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Laissez-faire : une défense épistémologique et éthique du libéralisme

Publié le 14 mai 2021 par Magazinenagg

 À l’heure où la France se prépare au déconfinement, il convient de rappeler que la meilleure justification de toute politique est sa légitimité et non son efficacité supposée.

La meilleure défense du libéralisme est épistémologique : elle se rapporte à la manière dont les idées sont découvertes et circulent. Une idée qu’il est nécessaire d’imposer pour qu’elle ne sombre pas dans les oubliettes de l’histoire ne peut être une bonne idée.

Si elle l’était, elle serait spontanément adoptée à moins que tous les humains soient des crétins irrationnels qui se jettent systématiquement dans les idées les plus dévastatrices, mais c’est à se demander comment ils ont pu survivre aussi longtemps ainsi.

S’il est nécessaire de l’imposer, il est impossible d’estimer sa valeur. Comme le dit le personnage d’un film célèbre« avec un revolver dans la bouche et le barillet entre les dents, on ne prononce que des voyelles. »

C’est sur la base de ce double  argument que John Locke défendait la tolérance religieuse et le consentement, avant tout parce qu’ils sont la condition sine qua non de la préservation de la rationalité.

Nous reconnaissons donc aux humains certaines qualités distinctes qui justifient des avantages, ce que la modernité a appelé des droits subjectifs. Il ne s’agit pas d’une liste de courses juridiques comme la Déclaration des droits de l’Homme, mais de principes moraux qui font la différence entre traiter un Homme avec respect et le traiter comme un chien.

En effet, ce n’est pas un hasard si l’espèce humaine est la seule à s’organiser par le droit, sans pour autant être le seul exemple d’organisation sociale du règne animal. Dans cette optique, il est parfaitement légitime d’identifier les mesures liberticides à un processus de décivilisation, par lequel nous sommes ramenés au rang des insectes sociaux. C’est une régression intellectuelle et une régression morale.

Les lois sont comme les idées : leur valeur ne peut être estimée si l’on n’y consent pas.

Par extension, cela signifie aussi que même en l’absence de lois la violation du consentement d’autrui est illégitime : je n’ai pas besoin qu’une bande d’emperruqués écrivent le Code pénal pour considérer comme illégitime le viol de ma voisine. Seulement voilà, ce droit doit être respecté. Ici, beaucoup de confusions sont faites sur le rôle exact de l’autorité civile (l’État aujourd’hui, mais on aurait tort de croire qu’il est le seul dans l’histoire).

Il ne s’agit pas d’empêcher certains comportements de se manifester, mais de punir leur manifestation, dans un souci de justice. Des millénaires d’interdiction du meurtre dans la plupart des civilisations n’ont jamais fait disparaître cette pratique fâcheuse. On ne peut pas non plus soutenir qu’il faudrait punir davantage les violations de la loi les plus fréquentes, afin de formater la société dans le « bon » sens : il faudrait punir d’une amende de 135 euros les criminels de guerre (les génocides ne sont, Dieu merci, pas monnaie courante) et décapiter les voleurs de pommes.

Ce n’est décemment pas ce qu’on peut attendre de la loi ou de la justice d’une société civilisée. Son but est de réprimer les violations de la loi, et non de les prévenir. C’est également ainsi que l’on peut s’assurer de la limitation de la taille de l’État et de la préservation de la liberté, car qui peut dire où la prévention s’arrêterait ?

Nul ne peut prédire ce que les manuels d’histoire du prochain siècle diront de cette période. Mais la pandémie de covid-19 et la réponse autoritaire qu’elle a déclenchée dans le monde entier n’en est pas moins, d’un point de vue strictement rétrospectif, un recul marqué sur le plan de tous ces principes fondateurs.

Le scientisme est une plaie, les faux savants sont un cancer et les intellectuels formés sur twitter, un poison. La meilleure façon de défendre la liberté n’est donc pas de tenir un discours purement factuel en s’improvisant épidémiologiste. La défense doit être fondée sur des principes.

Il est grotesque de voir aujourd’hui les politiques les plus liberticides être justifiées au nom de la rigueur scientifique : la science (si un tel corpus unifié existe, ce qui est douteux) statue sur des faits, la politique sur des valeurs.

Le vernis de rigueur scientifique que se donnent les gouvernements n’est pas seulement une justification hypocrite de leur autoritarisme, que ce soit dans le domaine fiscal ou dans les violations éhontées de la liberté de circulation, il est aussi l’expression de leur fuite devant toute responsabilité.

