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Chapitre 2 : Complexe de supériorité

Publié le 29 juillet 2008 par Anne-Caroline Paucot

2 octobre 2018 à 12 h 35. Linus Mei découvre le Wikipédement. Ce mode de management issu de l'expérience Wikipédia s'appuie sur les principes des systèmes complexes. Dans ce cocktail managérial, le dopage des interactions et l'ouverture des sources sont des ingrédients de choix.

A l'issue de cette diatribe contre l'entreprise cloisonnée d'hier, le bracelet, puis la manche de Fred Meylan, se mettent à clignoter. Avant qu'elle ne soit transformée en sapin de Noël de l'époque de l'insouciance climatique, elle me laisse dans les mains de John Rzenuk et lui demande de me sensibiliser au Wikipédement, un mode de management s'inspirant de la création collective de l'encyclopédie Wikipédia.

John Rzenuk ayant été informé de ma longue absence tente de me rafraîchir la mémoire avec un peu de théorie de la complexité.

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Pour comprendre notre fonctionnement, il faut revisiter les principes de systèmes complexes. Un système est complexe, et je précise non compliqué, lorsque ses différentes parties interagissent. Cela produit des résultats qui ne dépendent pas seulement des constituants mais également des propriétés globales qui sont indépendantes d'eux.

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C'est l'histoire du froissement d'ailes de papillons qui provoque une tornade à l'autre bout du monde, dis-je pour signaler que mon éloignement ne m'a pas rendu totalement ignare.

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Même si cette métaphore négative n'a pas joué en la faveur des systèmes complexes, nous utilisons ce mécanisme pour doper l'entreprise. Le principe est d'impulser des idées pour récolter ensuite, par le jeu des interactions, beaucoup plus qu'on a semé. Si ce pari managérial est osé, car le risque de la tempête est toujours présent, il s'avère le seul possible pour surfer avec les incertitudes qui jalonnent le trajet d'une entreprise.

Le concept posé, le premier souci de CinqS est de créer le maximum d'interactions entre les différents acteurs de l'entreprise soit les salariés, les clients, les fournisseurs…

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Pour créer ces liens, notre outil principal se nomme BackBook en référence au Facebook que vous avez sans doute connu dans votre vie de connecté d'hier.

J'approuve par un hochement de tête.

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Le principe n'est pas révolutionnaire, mais il correspond bien à une génération qui a constitué ses premiers réseaux avec Facebook. Son intérêt principal est surtout d'intégrer la sérenpidité, ou les rencontres basées sur le hasard. On s'est aperçu qu'on a tous tendance à réfléchir en circuit fermée et qu'on préfère la consanguinité des idées plus rassurantes mais moins créatrices.

Dans le BackBook de cinqS, tous les acteurs de l'entreprise peuvent constituer des groupes. La seule règle est que ces groupes se fixent un objectif qui dépasse le cadre de ce groupe. Pour la partie hasard, le principe est simple. Quand l'animateur du groupe envoie des invitations à participer à son réseau, l'ordinateur envoie la même information à un nombre égal de personnes. La participation à ces groupes est libre. Chacun peut se retirer quand il le désire :

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Chez CinqS, nous sommes adeptes des frottements qui créent des interactions mais pas des frictions qui les détruisent.

Le dopage des interactions passe par la fin des organisations hiérarchisées et cloisonnées. Les leaders sont reconnus pour leurs compétences dans un domaine et non en fonction de diplômes qui leur donnent le droit de cacher leur incompétence derrière des diktats stériles.

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Avant de partir dans votre île, est-ce que vous jouiez à des jeux vidéo ? Etant hier un adepte de World of Warcraft et autres jeux massivement multi joueurs, je réponds par l'affirmative.
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Alors, vous vous souvenez que dans ces jeux, d'une part les meneurs sont choisis pour leurs compétences, d'autre part chacun joue un rôle dans le dispositif. On gagne une mission lorsque chacun est à sa place et respecte l'autre. Nombreux salariés de cinqS étant des anciens joueurs, cette philosophie est partagée par tous.

Le deuxième grand principe du Wikipédement à la mode cinqS est l'ouverture des sources. L'entreprise ne cache plus ses secrets de fabrication, ses astuces marketing, ses ruses stratégiques. Après le « vivons cachés, vivons heureux » qui a longtemps été la seule règle dans les entreprises, nous sommes entrés dans l'ère du « Moins on cache, mieux on se porte. »

L'ouverture des sources est liée également à la vitesse d'évolution du monde. Quand tout va de plus en plus vite, les entreprises n'ont plus le temps de réinventer la roue en permanence.

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Pour aboutir au même résultat, les entreprises en open source doivent refaire les peintures, celles qui cachent leurs informations sont obligées en plus de remonter les murs. Les managers intelligents ont vite compris l'intérêt de l'ouverture. Dans la lignée de l'ouverture des sources, le Wikipédement préconise de s'organiser pour profiter de toutes les intelligences et en particulier celles qui se situent en dehors de l'entreprise.

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Logique, s'exclame John Rzenuk, il y a toujours plus d'intelligences en dehors de l'entreprise qu'à l'intérieur.

Pour organiser la confrontation entre savoirs internes et externes, CinqS a mis en place une série de dispositifs. Outre le coworking et BackBook déjà évoqués, elle pratique la règle des 80, 20 qui semble est devenu incontournable pour toutes les entreprises soucieuses de leur avenir.

Une entreprise ouverte, sans secret, sans hiérarchie qui métisse ses idées et les confrontent à celles de la concurrence… Ne croyant pas aux contes de fée, cela me semble inconcevable. Je fais part de mon incrédulité à mon interlocuteur

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C'est dans la logique du Web où l'on pouvait naviguer de lien et lien et faire le tour du monde sans avoir de passeport. A un moment, l'entreprise a du casser les barrières qui l'isolaient et la coupaient de ses clients, dit-il en précisant que la plus grande difficulté fut de faire accepter aux experts qu'ils devaient fonctionner autrement.

Sur ces entrefaites, Fred vient nous rejoindre et dit en s'amusant :

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Alors, notre JR vous a venté les mérites de notre Wikipédement ? Que voulez-vous notre John est de la vieille école. Il a du mal à accepter que la perfection n'existe pas. Et pourtant, lui comme tout le monde ici, vit cette une tension permanente entre liberté et aspirations individuelles et exigences du collectif. Quand des individus se démarquent, ils sont exclus par le groupe. Quand le collectif imprime sa suprématie, les individus sont étouffés et le groupe se sclérose. Même si on réfléchit beaucoup sur le sujet, il a dans notre organisation une tendance à vouloir taper sur le clou qui dépasse afin de faire disparaître de notre champ de pensée. Et pourtant, ce sont avec les idées qui dérangent, qui sortent du cadre qu'on peut aujourd'hui faire la différence.


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