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A deux pas de chez lui, à Paris, on a découvert un nouveau portrait de San Martín [ici]

Publié le 18 août 2021 par Jyj9icx6

A deux pas de chez lui, à Paris, on a découvert un nouveau portrait de San Martín [ici]

San Martín (peintre inconnu)

Hier, dans son hommage à San Martín pour l’anniversaire de sa mort, dans la ville homonyme de la province de Buenos Aires, le président argentin a annoncé le retour prochain des visages des grands hommes (et femmes) de l’indépendance sur les billets de banque : San Martín, Belgrano, Güemes et la Bolivienne Juana Azurduy que la gauche argentine a tendance à s’approprier.

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Portrait attribué à Madou (vers 1827, à Bruxelles)
Le portrait canonique, présent sur le défunt billet de 5 $


Et au lendemain de cette cérémonie, voilà que Clarín (et lui seul) se fait l’écho d’une information publiée dans El Comercio, un quotidien de Lima (1), sous la signature d’un historien péruvien. Comme d’habitude, l’article est assez approximatif et la présentation du tableau par la galerie de la rue de Provence qui le détient fait encore pire dans ce domaine.

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Médaille en l'honneur de San Martín
frappée par la loge de la Parfaite Amitié
à l'occasion de l'installation du général à Bruxelles
C'est la première d'une série de médailles
en l'honneur des grands héros de la liberté révolutionnaire
(Bruxelles, 1825, collection Bartolomé Mitre)


Nous ne disposons que de quelques portraits réalistes de San Martín (et c’est encore pire pour Belgrano), d’abord parce que contrairement à Napoléon il s’est assez peu soucié de diffuser son image partout et ensuite parce que les peintres et dessinateurs formés étaient très peu nombreux en Amérique du Sud. Nous avons donc une miniature, sans doute réalisé à Mendoza (1814-1817), un portrait réalisé au début de son séjour à Bruxelles (entre 1825 et 1827) par François Joseph de Navez (un élève belge de David, du temps où il vivait à Paris) puis un portrait attribué à un autre artiste belge, qui allait connaître une notoriété et un prestige considérable, Jean-Baptise Madou (2), et enfin, toujours lors de son séjour en Belgique (donc avant mars 1831) une gravure pour laquelle San Martín a posé pour illustrer les mémoires d’un de ses compagnons d’armes qui l’en avait prié, l’Anglais devenu général péruvien William Miller mais ce portrait, pourtant utilisé à tort et à travers en Argentine, était raté d’après ce que San Martín en dit lui-même (les yeux ne sont pas ressemblants). Enfin, nous avons un daguerréotype réalisé à Paris en janvier ou février 1848, où son expression est très sévère comme l’exigeait cette technique dont la longueur de pose interdisait tout sourire (comme pour nos photos de passeport hatue sécurité). Pour les autres portraits qui nous sont parvenus, la ressemblance souffre du peu de technicité des peintres.

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Portrait par Navez (vers 1825)
Le Museo Histórico Nacional dit 1824 (mais cette année-là, il vit à Londres)


Ce nouveau tableau est d’une main anonyme (même si Clarín tente de faire un lien, un peu poussif, avec David, que San Martín aurait rencontré à Bruxelles) (3). Le portrait aura été réalisé soit à Londres (en 1824) soit à Bruxelles (à partir de 1825). Pour la première fois, on le voit de 3/4 face droit (dans tous les autres, le côté gauche est prédominant). Il a alors entre 45 et 50 ans et on lui donne nettement moins, or l’on sait qu’il paraissait en effet beaucoup plus jeune qu’il n’était. On reconnaît chaque élément de son visage : nez, sourcils, couleur des yeux, bouche, commissure des lèvres, menton, oreilles et cheveux. On constate que son expression générale montre beaucoup de douceur et que les traits sont d’une belle régularité, ce qui correspond aux descriptions des contemporains. Un voile de tristesse sur ce visage. Si le portrait date des premières années de l'exil, ce serait normal : il pleurait encore le décès de sa femme, morte de tuberculose à 25 ans le 3 août 1823. Le chagrin avait failli le tuer.

Bref, c’est bien lui et cela est confirmé par son nom et son grade inscrits en haut. Et pourtant, on ne le reconnaît pas : l’iconographie le concernant est si pauvre que nous ne parvenons qu’à grand-peine à l’identifier en dehors des images canoniques que nous connaissons déjà. Imaginez un peu s’il fallait le reconnaître avec un masque chirurgical !!!!

Plaisanterie mise à part, il est assez touchant de savoir que ce portrait se trouve ces jours-ci à quelques pas de la rue Saint-Georges, où San Martín a vécu à Paris dans un appartement qu’il avait acheté en 1836 et dont sa fille Mercedes hérita en 1850, à sa mort survenue le 17 août à Boulogne-sur-Mer.

© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com

Pour aller plus loin :

sur le portraitlire l’article de Clarín
sur la cérémonie du Día de San Martín et le retour des révolutionnaires sur les billets de banque
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarínlire l’article de La Nación

(1) Je n’ai pas pu retrouver l’article original sur le site du quotidien péruvien.

(2) Ces deux portraits belges illustrent la couverture des deux livres que j’ai consacrés à San Martín aux Éditions du Jasmin, la biographie et l’anthologie de mes sources.(3) David en exil restait un artiste reconnu et prestigieux. Il aurait signé le tableau. Par ailleurs, il est mort le 29 décembre 1825, à une époque où San Martín avait de grandes difficultés à boucler ses fins de mois, une gêne qui va durer jusqu’au cours de 1833. S’il est le commanditaire du portrait, il est assez peu probable qu’il ait eu recours à une telle autorité artistique puisqu’il gardait précieusement ses économies pour payer l’école de sa fille. Enfin, à partir de 1824, la santé de David se dégrade et l’achemine peu à peu vers la mort. Leur rencontre semble donc appartenir à cette collection de légendes dont l’histoire de San Martín est particulièrement encombrée.

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