratives de veiller à la remontée systématique des informations relatives aux cas d’absences répétées des agents publics de leurs postes de travail et à l’application des sanctions disciplinaires prévues par la règlementation en vigueur.

Petite distraction, l’art d’être hors-sujet; une simple opération spectaculaire pour impressionner, il s’observe quelques curiosités, un contraste et une série d’interrogations. À commencer par le timing et les motivations qui ont poussé le président Paul Biya à sortir de son mutisme et son confinement prolongé pour rendre obligatoire la présence effective au travail. Comment ne pas s’interroger, spéculer sur la volte-face, l’effet d’un coup d’épée dans l’eau que pourrait rencontrer cette interpellation si tant est qu’avant de passer à la phase de l’alerte, la condamnation et les sanctions sur l’absentéisme, il y a de nombreuses irrégularités, les crispations, les crises, frustrations, les injustices et les incohérences et les inégalités qu’il faut régler. La sortie du boisseau et le réveil présidentiel intervient en pleine progression et propagation de la pandémie de la Covid-19, alors même que le premier ministre Joseph Dion Ngute a il y a quelques jours, face à la 2ème vague de la pandémie du Covid-19, réaffirmé et réactivé le respect d’autorité des mesures barrières édictées par le président de la République Paul Biya. Au-delà de la pratique de l’extrême application des mesures barrières Joseph Dion Ngute à défaut de proscrire le confinement physique total, le chef du gouvernement appelle à réduire le travail en présentiel dans l’administration publique. Dans le même sillage, agissant au nom du président de la République Paul Biya, lui aussi, le chef du gouvernement a vivement recommandé que soit requis le travail par le biais des vidéos conférences.

La sortie, au nom du président Paul Biya du Minetat Sgpr, Ferdinand Ngoh Ngoh; lui qui demande, au Sg/Pm de frapper l’absentéisme des fonctionnaires et agents publics résonne comme un contre-pied, une curiosité suspecte d’un Minetat Sgpr qui fait une fixation sur un trop-plein de pouvoir absolu, excessif sans partage. Peut-on véritablement faire le procès de l’absence physique des fonctionnaires dans les bureaux en prônant en même temps la distanciation sociale ? Doit-on envisager la fermeté radicale et impérative ou l’apocalypse par le biais des sanctions sévères si les abcès, petites maladies et les plaies de l’administration publique camerounaise sont encore saignantes, difficiles à se cicatriser? Les problèmes de la fonction publique sont connus et identifiés : inertie, corruption, absentéisme, impunité. . . À cela s’ajoute le sur-effectif dans certaines administrations à cause de recrutements fantaisistes qui sont une cause à ne pas négliger. On voit dans des bureaux de 8 mètres carré une constellation de 08 à 10 personnes parquées comme du bétail moutonnier qu’on conduit au sacrifice.

Si autrefois cela n’inquiétait personne; tout au contraire le surnombre permettait à certains d’être des figurants, ce n’est plus le cas. La progression à grandes enjambées de la pandémie du Covid-19, l’avalanche et la flambée des cas testés positifs de coronavirus; par ces temps de vives paniques, les innombrables frayeurs pourraient être l’une des causes de l’absentéisme. La fonction publique camerounaise est un grand corps malade dans toutes ses strates, à tous les niveaux. L’absentéisme n’est qu’un petit aspect à voir l’océan des problèmes dont elle est victime. Il y a plus de misères, des injustices, des inégalités, des poches de corruption. Et si, plutôt que d’envisager un passage en force aux travers des sanctions, on manquait un temps d’arrêt pour l’exorciser, la repenser, la réhabiliter, la restructurer, la recréer?


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