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Issa Rae : Insecure

Par Gangoueus @lareus
Issa Rae : Insecure

En début 2019, j’ai regardé la deuxième saison de la série Insecure diffusée par la plateforme HBO. Une série créée et développée par Issa Rae, une jeune américaine d’origine sénégalaise. Je venais de découvrir les contenus doublés, sous-titrés de la chaine américaine progressiste HBO via le bouquet OCS. Récemment, je me suis replongé dans les quatre saisons de la série pour mon grand plaisir...


Pour faire simple, OCS propose tout ce que les marges peuvent produire par le biais de fictions télévisées : sur le genre, sur l’ethnique, sur l’orientation sexuelle et toutes autres singularités qui ne sauraient passer devant un public bienpensant et défenseur de valeurs conservatrices sur ABC par exemple. Big love une série produite par Tom Hanks traite des déboires d'une famille polygame mormonne dans une grande ville de l’Utah aux Etats-Unis. Toujours pour l'exemple, avec I may destroy you de Michaela Coel, OCS propose également une série britannique dont les personnages sont à l’intersection de plusieurs oppressions. C’est donc un canal intéressant pour observer les nouvelles mutations de la société occidentale et les nouveaux discours des minorités. On est très loin des sujets plus mainstream de Netflix.

Influence

Dans ce contexte, Insecure est une fiction intéressante qui dure dans le temps puisque la saison 5 est annoncée pour octobre. Pourquoi parler de cette série ? D’abord parce que j’aime la démarche d’Issa Rae qui construit dans un contexte afro-américain du côté de Los Angeles une approche qui emprunte aux séries Girls de Lena Dunham ou à Sex and the City. Issa est le personnage central autour duquel gravite à plusieurs niveaux d’autres figures, permettant de conter différents types de relation : le couple avec Lawrence, l’amitié avec Molly, la bande de copines, le voisinage, les relations professionnelles dans un contexte faisant apparaître un racisme systémique profondément enraciné. Critique faite avec beaucoup d’intelligence et de subtilité (moins direct que le discours de Spike Lee). On peut d’ailleurs penser qu’avec Nora Darling n’en fait qu’à sa tête, le cinéaste Spike Lee a quelque part été précurseur ce type de prise parole complètement décomplexée d’une femme s’exprimant sur la sexualité.

Amitiés et racisme 

La série télé offre plus de temps qu’un long métrage ne proposera jamais. Molly et Issa sont deux bonnes copines. Des amies au sens profond du terme. Elles évoluent dans des strates très différentes de la société californienne. La première est avocate dans un grand cabinet de la place de la cité des Anges. La seconde évolue dans une association qui accompagne les élèves fréquentant des collèges dans qu’on qualifierait de ZEP en France. Assez rapidement, le récit permet de montrer les contraintes du système. Mais contrairement à beaucoup de séries touchant à ce sujet, Issa Rae ne prend jamais le parti de la complainte. Les faits sont dits pour être affrontés. Et l’évolution des personnages va, après coup, aller dans le sens de cette philosophie de la vie. Mais la construction de la série est telle que ce cheminement n’est apparent qu’au fil des saisons. L’amitié entre ses deux femmes est plus importante que leurs amours qui diffèrent. Du moins au début...

Le couple / Black love

Issa est engagée dans une relation stable depuis cinq ans avec Lawrence. Ce dernier est au chômage. Il rêve de pouvoir développer des applications pour une start-up et il ne veut pas compromettre ses chances avec un job intermédiaire. Ce qui est intéressant, ce sont les discours entendus sur les podcasts à propos de la posture de looser de Lawrence. Un koko, comme on disait à une certaine époque en Côte d'ivoire. Un profiteur. Ce cas nous révèle la complexité pour une femme de porter seule, sur la durée, la charge d’un ménage. C’est l’objet de la première saison d’insécure et une cause des incidents qui vont conduire à la rupture de ce couple qui s’entendait si bien, qui communiait parfaitement. La justesse d’Issa Rae est la critique qu’elle apporte à l’attitude du personnage qu’elle incarne puisque Lawrence finit par avoir le poste dont il rêvait. Ici, le message subliminal qui fait la force de cette série, sur cette séquence particulière, est celui de la patience. Issa Rae questionne en profondeur les problématiques du couple et de l’amitié. Elle se plonge sur les conséquences d’une rupture.

Rupture et rafistolage

Parce que j'ai commencé de regard cette série à partir de la saison 2, j’ai été choqué par la surreprésentation de la sexualité. Je devais être un peu voyeur. Il faut dire qu’on retrouve Issa, Lawrence dans toutes les positions possibles. Je ne parle pas de Molly avec son « Dro », comprenne qui pourra. Et dans les podcasts Thé Noir, Le Tchip, j’étais très surpris que cette dimension caricaturale du Nègre performeur sexuel ne soit pas relevée que par des petits rires coquins. Cependant, la saison 1 explique cette déferlante sexuelle. La rupture entre Lawrence et Issa nécessite ou explique cet abandon de soi, ce saut dans le vide, ce libertinage que Melina Matsoukas et les autres réalisateurs mettent en scène avec une sacrée esthétique. Rompre, cela fait terriblement mal. On peut penser que c’est la recette de Girls que Issa Rae exploite. Sous des aspects plus athlétiques, on va dire. Mais plus inclusives aussi. Lena Dunham est peut être trop au centre de son scénario. Le fait que les errances joyeuses de Lawrence soient autant affichées que les déboires ou les quêtes d’Issa permet un vrai dialogue et réduit les effets d’un narcissisme inutile. Si l'histoire est racontée par une femme, l'approche est donc très ouverte.
Insecure explore donc pas mal de chose, met le doigt sur les discussions entre mecs quand Lawrence joue les pleureuses après la trahison d'Issa. Discussion entre frangines aussi autour de leurs vies amoureuses, leurs jobs. Je trouve que les personnages secondaires apportent beaucoup à la série, permettant d'explorer la maternité, le mariage... Bref, je m'arrête là en soulignant la qualité de la captation et de la réalisation de cette série, ce, sur les quatre saisons. Une mention spéciale pour Mélina Matsoukas qui a réalisé toute la première saison et dont j'ai apprécié le long métrage Queen and Slim (2020).
InsecureDistribution : Issa Rae (Issa) / Yvonne Orji (Molly Carter) / Jay Ellis (Lawrence) / Natasha Rothwell (Kelli) / Lisa Joyce (Frieda) - Home Box Office : Saisons 1 - 4

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