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Entre Orient(s) et Occident(s) un échange littéraire organisé par Leonardo Tonus de l’Université Sorbonne

Par Ishtar @nadjaproduction
Entre Orient(s) et Occident(s) un échange littéraire organisé par Leonardo Tonus de l’Université SorbonneEntre Orient(s) et Occident(s) un échange littéraire organisé par Leonardo Tonus de l’Université Sorbonne

Un échange littéraire sur les sujets de la poésie et la migration, de la mémoire blessée, du féminisme et de l'écriture et la traduction organisé par Leonardo Tonus de l’Université Sorbonne :

La vidéo de la rencontre avec Nadine Ltaif, Myriam Soufy et Marcelo Maluf dans le cadre du Projet Migra est disponible via le lien suivant :


https://www.youtube.com/watch?v=abwUEuLEaGk&t=2876s 
1.A l’heure des épidémies, à l’heure de l’individualisme, à l’heure des injustices flagrantes tant économiques que sociales, l’écriture est-elle encore capable de l’acte de resistance/résilience ? Ou ces notions seraient-elle devenue dépassées voire galvaudées ? De quelle façon se manifeste dans votre écriture ce devoir d’utopie dont parle Tahar Bekri.Réponse : Pour des personnes qui ont trop souffert, je pense aux libanais, on ne peut plus oser parler de résilience. Parler de résistance me convient mieux. Dans la révolte, dans la lutte, dans l’indignation on reste positive et on ne sombre pas dans la dépression. L’écriture d’ailleurs oscille entre les deux : la grande tristesse du deuil et la pulsion de vie qui est l’espoir de voir la lumière au bout du tunnel et donc de tendre vers l’Utopie dont parle Tahar Bekri dans le poème que tu cite. 2. ERRANCES Dans une de vos interviews, Nadine, vous affirmez : « L'aventure de l'écriture est celle de l'errance, du départ, de la rupture. ». Cette « enracinerrance » que vous révendiquez, (et ici je fais référence au concept forgé par l’écrivain Jean-Claude Charles dans ‘Le corps noir ») vous conduit du conte poétique au haikus, en passant même par le journal intime poétique comme dans votre dernier ouvrage ‘Rien de mon errance ». Pourriez-vous parler un peu de la naissance de cette anthologie. Et pour quelle raison revenir sur le thème de l’exil à partir de ces figures tutélaires, comme celles de Dante, Ovide, Mandelstam. Pourquoi tout écriture serait, selon vous, un deuil, une séparation ?Réponse : j’ai voulu dans ce recueil rassembler les figures littéraires qui ont connu l’exil Dante a été exilé de Florence, Ovide de Rome et Mandelstam de Russie  mais aussi Gibran Khalil Gibran, il avait dû émigré aux États-Unis à cause de la famine du début du vingtième siècle à cause de l’empire Ottoman et à qui je fais allusion dans l’extrait que je vais lire son livre s’intitule Les ailes brisées. Je conçoit souvent le recueil comme un seul poème comme c’est le cas dans Rien de mon errance et non pas des poèmes épars. Le narrateur  trouve à Montréal le manuscrit d’un mendiant. Des fragments de poèmes que le mendiant rédigeait. On ne connaît pas l’origine de ce mendiant mais on le devine au cours de la lecture. En fait c’est un littéraire immigré qui a tout abandonné pour descendre dans la rue et errer dans les rues de Montréal. Pour répondre à la deuxième partie de la question si tout écriture est un deuil je dirais oui, c’est une chose à laquelle on renonce. Qu’on abandonne. C’est toujours un paradis perdu. LECTURE : NADINE (« Rien de mon errance », p. 18/19)3.Comment reconstruire une mémoire blessée ? L’écriture parvient-elle à apaiser cette douleur ? (Je pense ici à la fin du poème de Nadine dans « Métamorphoses d’Ishtar » p. 18 « La mémoire se reconstitue/ à force de labeur et d’insistance, /les choses finissent par se préciser/ Dans le temps, une histoire contenue/ dans ses germes » OU encore dans « Elégies du levant » p. 40 « et la mémoire n’est-elle pas/ pour raviver/ un chagrin ? et l’oubli et la mémoire/ ne sont-ils que pour ensemencer/ l’écriture ? )Réponse : Je pense on ne guérit pas d’une douleur. Elle s’estompe mais au moment de l’écriture elle ressurgit, prend forme, se replante dans la page? Germe et pousse comme un arbre. Mais alors qu’elle ruisselait en larmes elle s’épanouit en beauté et elle fleurit. 