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Lectures bretonnes

Publié le 13 août 2021 par Adtraviata

En juillet j’ai passé quelques jours dans les Côtes d’Armor (sans une goutte de pluie ou presque et avec des températures très chaudes parfois – une bulle de bonheur) et j’ai emporté dans mes bagages ou acheté sur place des romans « adaptés » à mon lieu de vacances.

Bretzel & beurre salé

Quatrième de couverture :

Mais qui est le nouveau propriétaire mystère de la plus belle maison de Locmaria, celle de la pointe de Kerbrat ?

Tout ce paisible village du Finistère le guette depuis des semaines et voilà que débarque, en pleine tempête, Cathie Wald, une pimpante Strasbourgeoise. La cinquantaine, divorcée, caractère bien trempé, elle a décidé de prendre un nouveau départ en Bretagne, et d’ouvrir à Locmaria un restaurant de spécialités alsaciennes.

La plupart des habitants l’accueillent à bras ouverts, ravis de ce petit vent de changement. Mais certains voient son installation d’un mauvais oeil. Et ne tardent pas à lancer les hostilités. Après une soirée choucroute, un notable du village s’effondre, et Cathie est accusée de l’avoir empoisonné.

Une tentative de faire plier bagages à l’étrangère ? Quoi qu’il en soit, Cathie n’est pas du genre à se laisser intimider. Et rien ne l’arrêtera pour prouver l’innocence de sa choucroute traditionnelle, quitte à se lancer elle-même sur les traces du coupable !

Un cosy mystery à la mode bretonne assaisonné de choucroute alsacienne, voilà un mélange savoureux (ou pas…) Bon, ok, il se passe dans le Finistère, ce ne sont pas les Côtes d’Armor, mais le village de Locmaria est purement fictif. C’est une lecture de vacances sans prise de tête, avec une héroïne peut-être un peu trop lisse, un peu trop parfaite malgré les blessures de son parcours de vie. Catherine débarque en Bretagne pour démarrer une nouvelle vie après son divorce, la mort de sa soeur et un mystérieux héritage qui lui permet de s’offrir une magnifique maison à Locmaria et un fond de commerce où elle va ouvrir un restaurant alsacien. Cela ne plaît pas du tout à ceux qui lorgnaient sur la propriété acquise par Catherine et l’Alsacienne sera en butte à la jalousie et à la malveillance d’une (petite) partie du village, jusqu’au jour où l’ancien maire est empoisonné dans son restaurant. Les personnages se classent souvent dans les partisans et les opposants à notre héroïne, une manière assez simple de mener l’intrigue, mais les apparences sont parfois trompeuses et les rebondissements s’emboîtent jusqu’à la résolution (inattendue en ce qui me concerne) de l’enquête. Je ne lirai peut-être pas la suite, déjà parue en juin 2021 mais, je le répète, je n’ai pas boudé mon plaisir.

Margot et Jean LE MOAL, Bretzel et beurre salé – Une enquête à Locmaria, Calmann-Lévy, 2021

Petit Bac 2021 – Aliment/Boisson 4

Pêcheur d'Islande

Présentation de l’éditeur :

Entre Gaud, fille d’un gros commerçant de Paimpol, et Yann, le pêcheur, il y a bien des obstacles : la différence des conditions et des fortunes, bien sûr ; mais aussi la timidité farouche du jeune homme, de ceux qu’on nomme les « Islandais » parce que, chaque année, leurs bateaux affrontent, durant des semaines, les tempêtes et les dangers de la mer du Nord.
C’est l’histoire d’un amour longtemps jugé impossible que nous conte ce roman, publié en 1886, et depuis lors redécouvert et admiré par plusieurs générations. Mais c’est surtout un grand drame de la mer, et l’une des expressions les plus abouties de ce thème éternel. Marin lui-même, Pierre Loti y déploie une poésie puissante, saisissante de vérité, pour dépeindre la rude vie des pêcheurs, l’âpre solitude des landes bretonnes, le départ des barques, la présence fascinante et menaçante de l’Océan.

