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L'homme qui peignait les âmes, de Metin Arditi

Publié le 07 juillet 2021 par Francisrichard @francisrichard
L'homme qui peignait les âmes, de Metin Arditi

Il se pouvait que le bois ait été coupé au XIe et que l'oeuvre n'ait été réalisée que trois siècles plus tard. Mais la probabilité qu'il soit resté intact étant quasi nulle, cette hypothèse est écartée.

Quel iconographe de génie a peint le Christ guerrier, cette icône qui se trouve aujourd'hui au monastère de Mar Saba, à une vingtaine de kilomètres au sud de Bethléem?

Metin Arditi raconte son histoire dans L'homme qui peignait les âmes, dans le contexte reconstitué de la fin du XIe en Terre Sainte, avant et pendant les deux premières croisades.

Reproduire l'image d'un être vivant n'était permis ni aux musulmans ni aux juifs. Pour ce qui concerne les chrétiens, ils le pouvaient mais à condition de respecter des canons.

Quand frère Anastase du monastère de la Sainte Trinité, laisse percevoir par Avner, qui est juif, une icône, puis d'autres, dans l'église, celui-ci repart avec l'esprit en feu.

Il ne le sait pas encore, mais il a trouvé sa vocation, celle d'écrivain d'icônes. Car Anastase lui a dit qu'on ne peint pas une icône qui est une représentation du divin, on l'écrit.

Pour ce faire, il est prêt à tout, à commencer par l'apprentissage des techniques de bois: d'abord le choisir, ensuite le découper en planches, enfin rendre lisses celles-ci.

Ces trois premières portes franchies, pour franchir les suivantes, il doit apprendre le grec, connaître les Textes, recevoir le baptême, buts qu'il ne peut atteindre sans tricher.

Bien qu'il ne soit pas animé par la foi, malgré qu'il en ait, il se fait baptiser, devient Petit Anastase et franchit les dernières portes pour être un écrivain d'icônes digne de ce nom:

Peu lui importait qu'il eût ou non la foi, il croyait en la beauté, en celle des icônes, en la consolation qu'elles offraient.

Seulement cette foi en la beauté, qu'il exprime dans ses icônes, n'est pas ce qui lui est demandé. On considère qu'il peint plutôt qu'il n'écrit. En avance sur son temps, il est rejeté.

Qu'importe qu'il honore le Seigneur à sa façon, en écrivant des icônes pour chanter l'Homme, la plus grande merveille de la Création. Ce n'est pas la foi qui convient...

Quoi qu'il en soit, cette façon d'honorer le Seigneur, si elle exalte les uns, exaspère les autres, surtout ceux qui dictent aux autres ce qu'ils doivent penser et... les jaloux.

Ce Juif est non conformiste, c'est-à-dire hérétique. Si la Terre Sainte est celle des trois religions du Livre, il ne peut que choquer en voulant les concilier et en disant sincèrement:

Notre religion dit la Loi. J'ai beau l'avoir abandonnée, sa rigueur et sa majesté m'impressionne. La vie du Christ m'enseigne la charité, et l'Islam me rappelle l'importance de l'humilité et de la soumission. Pourquoi devrais-je refuser l'hospitalité de l'une de ces maisons en faveur d'une autre?

Découvrir la beauté de chacun - sa part divine -, en faire une source de joie, lui faire confiance au lieu de le contraindre par la peur ou la violence, sont sa mission d'homme.

Francis Richard

L'homme qui peignait les âmes, Metin Arditi, 304 pages, Grasset

Romans précédents:

Le Turquetto, 288 pages, Actes Sud  (2011)

Prince d'orchestre, 380 pages, Actes Sud (2012)

La confrérie des moines volants, 350 pages, Grasset (2013)

Juliette dans son bain, 384 pages, Grasset (2015)

L'enfant qui mesurait le monde, 304 pages, Grasset (2016)

Carnaval noir, 400 pages, Grasset (2019)

Rachel et les siens, 512 pages, Grasset (2020)


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