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Qui ne dit mot ne consent à rien

Publié le 02 décembre 2021 par Réverbères

Qui ne dit mot ne consent à rien

Il y a bien longtemps que je n’ai plus « séduit » une femme (si ce n’est ma femme, il y a une quarantaine d’années, c’était hier d’accord, mais…). Au vu de ce qui arrive à certaines personnes publiques, je me dis souvent qu’il ne doit pas être simple d’être « jeune et séduisant » aujourd’hui, qu’on soit célèbre ou non ! Comment vivre sereinement des relations d’un jour ou même de quelques jours ?
Il y a très longtemps, durant un bel été, j’étais dans un village de vacances intelligentes, rempli de jeunes, dont certain·es qui n’étaient que de passage. Il faisait chaud. La vie était intense. Il m’arrivait de faire une sieste réparatrice dans la chambre isolée dont je bénéficiais. Ce jour-là, j’étais en train de somnoler lorsque j’entendis la porte s’ouvrir. Je la sentis se glisser auprès de moi. « Elle », pas la porte ! « Elle », je ne la connaissais pas vraiment, mais – depuis son arrivée temporaire – nous avions partagé de bons moments à rire, à manger, à musiquer, à rêver… Sa présence à mes côtés pour cette sieste ne m’étonnait pas trop, ni ne me bouleversait d’ailleurs. J’étais bien, c’est tout. « Elle » semblait bien aussi. Ce qui devait arriver arriva. Ce fut un bel échange, sans fioriture. Jusqu’au moment où « elle » m’a dit : « Alors toi aussi, tu es un mec qui fait ça comme ça, sans trop s’inquiéter de l’autre, sans plus… ». Elle s’est levée… et est partie, me laissant pantois. Je ne sais même pas si je l’ai revue.
Plus de quarante ans passés, je n’en reviens toujours pas. Oui, j’avais fait ça comme ça, sans m’inquiéter, sans plus… Je n’avais (me semble-t-il) rien demandé. C’est elle qui m’avait rejoint durant ma sieste. On me dira que la porte était restée ouverte… mais personne d’autre ne l’avait jamais franchie ! Je l’appréciais. (« Elle », pas la porte !) Mais sans plus. J’étais jeune, son corps voluptueux, c’était la sieste alors qu’il faisait chaud dehors, et ce corps lascif s’était collé au mien… C’est tout.
Peu importe mon histoire finalement. Ce n’est même pas une histoire, juste un moment. Je n’avais rien demandé… et je ne suis pas sûr d’avoir obtenu quoi que ce soit. À part cette remarque « Alors toi aussi… ».
Et bien non, justement. Si c’était à refaire, je ne ferais rien. Rien de plus que ma sieste, éventuellement avec « elle » à mes côtés. Mais rien de plus. Je n’oserais pas. Je n’oserais plus. Le risque qu’elle en fasse – au moment même ou bien plus tard – une autre histoire que simplement sa petite phrase « Alors toi aussi… » serait bien trop grand. Je resterais donc coincé dans cette pseudo-indifférence qui me caractérise, au risque de passer pour un goujat pas capable d’honorer un cadeau offert. Si je me dis aujourd’hui que j’aurais été bien bête de passer à côté de ce moment de grâce juste pour la peur d’un lendemain aléatoire, je me dis aussi que c’est ce que j’aurais dû faire… et que, heureusement, je n’ai aucune notoriété !
Dans le fatras des informations qui se bousculent pour le moment, qu’on me comprenne bien : je réprouve totalement et fondamentalement tout acte imposé par un homme à une femme. Plus globalement, je condamne tout acte imposé à qui que ce soit par qui que ce soit. La difficulté est de savoir quand un acte est « imposé » ou non. Dans mon histoire, c’est « elle » qui est venue. Et c’est elle qui m’a dit après « Alors toi aussi… ». Je n’ai pas vraiment été « consentant », mais j’ai été (bien) actif, c’est évident ! Sans avoir rien cherché. Qui était « coupable » de quoi ? Aurais-je pu savoir, au début de ma sieste, qu’une femme que je ne connaissais pas vraiment allait me reprocher une attitude dont je ne me sens toujours pas responsable, mais qui fut indéniablement la mienne ?
Cette petite expérience sans lendemain m’amène à me poser des questions sur la manière dont on peut vivre sa sexualité aujourd’hui. Je ne cherche à excuser personne, surtout dans des histoires dont je ne connais que ce que l’on veut bien me faire connaître (et qui étonnamment semblent surtout toucher des personnes qui ont acquis une certaine notoriété). Plus globalement, je me dis qu’il ne doit désormais pas être simple de vivre le moment présent, juste pour le plaisir de le vivre… avec cette peur de la manière avec laquelle ce simple moment pourrait être réécrit plus tard, même quelques années plus tard pour certains. Sur la base de mon histoire, mais aussi d’autres qu’il m’est donné de connaître, je me dis de plus que les femmes n’ont pas le monopole du consentement alors même que cela semble acquis dans la manière actuelle de traiter ce type de situations. Je n'ai pas de réponse à ces questions, mais elles doivent pourrir la vie de beaucoup…

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