6. FEMMESNadine, vous affirmez dans « Entre les fleuves », je vous cite : « je ne me détacherai pas de l’histoire. De l’histoire qui nous a tatouées, martelé la figure, pour désigner notre appartenance à telle tribu, à telle autre, à un groupe social (…) l’histoire des femmes à travers le monde est mon histoire à moi ». Pourriez-vous parler un peu de votre dette envers Nawal El Saadawi ( « Je continuerai à écrire. J'écrirai même s'ils m'enterrent, j'écrirai sur les murs s'ils me confisquent crayons et papiers; j'écrirai par terre, sur le soleil et sur la lune... L'impossible ne fait pas partie de ma vie. »). De même pourriez-vous parler de ces figures mythiques féminines qui traversent votre écriture : Ishtar, Tanit , Hécate. Pourquoi d’ailleurs, cette plongée dans l’univers mythique ? Que nous apprend-il ?Réponse : vous savez Nawal El Saadawi représente tant à toute les jeunes filles nées dans pays arabe mais aussi toutes les filles et les garçons qui ont hérité et subit le règne patriarcal. Elle avait un tel amour envers la femme paysanne pauvre égyptienne. Elle a souligné la sauver de la violence qu’elle subit. Cet amour est émouvant et on peut lire son récit poétique traduit par Assis Djebar Ferdaous comme un hymne à la jeune femme fellaha d’Égypte. Nawal a dit je suis Isis ! La déesse égyptienne. elle voulait qu’on continue à l’appeler Isis comme dans son village de la Haute Egypte. Moi j’ai voulu trouver une figure qui représente l’origine de ma culture Assyro-babylonienne alors j’ai choisi Ishtar. La déesse de l’amour et de la guerre. Je pouvais avec cette incarnation écrire mon récit épique de la guerre du Liban et l’odyssée de mon exil d’abord au Caire puis à Montréal. Cela a donné les Métamorphoses d’Ishtar. Tanit c’est le répondant d’Ishtar en Tunisie ( Myriam pourrait en parler) Quand à Hécate c’est une autre figue que j’avais découvert chez Pierre Jean Jouve et qui représente le mystère de la sexualité féminine. 7.Pourriez-vous évoquer le travail avec Hejer Charf dans la vidéo-installation « les réfugiés du chemin Roxham » ?Réponse :Hejer Charf est une cinéaste québécoise d’origine tunisienne avec qui je collabore depuis 25 ans sur les films documentaires poétiques. Plusieurs poèmes lui sont dédiés entre autre Le nom d’Agar, dans le livre des dunes ou L’exil Andalou dans Ce que vous ne lirez pas. Nous travaillons ensemble au sein de notre maison de production Nadja productions. Les films justement traitent de la vie culturelle diversifiée de Montréal dans un documentaire fiction LES PASSEURS et aussi d’autres films sur la littérature francophone avec Autour de Maïr Verthuy et sur l’histoire de la Tunisie à travers la vie de Bice Beatrice Slama Béatrice un siècle,  professeur à Paris 8, juive et communiste. Hejer est très travaillée par les migrants aux frontières canadiennes. Dans Venise en Québec je raconte notre périple pour essayer d’aller à leur rencontre ça a donné un très beau court-métrage intitulé « les réfugiés du chemin Roxham » je pourrais vous donner le lien. Elle a gardé un extrait du poème que je vais vous lire : LECTURE NADINE : « Venise en Québec »8.NADINE : Vous revenez souvent à cette idée selon laquelle votre écriture serait habitée par une multitude de langues et qui à la base de toutes ces langues il y aurait le rythme.( « Métamorphoses d’Ishtar » p. 38 « mille et une langues ont parlé ma langue/ mille et une voix me lèvent et me portent/ vers vous une bouche aujourd’hui se/ libère, car elle n’a peur de rien ni de mourir ».En vous paraphrasant : Les arabes auraient-ils inventé le rythme avant d’avoir les mots ? De quel rythme, s’agit-il ici ?« Des langues sommeillent en moi. Elles ressortent en rêve ou quand j'écris.Nous sommes tout d'abord bercées par un rythme et ce rythme veut devenir mots, vers, proses, flots. ( ou silence comme dans le rire de l’eau) »Réponse : Je suis une machine à traduction simultanée. Continuellement je me traduis de l’arabe au français. Mon passé d’orientale surgit dans mes écrits. Comme des couches de palimpsestes, ou les sédiments d’un volcan de cendres qui tombent en recouvrant d’autres cendres, une civilisation recouvre une autre qui recouvre une autre et ainsi de suite. Et je suis l’archéologue qui creuse dans sa mémoire pour dégager celle que j’ai un jour été. Quel est ce chant que j’entends ? quels sont les demi-ton du piano oriental que je tente de reproduire quand j’écris en français ? Lorsque mon amie me traduit en arabe, je crois retrouver l’original de mon écrit. Et lorsque des personnes arabophones me lisent, ils pensent lire un texte arabe. Je pense à Albert Cossery qui a vécu toute sa vie à Paris dans un hôtel parisien du 6e arrondissement et qui a décrit le Caire dans son français à lui. Écrire c’est peut-être cela : créer une propre langue, un style. Sans oublier qu’on a choisi la langue du colon. Qu’on a choisi de parler, écrire, dans sa langue à lui, pour dire la douleur du colonisé. Comme Shéhérazade qui prend le langage du Roi pour le subvertir. en même temps, dans cette lutte, il y a une relation d’amour. Amour d’une langue chantante, le français et qui as su me séduire. 

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