TOUTE POLITIQUE EST UNE INTERPRÉTATION DE LA RÉALITÉ

À chaque discours du président Macron ou de son Premier ministre, la situation épidémique filtrée par les indices qu’ils choisissent soigneusement est présentée comme l’effet de leur politique ou de la désobéissance à celle-ci, tout en maintenant un mythe de pragmatisme, alors que le reality-check est complètement passé à la trappe.

Une bonne situation épidémique est une bonne politique, donc il n’y a en fait plus de différence entre la politique entreprise et les effets de cette politique. Le discours du gouvernement est une sorte de perversion du langage, parce que le choix des sujets grammaticaux crée une illusion d’agency (gouvernement –> (agit sur) virus –> population), qui fait croire que la réalité est l’effet de la politique du gouvernement, ce qui oblitère automatiquement la possibilité que la chaîne causale soit inverse et empêche de factoriser la politique gouvernementale dans la réalité, sur le même plan que la situation épidémique.

L’autre possibilité, à savoir qu’il n’y ait pas de chaîne causale du tout, est bien sûr la plus anti-politique et la moins civique de toutes, parce qu’elle contient l’idée d’une réalité robuste à l’action politique, sans que cela veuille dire qu’on peut connaître une « réalité » nouménale indépendamment des modélisations qu’on en fait.

La situation pandémique s’impose comme un phénomène complexe, ce qu’elle est : un confinement n’aura pas le même effet selon les territoires, selon les variants du virus, et on a beaucoup évoqué le cas de l’Argentine et de son confinement de six mois totalement inefficace. Comme souvent, en ce domaine, les comparaisons entre pays sont délicates, même si certains indices, comme la densité de population, semblent d’une fiabilité douteuse.

Mais il y a des effets visibles et immédiats. La politique n’agit jamais que sur ceux-ci car elle n’est qu’apparence, art de ranger sous le tapis. On appelle par exemple stimuler l’économie l’action du gouvernement quand il s’empare du capital des individus productifs et le distribue entre ses amis improductifs. On appelle impôt les taxes sur le revenu, mais on appelle inflation l’augmentation des prix, comme si ce n’était pas une autre taxe, certes plus insidieuse.

Les effets les plus visibles, comme les mauvaises nouvelles en général, produisent une réaction émotionnelle forte, et l’association civile n’a d’autre but que de canaliser les passions. C’est ce cri du cœur qu’exprime « il faut faire quelque chose ». Même quand on ne sait pas quoi.

Les conséquences d’une action individuelle sont souvent difficiles à prévoir, mais c’est une bagatelle en comparaison des actions politiques sur un pays entier ! Ce qu’il faut bien comprendre est que l’action gouvernementale n’a nullement pour objectif d’affecter la réalité : elle n’a d’autre but que de calmer les passions excitées par le malheur, de rassurer.

On ne porte pas un masque à l’extérieur pour se protéger du covid-19, on le porte pour le porter. Le simple fait de porter un masque produit une satisfaction religieuse, comparable à celle du croyant qui, à force d’observer un rituel quelconque, finit par croire en Dieu. Ce n’est pas que la religion soit méprisable, mais incontestablement elle est un phénomène social irrationnel.

Loin de moi l’idée de considérer que toutes les actions humaines doivent être rationnelles, ou que la religion est méprisable, bien au contraire, mais elle est mieux à sa place, c’est-à-dire dans les églises et non dans la rue. C’est une autre raison pour laquelle il me semble qu’argumenter sur la base de faits face à des partisans du confinement ou du masque dans la rue est une perte de temps.

Les humains ont besoin de se consoler du malheur du monde, et il est indigne que l’État profite de cette faiblesse et en fasse une religion d’État. Car ce n’est pas en arrêtant de vivre qu’on se met à aller mieux.

Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur ce type de croyance irrationnelle, qui pousse également à annuler les vaccinations d’Astra Zeneca pour un risque infinitésimal, et à critiquer ceux qui désirent recevoir ce vaccin de leur propre chef.

Plus encore, je pense que la confusion entre l’existence de la réalité externe et la limitation de notre connaissance de celle-ci à des modélisations alimente symétriquement 1) le volontarisme ou le constructivisme gouvernemental et 2) l’opposition sceptique ou irrationnelle des antivaccins, complotistes et agités du même acabit.

