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Chapitre 4 : Strictement personnel

Publié le 29 juillet 2008 par Anne-Caroline Paucot

2 octobre 2018 à 16 h 18.Métissage de compétences, nouveaux métiers, oxygénation permanente des troupes, multi culturalité... Linus Mei inscrit ces mots sur son carnet pour se souvenir des problématiques de CinqS en matière de recrutement.

Fred reprend ses clignotements et ses conversations multi-écrans. Son niveau d'adrénaline atteint un niveau inconnu sur l'échelle de Richter quand un collaborateur propose de remettre en place un système de notation des personnes, produits, outils. Elle peste quelques longues minutes contre ce qu'elle nomme "le terrorisme de la médiocrité". Dans un moment de calme, je l'interroge sur la manière dont elle peut supporter ces sollicitations permanentes.

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Je suis une digital native, une OTM, une génération Internet, une Y... Je ne sais plus comment vous nous nommiez à l'époque. J'étais à peine finie que je jonglais entre moult chats, l'écriture d'un blog, l'envoi de SMS ; les copier-coller de l'encyclopédie Wikipédia, les jeux en ligne, les échanges de musique, les réseaux Facebook et autres. J'ai appris très jeune à faire plusieurs choses en même temps donc cela ne me pose pas de problème.
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Vous avez de la chance, dis-je en bon immigrant numérique qui se sent victime de harcèlement lorsque mon écran se met à s'agiter.
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Une chance et un handicap. Ce fonctionnement permanent dans l'instantané a aussi sa facette négative. Les personnes de ma génération ont d'énormes difficultés à regarder en arrière et se projeter dans l'avenir.

Sans racine, on flotte et on a du mal à s'accrocher à la réalité. Sans horizon, on a des difficultés à donner du sens à nos actions. Un des objectifs de notre système de formation est d'aider les salariés à s'inscrire dans le temps et avoir une vision du monde en relief. Pour nous il est évident que pour inventer l'avenir, il faut pouvoir réinventer le passé. Même si j'ai l'impression d'être une boule de flipper qu'on envoie se cogner à toutes les butées, c'est avec douceur que j'atterris dans le giron d'Omar, le responsable des nouveaux savoirs et talents. Avec ce titre new look, Omar s'occupe tout d'abord du recrutement, une activité qui à l'entendre est complexe.

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C'est cela, reprend Omar. Complexe et pas compliqué… Dans votre hier, on confondait si souvent.

Le premier enjeu pour Omar est de métisser les âges, les savoirs, les cultures, les approches. A CinqS, les salariés viennent de 70 pays différents. Les effectifs sont composés de 30 % de scientifiques et ingénieurs, 30 % d'administratifs et commerciaux et 30 % d'artistes.

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Cette synergie de compétences est un moteur de progrès permanent, dit Omar. Le dessinateur résume en trois traits un problème scientifique et permet au commercial de comprendre l'enjeu. Un ingénieur et un financier vont mettre en place un cadre contraignant qui va doper la créativité de l'écrivain. Il écrira un scénario percutant qui sera exploité par le responsable marketing. A CinqS, on joue au billard avec les idées. L'un tire une idée qui rebondit sur une autre et va actionner une troisième. Avec un peu de doigté et d'exercice, on atteint la cible visée.

Le deuxième est de faire cohabiter les plus de 60 ans et les nouveaux venus.

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Les plus âgés ont commencé leur vie professionnelle lorsque la retraite était à soixante et qu'on avait des carrières ascendantes. Ils prenaient du galon et du pouvoir au fil du temps et créaient un embouteillage qui empêchaient la circulation des compétences dans l'entreprise. Les plus jeunes devaient attendre que les anciens prennent l'embranchement de la retraite pour pouvoir avancer. Aujourd'hui, on effectue son trajet professionnel en alternant entre les autoroutes et les routes de traverses à progressions plus lentes mais plus riches en expériences et sensations. Si la transition est délicate, c'est devenu plus évident avec la mise en place des miles de deuxième vie.

Le troisième est de gérer le roulement du personnel.

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Le fameux turn-over, dis-je.
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Turn-over, quel mot désuet ! Nous lui préférons celui d'oxygénation. Comme elle nous semble indispensable pour maintenir la performance créative des troupes, nous engageons nos salariés pour quatre ans.

Chaque année 25 % partent et 25 % arrivent. Nous pouvons réengager d'anciens salariés après deux ans, le temps qu'ils se soient aérés la tête.

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Les patrons aussi ?
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Evidement. Un escalier se balaye par le haut. Si on commence le ménage au milieu des marches, cela risque de mettre de la poussière dans les esprits.

Le dernier dilemme d'Omar est de disposer des compétences pour les nouvelles fonctions de l'entreprise. Les grilles des métiers de mes années 2008 ont volé en éclat. Les anciens métiers ont été reconfigurés et de nouveaux sont apparus. Le système de formation trainant un peu, l'affaire est délicate.

Pour le recrutement, le fameux CV est parti aux oubliettes. Il a été remplacé par des logiciels qui scannent le Net à la recherche des compétences voulues. Depuis une douzaine d'années, les internautes ont alimenté le grand réseau des réseaux avec des textes, des images, des films, des sons… Un balayage intelligent permet de trouver la perle rare qu'il ne reste plus qu'à contacter.

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Vous avez donc résolu le problème du recrutement ?, demandé-je.
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En partie, celui qui concerne le repérage des compétences.
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Plus exactement, nous avions cru un temps que le problème était résolu, renchérit Fred qui vient d'interrompre ces échanges. Après avoir permis d'effacer les traces que nous laissons à notre insu sur le Net, les logiciels permettent aujourd'hui de se construire son image professionnelle. En clair, les internautes qui veulent se faire embaucher dans une entreprise se bricolent une réputation numérique en adéquation avec ses attentes. Une fois encore, on s'aperçoit que la technologie déplace les problèmes mais ne les résout jamais.

Résultat, CinqS pour recruter des méthodes traditionnelles comme la cooptation. Comme hier, le meilleur atout d'une entreprise est donc la satisfaction de son personnel.

Les supports de formation favoris de CinqS sont les serious game ou jeux sérieux qui, pour Omar et Fred s'avèrent des outils géniaux, car ils permettent aux joueur d'apprendre à prendre le risque de l'échec.

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Alors que l'échec est le fondement de la réussite, explique Fred, nous avons tous peur de prendre le risque de faire un faux pas. Dans les jeux sérieux, on comprend que chaque échec comprend une part de réussite.


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