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Olafur Eliasson à la Fondation Beyeler

Publié le 15 juin 2021 par Thierry Grizard @Artefields

Olafur Eliasson : Life

Je m'intéresse de plus en plus à la vie non pas du point de vue de l'être humain, mais avec une perspective plus large, du point de vue biocentrique. Je me suis amusé à créer des néologismes, à transformer des noms en verbes - en parcourant mon exposition, je m'efforce d' arbrer , par exemple - afin d'aborder des perspectives dépassant celles que nous concevons habituellement en tant qu'êtres humains. La vie, chez les humains, chez les mammifères, est subordonnée à l'inspiration et à l'expiration, à l'oxygène. Pour reprendre la terminologie des anthropologues Natasha Myers et Timothy Choy, je dirais également que la vie con -spire - en jouant sur l'étymologie du mot (" respirer avec ") et la définition que l'on en trouve habituellement dans le dictionnaire. Nous conspirons avec les arbres, les uns avec les autres, et avec la planète. Lorsque nous reconnaissons que nos vies sont inextricablement liées à notre environnement, ainsi qu'à des structures et des systèmes qui vont bien au -delà de notre contexte local, nous apprenons, je crois, que nous sommes tous vulnérables et que nous ne contrôlons pas tout. Nous agissons et interagissons dans des situations définies par l'incertitude et des résultats peu clairs. " La précarité semblait autrefois être le sort des moins fortunés. Aujourd'hui, nos vies nous paraissent précaires - alors même que, actuellement, nos poches sont pleines. " Pour reprendre les mots de l'anthropologue Anna L. Tsing : Life , mon œuvre, et la Fondation Beyeler se confondent avec le parc environnant, le paysage urbain, la planète tout entière, et prennent vie à travers tout ce qui s'y trouve et tous ceux qui s'y rencontrent. Depuis mes premiers travaux d'artiste au début des années 1990, je m'intéresse à la perception et aux conditions cognitives et culturelles qui la façonnent. Life prend vie à travers la rencontre active que l'on en fait, à travers la perception de chacun. J'ai volontairement opté pour une absence de textes didactiques ou explicatifs en regard des œuvres d'art afin d'éviter d'influencer la perception des visiteurs et leur appréhension de l'exposition. Il est important pour moi de ne pas partager une perspective limitée et prédéfinie de Life . Certaines de mes réflexions sur la réalisation de l'œuvre d'art et sa pérennité, ainsi que mes sources d'inspiration pour ce travail, se trouvent ici. Dans le même temps, j'accueille les contributions des visiteurs - leurs attentes, leurs souvenirs, leurs pensées, leurs émotions. Life présente un modèle de paysage futur. Un environnement accueillant. Lorsque Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler, et moi avons discuté de l'exposition pour la première fois il y a deux ans, je me suis dit : " Pourquoi ne pas inviter tout le monde à l'exposition ? Invitons la planète - les plantes ainsi que plusieurs espèces différentes. " Je voulais ouvrir plus qu'une brèche : je tenais à supprimer toutes les limites structurelles qui créent une barrière entre le musée et l'extérieur - et je suis reconnaissant à la Fondation Beyeler et l'architecte Renzo Piano, qui a conçu le musée, pour la confiance qu'ils m'ont accordée en me laissant précautionneusement et soigneusement retirer la façade en verre de la bâtisse. Cette œuvre d'art est une expérience collective. Elle remet en question nos conventions en matière d'art, de nature, d'institution et de vie, en tentant d'abolir leurs frontières. Les plantes, les animaux, les êtres humains et les micro-organismes cohabitent dans cette œuvre. L'heure de la journée et la météo influencent l'évolution et la perception de cette exposition. De concert avec le musée, je cède le contrôle à l'œuvre d'art et, pour ainsi dire, je donne tout pouvoir aux visiteurs humains, mais aussi aux visiteurs non -humains, aux plantes, aux micro-organismes, aux caprices du temps, au climat - un grand nombre d'éléments que les établissements artistiques s'efforcent habituellement de tenir à l'écart. Au lieu de cela, nous invitons chaque être et chaque chose à l'intérieur. _ Olafur Eliasson

Hybridation, transhumanisme et anthropocèneArt et perception dans l'art contemporainOlafur Eliasson à VersaillesFondation Beyeler

Avril - juillet 2021

Images de l'installation Life à la Fondation Beyeler


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