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Theodore Roethke – J’attendais

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Theodore Roethke – J’attendaisJ’attendais que le vent émeuve la poussière ;
Mais aucun vent ne vint.
Je semblais manger l’air.
Les insectes bruissant nivelaient l’air du pré.
Je surplombais, lourd et massif, le champ.

C’était comme si j’essayais de marcher dans le foin,
De m’enfoncer dans la moisson, à chaque pas un peu plus loin,
Ou je flottais à la surface d’un étang,
Longues lentes ondulations clignotant dans mes yeux.
Je voyais à travers l’eau toutes sortes de choses, agrandies,
Miroitantes. Le soleil brûlait à travers une brume légère.
Et moi je devenais tout ce que je voyais.
J’éblouissais dans une éblouissante pierre.

Alors un âne se mit à braire. Un lézard me fila sous le pied.
Lentement je revins vers la route poudreuse ;
Il me semblait, quand je marchais, que je m’ensablais.
J’avançais comme un animal lassé de la chaleur.
J’allais sans me retourner. J’avais peur.

Le chemin se faisait plus raide entre les murs de pierre,
Puis se perdait au fond d’une gorge rocheuse.
Un sentier menait à un petit plateau.
En bas, claire, la mer, les vagues régulières,
Et tous les vents venaient vers moi. J’étais heureux.

*

I Waited

I waited for the wind to move the dust;
But no wind came.
I seemed to eat the air;
The meadow insects made a level noise.
I rose, a heavy bulk, above the field.

It was as if I tried to walk in hay,
Deep in the mow, and each step deeper down,
Or floated on the surface of a pond,
The slow long ripples winking in my eyes.
I saw all things through water, magnified,
And shimmering. The sun burned through a haze,
And I became all that I looked upon.
I dazzled in the dazzle of a stone.

And then a jackass brayed. A lizard leaped my foot.
Slowly I came back to the dusty road;
And when I walked, my feet seemed deep in sand.
I moved like some heat-weary animal.
I went, not looking back. I was afraid.

The way grew steeper between stony walls,
Then lost itself down through a rocky gorge.
A donkey path led to a small plateau.
Below, the bright sea was, the level waves,
And all the winds came toward me. I was glad.

***

Theodore Roethke (1908–1963) – The Collected Poems of Theodore Roethke (Anchor Press, 1975) – Arpa n°59 (1996) – Traduit de l’américain par Raymond Farina.


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