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S.O.S produit

Publié le 02 juillet 2007 par Philostrate
"Le Tour a été abîmé, il doit reconquérir sa crédibilité et sa dignité". Cette phrase, extraite du long entretien accordé au Monde dans son édition du mercredi 27 juin par Christian Prudhomme, actuel directeur de la Grande Boucle, mérite qu'on s'y arrête. Oublions le côté ronflant du discours, pour ne nous attacher qu'au fond et là, que constate t-on ? Que ce n'est pas tant l'état du cyclisme en général qui préoccupe l'intéressé, mais bien celui du Tour de France. Vous me direz, dans la dialectique d'ASO, les deux se confondent, et s'attacher à l'un revient à s'inquiéter pour l'autre. Sans doute, mais la formulation trahit aussi d'autres intérêts.    Le Tour de France est aujourd'hui un produit, une marque mondialement connue qu'il revient à ASO de défendre et de faire fructifier. Or, à partir de quand les "propriétaires" de la Grande Boucle ont-il décidé de prendre la tête de la croisade antidopage surmédiatisée, qui vaut aujourd'hui au vélo d'incarner à lui seul la dérive du sport business ? À partir de la fin des années 1990, période où la bombe Festina explosée sur la route du Tour mettait au grand jour les excès des années EPO et associait dangereusement le scandale à l'image de l'épreuve. Des révélations autour du dopage, il y en a eu et plus d'une avant cette date. Mais même l'affaire Delgado, qui, lui, a conservé son maillot jaune et apparaît toujours au palmarès du Tour malgré son contrôle positif sur l'édition 1988, n'avait pas réussi à déclencher une telle mécanique infernale…    En initiant la chasse aux sorcières et en adoptant une posture morale sur la question, ASO cherchait avant tout à défendre le produit "Tour de France". Une démarche qui lui permet aujourd'hui de gagner sur tous les tableaux : moral, car qui peut décemment lui reprocher son engagement dans la lutte antidopage, mais surtout économique, en prenant bien garde toutefois de dissimuler cette préoccupation bassement matérielle derrière le masque du chevalier blanc. Finalement, cette approche du sport, où les intérêts mercantiles se tapissent jusque dans les plus beaux discours, est-elle aussi éloignée de celle qui fait plonger un coureur dans le dopage ? D'un côté, on brandit l'étendard moral pour éviter de voir chuter le chiffre d'affaires de sa petite boutique. De l'autre, on confie son avenir à des docteurs Mabuse de passage en rêvant d'exploits rémunérateurs. Le gendarme-organisateur crie haro sur le baudet, le baudet cherche à devenir un pur-sang et tout va pour le mieux dans les meilleur des mondes possible.    L'hypocrisie, c'est que rien dans tout cela ne vient briser la logique du "toujours plus". Toujours plus de difficultés et de cols à franchir, mais bien entendu à "l'eau claire" pour les organisateurs cyniques. Toujours plus de noms de coupables à désigner à la vindicte populaire, mais aussi de bons gros records à faire mousser pour la presse schizophrène. Toujours plus d'exploits pour le public qui, quoiqu'en disent les médias, s'attache bien plus à l'image qu'à son revers. Suis-je un incurable moraliste ? Au contraire, j'ai pour ma part parfaitement intégré que le spectacle sportif du XXIe siècle n'a plus rien de commun avec l'idéal de Coubertin. Par les temps qui courent, ce sont rarement les rosières ou les enfants de chœur qui incarnent le mieux le grand show médiatique où s'affrontent nos nouvelles stars. Et celui qui pourra inverser la vapeur n'est pas encore né, j'en ai bien peur…

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