Cette confusion dont je parle n’est pas contemporaine mais moderne en général, c’est le tournant entre vérité divine et vérité rationnelle (construite). Les deux s’alimentent pour une raison que Arendt et Popper ont en commun d’avoir soulignée : toute politique présuppose une épistémologie.

Même si je ne pense pas que le gouvernement français soit dictatorial et encore moins totalitaire, je pense en revanche qu’il rappelle que la vérité n’est pas une vertu en politique. Une vérité appelle un énoncé vrai, et de cela, on ne peut débattre. On ne débat que d’opinions, et par là, de valeurs, ou de préférences. Mais il ne semble pas que ce rappel ait de bons effets sur les gens.

On ne peut donc s’en tenir à un simple relativisme sur la situation épidémique et dire que « tous les modèles se valent ». Si c’était le cas, ce ne seraient pas des modèles. Et d’ailleurs, ça ne pourrait pas être le cas, car quel état de fait peut être compatible avec un modèle et son contraire ?

Sans entrer dans un débat de philosophie des sciences, on peut toutefois reconnaître raisonnablement et avec un brin de scepticisme sain, que la connaissance scientifique progressant, comme elle le fait, en éliminant ce qui est faux plutôt qu’en établissant des vérités infrangibles, régler sur son évolution volatile la vie de dizaines de millions d’humains est au mieux déraisonnable.

Les innovations scientifiques sont d’ailleurs le meilleur exemple d’idées se répandant spontanément parce que les gens les adoptent, que le pouvoir politique le veuille ou non.

Dans la même optique, on est en droit d’exprimer la plus grande méfiance à l’égard des protestations de neutralité des scientifiques quels qu’ils soient et cela vaut aussi en sciences sociales. Il n’existe pas de neutralité éthique en science.

Tout ce que la science peut affirmer est que, dans l’état actuel des connaissances, A est la meilleure façon d’obtenir B. « Meilleure » est déjà sujet à débat : s’agit-il de la façon la plus rapide de procéder, la plus efficace, la plus sûre, la moins coûteuse ou seulement la seule connue ? Et surtout, « meilleure » pour qui ? Comme le faisait remarquer Rothbard avec son ironie grinçante, on peut gérer optimalement un goulag ou un camp de concentration.

Au-delà de la provocation, comme dans toute bonne provocation, se trouve une grande vérité : le critère d’évaluation d’une politique ne peut être scientifique, il doit être éthique. Malheureusement, à ce sujet aussi, la rigueur intellectuelle a souvent été violée à son tour, et on ne lui a pas fait de beaux enfants.

Si cet article doit avoir une quelconque utilité, j’ose espérer qu’il permettra de remettre les idées à l’endroit pour tous ceux que le futur de la liberté inquiète et de récupérer les claques qui se sont perdues.

N.B. Le scepticisme sain que je défends (aussi appelé « rationalisme critique ») n’est pas du tout une opposition à la science, comme j’imagine que tous les lecteurs de bonne foi l’auront compris.

Au contraire, je serais ravi qu’on m’explique, par exemple, comment il se fait que si un confinement diminue la circulation du virus, celle-ci n’augmente pas à nouveau quand le confinement est levé, chose qui ne s’est observée, à ma connaissance, nulle part.

LE « DROIT À LA SANTÉ »

C’est l’argument systématique opposé aux défenseurs de la liberté : à mon droit de circuler s’oppose le droit de X à la santé.

À ce sujet, plusieurs remarques.

Tout d’abord, on pourrait être méchant et rappeler que le droit à la santé n’existe pas. Un cancéreux en phase terminale ne peut pas poursuivre en justice les médecins pour n’avoir pas été capables de le sauver. Le droit règle la conduite des individus, pas celle des virus.

Ce droit à la santé ne se trouve dans aucun des grands textes de lois de l’histoire occidentale (ou de l’histoire tout court d’ailleurs), de la Magna Carta à la Déclaration des droits de l’Homme.

Il est une invention récente, que Michel Villey plaçait justement sur le même plan que d’autres droits poétiques comme le droit au soleil ou le droit à l’eau : tous des droits impossibles à garantir (donner à des enfants mourants un droit à l’eau ne les protège pas de la mort ; il y a même une forme d’indécence dans cette façon de penser), tous des droits qui entrent en conflit avec d’autres droits, alors que la nature même des droits est d’être inaliénables.