Après la découverte de l’abbaye de Beaufort à l’entrée de la ville, ma visite à Paimpol a commencé par un repas au restaurant bien achalandé L’Islandais, sur le port, et par une balade dans la ville, où se trouve une charmante petite librairie indépendante, la librairie du Renard, où j’ai acquis ce classique de Pierre Loti. Il y a plusieurs années, j’ai visité sa maison à Rochefort, où il avait accumulé les souvenirs d’une vie de voyage et de sensualité orientalisante. L’introduction de Pêcheur d’Islande par Alain Busine rappelle que Julien Viaud, alias Pierre Loti, était lui aussi marin, capitaine de navire et qu’il voyait ses missions en mer comme un moyen de régénérer son humanité, de se purifier de toutes les sanies accumulées à terre : « Le sel de la mer remplace les mièvreries sucrées des festivités. » Et c’est bien une mer d’Islande idéalisée, presque biblique, que Pierre Loti tend comme décor aux marins de la Marie, capitaine Guermeur, des marins dont le travail est lui aussi sublimé par les descriptions de l’auteur, qui exalte l’effort physique, la qualité de l’air marin, la solidarité naturelle entre pêcheurs, dans une vie qui les fait côtoyer sans cesse la mort (qui garantit d’autant plus la pureté de leur entreprise). Dans ce contexte, le personnage de Yann, sorte de géant timide qui ne veut se marier qu’avec la mer, est emblématique des valeurs prônées par Pierre Loti.

A terre, la vie de celles et ceux qui préparent les expéditions de pêche à la morue (qui durent plus ou moins de fin février à fin août) et qui attendent ensuite le retour des pêcheurs d’Islande, leur vie n’est pas moins rude, marquée par l’attente, la pauvreté pour les familles qui ont perdu plusieurs marins en mer, le deuil, le vent qui bat la lande entre Paimpol et Ploubazlanec en passant par Pors-Even. On ne peut qu’être touché par l’histoire de Sylvestre, jeune marin collègue de Yann, et de sa vieille grand-mère qui a perdu tant et tant de membres de sa famille, et par l’amour entre Yann et Gaud, d’abord impossible et ensuite célébré une semaine avant le départ des « Islandais » dans des conditions météorologiques éprouvantes, métaphore de cet amour contrarié et de sa fin tragique. On attend avec Gaud le retour de Yann, le coeur étreint d’angoisse. Ma lecture était « éclairée » par la visite du cimetière de Ploubazlanec avec le mur des disparus, où de grandes ardoises évoquent le nom des bateaux et des marins disparus en mer entre 1852 et 1935 et la falaise au dessus de laquelle se dresse la Croix des veuves, là où les femmes, filles, soeurs de marins venaient guetter le retour des goélettes et apprenaient ainsi qu’elles étaient veuves quand le bateau ne revenait pas de la « grande pêche ».

Pierre Loti, Pêcheur d’Islande, Le Livre de poche, 2020 (Le roman est paru en 1886 et sa première parution en poche date de1967.)

Petit Bac 2021 – Lieu 4

N°40 - La croix des veuves - Tome 1
N°41 - La croix des veuves - Tome 2

Présentation de l’éditeur (premier tome, pour ne pas spoiler) :

Paimpol, ex-port de grande pêche à la morue, est aujourd’hui une élégante station touristique fort prisée pour son calme et la beauté de ses paysages. Cette belle sérénité est brutalement troublée quand, dans la même nuit, trois retraités sont retrouvés sauvagement égorgés en trois endroits différents. Le modus operandi est le même, indiquant qu’un seul assassin a sévi. Le mobile semble difficile à cerner. L’une des victimes est un ancien marin fort apprécié de toute la communauté, les deux autres sont deux septuagénaires en retraite, l’une de l’éducation nationale, l’autre d’un grand magasin parisien, des citoyens sans histoires… Les patrouilles de gendarmerie n’ont rien relevé d’anormal ce soir-là et l’enquête piétine. Le capitaine Lester, sur directives du ministère, est dépêchée sur les lieux, ce qui n’enthousiasme guère le major Mercier. Mary Lester a bientôt la conviction que ce triple crime cache une autre affaire, bien plus trouble celle-ci…

Après un classique, un polar à Paimpol, Jersey et Bréhat, ça ne se refuse pas. La série Mary Lester est partout en Bretagne, dans les librairies, les maisons de la presse… J’en ai lu plusieurs il y a très longtemps mais j’ai laissé tomber (parce que mon dealer officiel était hors service et parce que le personnage commençait à m’agacer un peu) – merci pour le prêt de ces deux tomes donc, c’était l’occasion de renouer contact.

