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Godzilla vs Kong. Pour une imagerie numérique non-anthropocentrée

Par Balndorn

 Godzilla vs Kong. Pour une imagerie numérique non-anthropocentrée


Godzilla vs Kong. On aurait pu se contenter d’un programme aussi minimaliste et assister joyeusement à ce spectacle qui nous dépasse infiniment. Mais non. Aussi insignifiant et inutile soit-il, il fallait qu’encore une fois, Homo sapiens se mêlât de la partie et prétendît rivaliser avec les Titans.

Plus de catch, moins d’intrigues

Sans prétendre au chef-d’œuvre, Godzilla vs Kong aurait pu faire un bon film. Un pitch aussi simple – deux monstres cinématographiques s’empoignant bras dessus bras dessous – n’était pas, en soi, un défaut. Après tout, quantité de films reposent entièrement et simplement sur une confrontation physique – à titre d’exemple, bon nombre de westerns tiennent dans l’attente d’un duel. À l’inverse, certaines œuvres, craignant qu’on ne confonde simplisme et simplicité, échafaudent d’impénétrables dispositifs complexes – l’un des derniers en date étant, par exemple, Tenet.

C’est paradoxalement par cette tendance que pèche la dernière production du MonsterVerse. Celle-ci n’est techniquement pas ratée, comme pourrait l’être un nanar ; au contraire, elle s’efforce de cocher toutes les cases du blockbuster contemporain, et c’est précisément ce cahier des charges suivi trop assidument qui la tue[1]. Ainsi, au lieu de se focaliser sur le combat proprement dit, le scénario se perd en d’interminables intrigues et sous-intrigues toutes plus secondaires les unes que les autres. Pour n’en citer que quelques-unes : un groupe emmène puis suit Kong dans la Terre creuse, un autre découvre une base industrielle secrète à Hong-Kong, l’industriel en question désire s’accaparer une nouvelle source d’énergie, etc. D’un tel éclatement de l’unité d’action découle logiquement une galerie de personnages fatalement insipides, réduits aux pires stéréotypes du cinéma hollywoodien : le geek (Julian Dennison), le complotiste (Brian Tyree Henry), la riche pimbèche (Maya Simmons)… Autant de germes déjà présents dans Kong: Skull Island, que l’unité de lieu – l’île de Kong – permettait d’atténuer.

Pour une imagerie numérique non-anthropocentrée

Pourtant, extraire la quintessence de ce récit – un combat titanesque auquel l’humanité, impuissante, ne peut rien faire – aurait pu déboucher sur une nouvelle poéthique. Pour celles et ceux qui me lisent depuis longtemps, vous savez bien le peu d’estime que j’accorde à l’imagerie numérique, en particulier lorsque celle-ci prétend au photoréalisme. Il suffit de revoir L’Amphibien de La Forme de l’eau, pour l’essentiel composé d’un vrai costume et de quelques animatroniques, pour se convaincre que seul l’artifice, accepté avec tous ses défauts, permet de faire vrai à l’écran. Cependant, à mesure que je vois les nouveaux usages de l’imagerie numérique, j’en constate un dans lequel elle excelle, mais qu’elle met rarement en avant : une poéthique non-anthropocentrée. Parmi les blockbustersde ces dernières années, les plus beaux plans en synthèse intégrale figuraient des créatures magiques (Les Animaux fantastiques) ou des machines prodigieuses (Mortal Engines), dans un monde où les humains paraissaient absents ou miniatures. En quelque sorte, en raison de son pouvoir démiurgique capable de bâtir à peu près n’importe quel monde, l’imagerie numérique invite à décentrer le regard, à sortir du récit linéaire et à faire preuve d’humilité.

Godzilla vs Kongbénéficiait d’un tel potentiel, en particulier l’une de ses plus fortes séquences : la découverte de la Terre creuse. Cette réjouissante relecture futuriste du Voyage au centre de la Terrede Jules Verne offrait quantité de matières cinématographiques : sa faune titanesque, sa flore luxuriante, sa physique inversée, etc. Malheureusement, obnubilé par l’efficacité narrative et le besoin de condenser le maximum d’histoires en un minimum de temps, le récit survolelittéralement cette partie, à bord de curieux vaisseaux. Pour l’explorer au mieux, il eût mieux valu la parcourir à pied, à l’instar, dans un tout autre genre, des héros de L’Âge de glace 3, eux aussi confrontés à un monde perdu qui les confronte à leur propre petitesse.

En définitive, bien que sa route soit jusqu’alors jonchée d’œuvres bâtardes ou ratées, je ne désespère pas un jour de trouver un exemple assumé d’imagerie numérique ouverte au vivante, humble, cosmique et lyrique.

Godzilla vs Kong. Pour une imagerie numérique non-anthropocentrée

Godzilla vs Kong, Adam Wingard, 2021, 1h54

Maxime

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[1] Pour un cas équivalent, je me permets de renvoyer à la distinction qu’opérait Le Fossoyeur de Films entre un authentique nanar et un immonde blockbusterà propos de Gods of Egypt.


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