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Emel Mathlouthi à l'Institut du monde arabe

Publié le 11 juin 2021 par Onarretetout

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Quand j’ai quitté l’Institut du monde arabe après le concert, le soleil était presque déjà couché. C’était le premier soir où les sorties étaient autorisées jusqu’à 23 heures. Je ne l’ai pas fait exprès. Il y avait, ce soir-là, à l’Institut du monde arabe, un concert d’Emel Mathlouthi. Et il n’y a pas deux concerts semblables pour cette chanteuse exceptionnelle. Et c’était le premier concert dans ce lieu après plusieurs mois d’interdiction pour raisons sanitaires. D’ailleurs, les conditions n’étaient pas encore réunies pour que la salle soit pleine. Il fallait garder une place vide sur deux. Mais qu’à cela ne tienne, la jauge était remplie. Et il y avait si longtemps qu’on ne pouvait voir et entendre Emel que sur des écrans parce qu’elle a tenu cette présence avec fidélité et régularité. N’empêche, elle nous dit le plaisir d’être avec nous dans cette salle et aussi l’appréhension : et si ce rendez-vous n’était pas à la hauteur des attentes ? Elle sera très vite rassurée. Les applaudissements seront de plus en plus nourris, chaleureux. Et les sourires d’Emel, de ses musiciennes, Charlotte Patel et Maria Davy, et de son musicien, Karim Attoumane, y répondront avec bonheur.

Les chansons seront surtout celles enregistrées à Tunis pendant le confinement de 2020 quand Emel était venue fêter l’anniversaire de son père dans la maison de son enfance, de son adolescence. Elle parlera plusieurs fois de ce moment, l’adolescence, celui où elle a décidé de devenir chanteuse, celui où d’autres voix, d’autres artistes l’y ont encouragée. Et ce sont aussi les temps de l’engagement.  Et tout cela fait d’elle une artiste unique, toujours en recherche, jamais installée dans une routine. Sa voix nous enveloppe et nous entraîne vers des sommets d’une telle pureté qu’on les attend d’abord, et qui nous bouleversent quand elle les atteint. Et ce n’est pas tout. Elle est éprise de liberté et, malgré tout ce qui brûle sur cette terre, malgré les violences et les injustices, elle garde l’espoir d’un monde où le soleil se lève chaque matin et où le nouveau jour peut à nouveau réunir dans une salle des gens qui ne se connaissent pas mais qui applaudissent ensemble, et debout. C’est elle qui permet cela ce soir. Clavier, violoncelle, guitare font miroiter la surface de l’eau où elle marche, superbe robe rouge dont les manches lui font des ailes et amplifient ses mouvements, poing levé ou mains ouvertes. La complicité avec Karim Attoumane, son guitariste, conclura ce concert avec la reprise, qui me hante depuis que je l’ai entendue par elle, d’un air de David Bowie, The man who sold the world, et puis, en rappel, Kelmti Horra, qui soulève la salle, et nous réunit à toutes celles et tous ceux qui ont avec elle, dans le monde, chanté, tapé dans les mains, fait tomber des tyrans même si le combat n’est jamais fini. 

Quand je suis sorti de la salle, le soleil était presque couché, mais je savais la promesse qu’il se lèverait le lendemain matin.

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