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Sur le concept de “film avec des policiers”

Par Jeannoel08

Certains, sur ce blog où j’écris pour la première fois, me reprochent de n’aimer - je cite - “que les films avec des policiers”.

C’est faux. J’aime aussi les films où l’on trouve :

  • des shériffs
  • des US Marshalls
  • des détectives privés
  • des gendarmes
  • des agents secrets
  • des gardes frontières
  • de la police militaire
  • des agents de l’ATF (alcohol, tobaccos and firearms)

Citons, en donnant un film par type de représentant de la force publique autre que policier au sens propre: Warlock, The Fugitive, Chinatown, Ne le dis à personne, The Bourne Trilogy, The Three Burials of Melquiades Estrada, In the Valley of Elah, Déjà vu (même si ce dernier n’est pas terrible, OK).

À l’inverse, les films qui mettent en scène des agents de la NSA sont, à mes yeux, tous profondément piteux. Et les choses se gâtent lorsque l’on mélange les genres. La présence simultanée, par exemple, de policiers, d’agents secrets (surtout lorsqu’ils appartiennent à des agences concurrentes et portent des habits où sont inscrits en très très gros le nom des dites agences), de shérifs et de détectives privés est normalement un signe indubitable (Aristote dirait : un tekmèrion) d’absolue nullité. Je n’ai jamais rencontré de film où un agent secret rencontrait un garde-frontière, donc je n’ai pas d’avis sur la question.

Chinatown, 1976

De même, ne soyons pas sectaires, des films contenant exclusivement des policiers, des shérifs, des US Marshalls, des détectives privés, des gendarmes, des agents secrets, des gardes frontières, des membres de la police militaire ou des agents de l’ATF peuvent également être très très mauvais. Mais c’est quand même rare. Un bel uniforme bien porté à l’écran -si possible accompagné d’un beau pistolet ou d’un gros fusil- est normalement prometteur d’un bon moment de cinéma.

Mais pourquoi donc s’intéresser aux films avec des policiers ? Pour la violence ? Pour les clichés ? Pour le suspense ? Par amour de l’ordre ? Les trois premières raisons sont sans valeur. La dernière est inconsciente, et il est par conséquent difficile d’en parler.

Restent trois raisons objectives. La première est narrative ; les deux autres, pour ainsi dire, atmosphérique :

Raison n°1 : le film avec des policiers représente la quintessence de la construction narrative.

Exemple : L.A. Confidential (Curtis Hanson, 1997)

Raison n°2 : entre les mains d’un réalisateur talentueux, une histoire avec des policiers peut offrir, plus que toute autre, l’occasion de créer une ambiance cinématographique réussie.

Exemple : Mystic River (Clint Eastwood, 2003)

Raison n°3 : sous ses airs popu, le film avec des policiers peut offrir l’occasion d’innovations esthétiques majeures.

Exemple : Point Blank (John Boorman, 1967)

Le problème est que la présence d’un policier (ou d’un shérif, d’un gendarme, bref…) n’est pas à même d’assurer à elle seule la réussite du projet et de créer 1. une bonne construction narrative, 2. une ambiance réussie, 3. un résultat esthétiquement intéressant. La présence de l’une de ces trois qualités est déjà une bonne chose. Deux, cela devient un challenge. Trois, cela devient un chef d’oeuvre.

Prenons quelques exemples en nous appuyant sur des productions récentes : Blood Work (Eastwood, 2002), ainsi, possède la qualité n°1, pas la 2. Quant à la 3, il en est si dépourvu qu’il se trouve entièrement ruiné par le grotesque de la (trop longue) scène finale. The Untouchables (De Palma, 1987), quant à lui, possède la qualité n°2, mais est totalement privé de la qualité n°1. La 3 est totalement absente, c’est du lourd. Police Python 357, (Alain Corneau, 1976), enfin, l’un des polars français les plus nuls jamais réalisé (merci Corneau), est dépourvu de la qualité n°1, mais aussi de la 2 et de la 3. Et pourtant, Yves Montand a un très très gros revolver (le même, d’ailleurs que Harry Callahan, The Big Dirty, c’est dire).