Mais admettons, pour être charitables, qu’un tel droit existe. Commet-on alors un crime contre soi-même si l’on tombe malade ? Ce que ce droit à la santé signifie vraiment, ou en tout cas le seul sens qu’un être rationnel peut lui donner, est qu’on ne peut refuser des soins à une personne qui en a besoin.

Cette formulation est encore très confuse (que veut dire besoin ?) mais soit. Cela signifie, par exemple, qu’un médecin ne peut refuser d’opérer un patient parce qu’il est noir ou homosexuel. Tout le monde est d’accord là-dessus.

Mais entre ce principe prudent et qui, d’ailleurs, ne met en conflit aucun droit (personne n’a jamais reconnu à un chirurgien un « droit-à-ne-pas-opérer-les-noirs »), et celui, plus extensif, qui viole les droits des uns pour garantir ceux des autres, il y a un gouffre. À aucun moment le respect du « droit à la santé » ne requiert de violer le droit de quiconque.

On ne voit pas bien d’ailleurs en quoi le confinement, puisque c’est l’archétype de la mesure liberticide, garantit un quelconque droit à la santé. Si X veut préserver sa santé, libre à lui de prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour ce faire. Qui l’empêche de rester chez lui ? Qui l’empêche de porter un hazmat suit ?

L’argument est complètement ridicule : au lieu de rester tranquillement chez lui par peur (peut-être justifiée) d’attraper une maladie, peu importe son taux de mortalité, car les décisions que prennent les individus sur la conduite de leur vie ne me regardent absolument pas, X demande non seulement qu’on le force à rester chez lui mais également ceux n’ayant nullement l’intention de le faire afin qu’ils ne le contaminent pas en sortant dans la rue, où il n’avait de toute façon pas l’intention d’aller.

Un inconvénient qu’aurait pu raisonnablement s’infliger, par prudence, une minorité fragilisée, devient une contrainte universelle. C’est un petit peu comme si, toutes proportions gardées, on interdisait les relations sexuelles pour éviter la circulation du SIDA.

On pourrait aussi faire remarquer, dans un esprit plus taquin, qu’on n’a pas attendu le covid-19 pour que les hôpitaux soient surchargés. L’épidémie de grippe en 2015 avait déjà vu un tel phénomène1 sans que le président Hollande juge nécessaire de confiner la population pour éviter la surcharge des hôpitaux et le tri des patients.

Comme si le décalage des opérations chirurgicales n’était pas déjà un tri tout aussi révoltant. Leur droit à la santé ne préoccupe visiblement personne. Décidément, ce droit à la santé est un garnement très tapageur, puisqu’il s’en prend non seulement à la liberté de circulation des uns mais aussi au droit à la santé des autres !

LA LIBERTÉ DE TOMBER MALADE

Les libéraux sont souvent caricaturés comme les défenseurs de la liberté ou du droit (nos ennemis n’étant pas très soucieux du sens des mots) de tomber malade. Nous ne défendons, que je sache, rien d’aussi précis. Ce serait aussi absurde que de nous présenter comme les défenseurs du droit de porter les chaussettes de notre couleur préférée. Nous défendons la liberté tout court.

Et la liberté implique une responsabilité. On peut, bien sûr, considérer que les êtres humains sont des chimpanzés inconscients qu’il faut prendre par la main, des enfants irresponsables qui cherchent seulement à faire toutes les conneries possibles et imaginables pendant qu’ils sont en vie, malheureusement les données documentant cette intéressante analyse ne sont pas nombreuses.

La liberté est souvent caractérisée, en référence à Isaiah Berlin, à l’aide d’une division entre liberté négative, c’est-à-dire l’absence de coercition, et la liberté positive, c’est-à-dire l’obtention de certains biens (comme la sécurité ou, justement, la santé).

Cette opposition n’a pas lieu d’être. La liberté négative n’est pas opposée à la liberté positive, elle en est la condition : on ne peut imaginer une démocratie fonctionnant correctement dans laquelle les obstacles à la pensée libre et au mouvement ne sont pas écartés. Opposer l’un à l’autre ou, pire, faire primer la liberté positive sur la liberté négative, c’est jeter le sens des mots si haut dans les airs qu’on ne le perçoit même plus.

On pourrait continuer sur cette question en rappelant qu’aucun scientifique ne défend de nombreuses mesures mises en place en France pour faire en sorte que surtout personne ne soit « libre de tomber malade », comme le port du masque en extérieur.