On est donc sur une affaire très sensible, car la gendarmerie ne trouve aucune piste pour comprendre pourquoi trois retraités sans histoire ou presque ont été assassinés de manière particulièrement violente et quels liens unissait ces victimes. A Paimpol, il y a en même temps une autre affaire inquiétante : la disparition d’un médecin et de toute sa famille, le docteur aurait tué sa femme et emmené ses deux enfants sur son petit voilier. Le docteur Gaillard était connu pour avoir dénoncé, seul contre tous, un médicament aux effets mortels fabriqué par une société pharmaceutique dont la Fondation est implantée sur l’île Saint-Budoc, juste à côté de l’île de Bréhat. Un procès retentissant allait avoir lieu et c’est pourquoi le ministère lui-même envoie Mary Lester sur les lieux.

La capitaine de police, accompagnée de son fidèle lieutenant Fortin, est obligée de collaborer avec la gendarmerie nationale, ce qu’elle accepte beaucoup plus souplement qu’à ses débuts – d’autant que sa propre hiérarchie lui laisse beaucoup de liberté – et ce qui ne va pas sans mal, notamment pour les gendarmes, qui seront bien obligés de se rendre à l’évidence : oui, il y a bien un lien entre les trois meurtres de retraités et la disparition du docteur ; cela rend les trois exécutions et d’autres basses oeuvres entraînées par l’enquête particulièrement odieuses. C’est une enquête sensible, dangereuse et il faudra toute l’intelligence et le sang-froid de la policière pour en venir à bout.

C’est une bonne lecture de vacances, qui prend une saveur particulière quand on s’est baladé sur les lieux (le port de plaisance de Paimpol, la Croix des veuves et la vue magnifique sur la mer, le petit chemin vertigineux qui descend la falaise et que je n’aurais jamais osé emprunter…), la maison à droite de la Croix…). Certes il y a quelques répétitions dues aux nombreux dialogues, la concurrence entre la police et la gendarmerie est toujours un peu simpliste (quoique les pandores qui m’ont contrôlée à dix kilomètres de mon lieu de vacances le jour de mon arrivée ne semblaient pas des champions de la subtilité) mais on sent que Jean Failler est toujours bien documenté et qu’il s’st inspiré de faits-divers réels qui rendent son récit tout à fait crédible.

Première page : « Minuit venait de sonner à un clocher lointain, petite musique ténue dans le calme de la nuit. La lune dispensait une clarté blafarde sur la baie de Paimpol et la petite île de Saint-Budoc, posée sur une mer scintillante, se drapait dans un léger voile de brume.
Pas un souffle de vent, pas une ride sur la mer qui s’était retirée au loin, découvrant des îlets de roche invisibles à marée haute.
À gauche, l »anse de Launay étirait sa plage de sable blanc jusqu’à la pointe de l’Arcouest d’où l’on prenait le bateau qui faisait la liaison entre le continent et la merveille des merveilles, Bréhat, l’île aux fleurs.
Bien qu’il connût ces lieux – il y était né – depuis sa plus tendre enfance, Bodin était toujours saisi par la beauté irréelle de ce paysage auquel l’obscure clarté de la lune ajoutait une aura de mystère.
Il s’arrêta un moment pour jouir de la magie de l’instant, mais aussi pour souffler. Il revenait de la pêche à la crevette et, mine de rien, la pêche de nuit, ça vous crève son homme. Surtout quand on court sur ses soixante-dix ans, que côté poids on roule un peu en surcharge et qu’il faut, pour regagner le haut de la falaise, escalader un sentier de chèvres aussi raide à remonter que scabreux à descendre.
Pas étonnant qu’il fût seul. Déjà de jour, l’accès à sa zone de pêche était malcommode, pour ne pas dire dangereux, mais la nuit…
Bien peu s’y risquaient, et c’est pour cela que Bodin y venait. Rien ne lui était plus pénible que de trouver un autre pêcheur en train de saboter ses trous. Car, qu’on ne s’y trompe pas, la pêche à la crevette telle que la concevait l’ancien bosco était un art ! Ce serait trop facile si le premier clampin venu connaissait la bonne manière de conduire son haveneau dans les failles de roche. Encore failait-il les connaître, ces failles, le plus souvent masquées par un rideau de goémon, encore fallait-il savoir avancer son filet avec délicatesse, sans empressement, en épousant la découpe de la roche et ensuite le ramener lentement, mais fermement, sans à-coups. »

Jean FAILLER, La Croix des veuves, tome 1 et 2, Editions du Palémon, 2014

Petit Bac 2021 – Objet 4


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