Mais venons en maintenant à trois polars récents dont j’avais tout d’abord décidé de parler ici avant de dériver. Tous trois sont sortis en 2007, et contiennent au moins un policier : Eastern Promises (Cronenberg - policiers + policiers infiltrés), Gone Baby Gone (policiers + détectives privés), We Own the Night (policiers, plein plein plein plein de policiers).

Dans les trois cas, la critique fut unanime. Ulysse sautait dans tous les sens sur les pages de Télérama. Le Monde se pâmait. Et Télé Loisirs décernait à chacun trois Saucissons d’or, la note maximale.

Et pourtant.

Et pourtant, ces trois films avec des policiers sont de qualité inégale. Dans mon palmarès, cela donne :

  • 1. Gone Baby Gone 
  • 2. Eastern Promises 
  • 99. We Own the Night

Finalement, plutôt que de parler des deux premiers, sur lesquels je reviendrai une autre fois, nous allons nous pencher plus précisément sur le 99e film de ce classement. (Spoilers, Watch Out !)

We Own the Night, c’est l’histoire d’un mec (J. Phoenix) qui est un peu malfrat. J’aime quand J. Phoenix joue des malfrats, cela me rappelle la première fois où je l’ai vu (pour autant que je puisse m’en souvenir) dans The Yards… de James Gray. Soit le deuxième film du réalisateur du film don’t nous parlons (We Own Machin…).

Donc c’est un mec qui est un peu malfrat. Il tient une boîte de nuit à NYC pour un parrain russe. Ce faisant, le film présente la qualité n°2 au plus haut point : ambiance disco années 80 (le film commence avec Heart of Glass en bande son, sur un plan de semi-boule), belles scènes de danse avec rupture sur arrières-cours glauques.

C’est alors (*spoiler*) qu’on découvre que Joachim, son frère est un super policier, et que son papa est le chef de tous les policiers de NY. Bon pour le point 2 : le contraste boîte / bal de la police est bien réussi. Mais ruine totale de la qualité n°1 (on ne reviendra pas sur la 3, absente du film : bien cadré, bien monté, rien de fracassant).

Comment comprendre cette totale absence de qualité n°1 ?

La film avec des policiers est, par essence, structuraliste et actantiel. Il y a une histoire qui se déroule, avec des héros qui progressent et qui rencontrent des obstacles selon des schémas bien définis, comportant des variations elles-mêmes définies selon le modèle mis en place par Vladimir Propp à propos du conte traditionnel (Morphologie du conte, 1965).

Le problème, c’est qu’un schéma trop défini n’est propre à séduire que les abrutis. Et que We Own the Night séduit les abrutis.

En effet (*spoiler*), l’idée du film est la suivante : Joachim est devenu malfrat because son Oedipe. Alors il ricane beaucoup face aux policier, joue aux durs, et planque sa filiation auprès de ses potes les gros russes. Un jour, ses potes les gros russes s’en prennent aux policiers et flinguent son frère (ils le ratent, les cons) et son papa (ils le butent, les cons). Alors Joachim est fâché, se met à aimer les policiers, à aider les policiers, à devenir policier lui-même. Sans rire, c’est énorme, mais le scénario n’y va pas par quatre chemins : Joachim s’engage dans le NYPD comme trouffion de base. Et il tue plein de malfrats. Comme ça il venge son papa.

Pourquoi est-ce si nul ? Parce qu’on a là un variante faiblarde du motif du “héros caché”, du méchant qui dissimulait sa nature bénéfique. D’habitude, c’est un policier infiltré (The Departed, mais aussi Eastern Promises, bien que ce soit un peu plus compliqué comme on le verra le jour où j’en causerai). Ici, c’est un type converti en malfrat qui redevient gentil pour faire comme sa famille propre sur elle.

Ce qui signifie que le moteur de l’action, c’est le génome de Joachim. Ses gênes de flic en somme.

Et d’un point de vue actantiel, les gênes, c’est quand même très très nul…


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