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La Princesse de Clèves est-elle une marque de pâté ?

Publié le 29 juillet 2008 par Lgb

Ainsi, Nicolas Sarkozy a “beaucoup souffert” sur la Princesse de Clèves.

Heureusement, nos médias, défenseurs éternels de la culture, s’offusquent de cette sortie de Notre Président tant ils aiment Mme de La Fayette sans l’avoir jamais lue. Jetons un nouveau coup d’oeil à la vidéo incriminée, que je reprends à Sarkofrance :


Nicolas Sarkozy s’en prend à la princesse de Clèves
par rue89

Ce qui me gêne n’est pas tant la déclaration de Notre Président : non, il l’avait déjà faite, en février 2006 :

« L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur ‘La Princesse de Clèves’. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves Imaginez un peu le spectacle ! »

Il y a, je pense, quatre choses plus importantes que ces sorties elles-mêmes.

La première est son caractère redondant. Encore et toujours la Princesse de Clèves. On apprend que notre Derrida présidentiel a été contraint de la lire à l’école : nous pouvons donc être sûrs qu’il l’a lue. Mais il ne cite qu’elle. De deux choses l’une :

- soit cette histoire n’est que du storytelling et il a appris sa fiche.

- soit il n’a jamais lu d’autre oeuvre classique.

La seconde est le mépris qu’elle traduit. La “guichetière”, évidemment, est une conne inculte….

La troisième, enfin, est l’accueil qui est fait à cette pointe misérable. Ce qui m’irrite, c’est le bruit de fond : les rires gras qui s’élèvent quand Notre Président ricane et tourne en dérision une littérature qu’il n’est visiblement pas armé pour comprendre, encore moins pour apprécier.

“J’ai rien contre, enfin” (syntaxe originale, on est loin de Mme de La Fayette): “oh oh oh! qu’il est drôle”.

Comme dans Annie Hall, il faudrait les sous-titres pour faire le stream of consciousness et le non-dit : “Qu’est-ce qu’il dit, qu’est ce que c’est que ça la Princesse de Clèves ? Un titre de porno ? Une marque de pâté ?” ou “Il a bien raison, moi non plus j’ai jamais rien compris. Toutes ces histoires, c’est des trucs de pédés.”

Ce qui est formidable, dans les petites sorties de Notre Président, c’est leur faculté de fédérer et de rassembler en prenant comme dénominateur commun ce qui se fait de plus piteux dans les mentalités collectives. Parfois, c’est la haine de l’autre (Merci M. Hortefeux). Parfois, c’est la haine de l’inconnu culturel.

La quatrième, enfin, est que derrière l’anecdote, une telle sortie a l’avantage de conforter dans l’inculture ceux qui s’y trouvent déjà à leur aise: pourquoi se fatiguer quand Notre Président lui-même…

Mais ne croyez pas qu’il s’agisse simplement d’une posture, destinée à conforter le sarkozysme dans sa dimension “communauté des ploucs“. C’est un mode d’être et de pensée. La Princesse de Clèves, ça rapporte quoi ? Même plus les concours administratifs visiblement.

Les sciences humaines n’ont qu’à bien se tenir, leurs jours sont vraiment comptés…


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