C’est une perte de temps que de dénoncer ces mesures grotesques : personne ne les applique. Il suffit de se promener dans Paris, de prendre le bus et de regarder par la fenêtre pour voir que personne ne suit cette consigne correctement. Une loi si radicalement inconforme au comportement spontané de la population n’a pas d’effet magique : si les individus n’ont aucun intérêt rationnel à ajuster leur comportement, ils ne l’ajusteront pas.

Interdisez tel produit, vous créez un marché noir. Pourchassez les vendeurs, vous augmentez les prix. Et ce n’est pas l’État français et sa police qui va faire respecter les normes qu’il édicte d’autorité à la vitesse d’une photocopieuse : il y en a tout simplement trop, et elles changent trop souvent, se contredisent parfois, bref, elles sont contre-productives. Le principe de la sécurité juridique à lui seul devrait rappeler à quel point personne n’est tenu d’obéir à ces directives stupides. Et l’État se ridiculise.

« JE FAIS CE QUE JE VEUX »

Non, mais je fais ce que je dois. Ce ne sont pas les lois qui doivent régler mon comportement, mais la morale. Personne ne nous fera croire qu’il respecte la loi. Lisez-vous le Journal officiel régulièrement ? Alors ne me faites pas croire que c’est la loi que vous invoquez pour régler votre comportement.

On agit en fonction de ce qui nous paraît juste, et contrairement à ce que visiblement beaucoup de gens qui ne fréquentent pas assez d’humains croient, les principes de justice sont suffisamment universellement partagés pour rendre possible une vie sociale normale.

D’aucuns pourraient même arguer que c’est le propre de la civilisation, par opposition à la société tribale décrite par Herbert Spencer comme celle où le droit n’a pas encore  évolué.

Devant cette inflation juridique comique, il est peut-être plus important que jamais de rappeler que nous ne devons aucun respect à la loi en tant que telle. Il n’est pas vrai que nous consentons à quoi que ce soit des politiques liberticides mises en place par le gouvernement.

Le consentement, et c’est peut-être une des grandes vertus du féminisme contemporain de l’avoir rappelé, n’est pas l’inaction. David Hume ridiculisait cette position en imaginant l’exemple d’un homme qu’on capture et que l’on emmène sur une galère : de ce qu’il ne saute pas par-dessus bord, peut-on déduire qu’il a consenti à être dans cette galère ?

Pardon du jeu de mots, mais nous sommes dans la même galère que lui. On ne peut pas non plus faire remonter ce consentement à l’élection, comme les fanatiques de la démocratie à la française le prétendent.

Non seulement le consentement n’est pas le synonyme du blanc-seing, mais on peut très bien défendre que, plutôt qu’un consentement, le vote exprime une préférence entre des options auxquelles, dans l’absolu, on préférerait ne pas consentir.

Sans parler de ceux qui ne votent pas, comme l’auteur de ces lignes, qui était mineur en 2017, et apprécie beaucoup qu’on lui explique qu’il a consenti à se faire enfermer chez lui pendant des mois l’an dernier.

La philosophie libérale classique, Locke, Mill également, offre les armes d’une résistance intellectuelle contre la paresse intellectuelle et les sophismes dont nous sommes continuellement assommés. Je voudrais finir cet article en citant un beau commentaire de Locke par l’universitaire américain A. John Simmons dans son ouvrage On the Edge of Anarchy. Locke, Consent and the Limits of Society :

« While we live in structured societies with laws and governments, we are not “subject” to those laws or governments, bound to obey them. We cannot act on the general presumption that obedience is obligatory, advisable, or even morally permissible. We must, rather, view legal requirements and the governments that take them with a certain skepticism, with a (in my view healthy) focus on their moral standing. Our obligations to comply with laws… have nothing to do with any special bond to the community whose laws they are, but only with the specific content of the laws…. We are bound to act toward our colleagues, our governors, and members of other societies all as fellow residents in a highly socialized state of nature, one in which we all are surrounded by many false beliefs about their rights and duties with respect to us. »

  1. Je sais déjà qu’on va m’accuser de comparer le covid19 à la grippe, mais aucun argument rationnel n’a vocation à convaincre quiconque n’est pas prêt à adopter une attitude rationnelle, et comme l’écrivait Rousseau, je ne sais pas l’art d’être clair pour qui n’est pas attentif. 
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