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Reconnaissances, de Catherine Safonoff

Publié le 20 août 2021 par Francisrichard @francisrichard
Reconnaissances, de Catherine Safonoff

Mange ce livre qui sera miel dans ta bouche et fiel dans tes entrailles (Saint Jean, Apocalypse, 10-9). Ce verset a durablement marqué Catherine Safonoff. Il fait partie de ses Reconnaissances envers la Grèce notamment, qui aura beaucoup compté pour elle:

Il y avait des abeilles à Patmos, l'ascète avait goûté leur miel: le fiel est dans les mots.

Car elle s'est rendue avec Victor à Patmos. Elle a retrouvé Katerina à Athènes et elles sont allées ensemble à Égine, où elle a écrit dans des cahiers d'écolier, qu'elle retrouve: À l'écriture, les cahiers grecs sont une nécessité vitale, à la lecture, c'est un cauchemar.

Ces cahiers sont écrits sur le vif, en trois mois, tandis qu'elle met sept ans à écrire son deuxième livre pour obtenir une chose plate, c'est-à-dire dans le goût de l'époque. Avec humour et lucidité, elle constate: Je devais avoir un autre problème que littéraire...

Dans ce deuxième livre, elle fait de l'étudiant en lettres qu'elle fréquente un garagiste, sans qu'il se reconnaisse. Car, quand elle écrit, elle fabule. Mais, pas seulement. Les sept ans sont en fait le temps qu'elle met à limer sans bruit [ses] barreaux, de femme mariée.

Pour échapper à la maison de base, qui est occupée par le maître, son deuxième mari, et leurs deux filles, elle se réfugie dans le cabanon, l'Oasis, que son grand-père a acquis pour sa mère, sous régime de séparation de biens: L'expression m'avait paru curieuse.

Son deuxième livre est toutefois fini avant que sa mère ne vende son cabanon. Qui abritait ses amours avec l'étudiant devenu assistant à l'université. Quand celui-ci la quitte, elle le remplace par Ponce, un grand jeune homme mince, front haut, cheveux châtain roux:

Comme couple, je nous voyais plus en Bouvard et Pécuchet ou les deux Dupont des aventures de Tintin qu'en Tristan et Iseult. Il avait une quinzaine d'années de moins que moi, j'étais bien la vieille maîtresse, mais pas question de finir comme la grosse Léa du Chéri de Colette.

Elle écrit le livre de son père, le troisième, sous la garde de sa fille cadette venue vivre avec elle (c'est comme si la mère naissait de son enfant). À quatorze ans, elle l'avait mis dehors pour éviter une ultime scène parentale. Tous deux s'étaient reconnus ce jour-là...

À chaque livre qu'elle écrit, elle s'acquitte déjà d'une dette. Mais avec celui-ci, elle le fait plus explicitement pour certains d'entre eux et c'est ainsi qu'elle lève le voile sur les derniers jours de sa mère (passés sous silence dans son huitième livre), avec tendresse.

Francis Richard

Reconnaissances, Catherine Safonoff, 144 pages, Zoé

Livres précédents:

Le mineur et le canari (2012)

La distance de fuite (2016)

Livre sur Catherine Safonoff:

Catherine Safonoff, réinventer l'île, Anne Pitteloud (2017)


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