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Ricky Ford en trio sans basse au Sunset

Publié le 13 février 2022 par Assurbanipal
Ricky Ford en trio sans basse au Sunset

Ricky Ford par Juan Carlos HERNANDEZ

Paris, Ile de France, France

Samedi 12 février 2022, 20h30

Ricky Ford: saxophone ténor

Dexter Goldberg: piano

Chris Henderson : batterie

Ricky Ford tenait une galerie d'art où il exposait ses peintures et un festival de Jazz où il invitait jouer ses amis à Toucy (Yonne, Bourgogne Franche Comté, France) mais, selon la Toile, ni l'une ni l'autre ne sont plus en activité. Il est en concert à Paris, au Sunset, avec un vieux et un jeune complice, le batteur Chris Henderson et le pianiste Dexter Goldberg, maintes fois célébré sur ce blog. Pas de contrebasse. Ricky Ford (1954) a joué dans les derniers groupes de Charles Mingus (1922-1979). N'oublions pas de fêter les 100 ans de Charles Mingus en 2022. Cela rend très exigeant sur le choix du contrebassiste. Ce soir, il s'en passe.

Le trio commence par une Bossa Nova. Ca roule tranquille. Salle archi comble. Son de sax ténor chaud et viril à souhait. Dans la lignée de Dexter Gordon. Le saxophoniste américain en hommage auquel le saxophoniste français Michel Goldberg a prénommé son fils, Dexter Goldberg. Retardé par le magnifique match du XV de France (victoire 30-24 face à l'Irlande pour le 2e match du tournoi des 6 Nations) je suis arrivé à 20h35. Sanction immédiate. Toutes les places assises sont prises. Je me trouve debout au bar. Le pianiste est d'emblée au niveau de ses deux aînés. Il est le seul à lire une partition. Les deux autres musiciens savent où ils vont, sans carte routière. C'est bien monté en puissance. Chaud tout de suite. Solo du pianiste en croisière. Le batteur aux baguettes a baissé le son mais pas l'intensité. Puis le trio reprend s'étirant jusqu'au final. Du fond de la salle, je n'entends rien aux mots sans micro de Ricky Ford.

Un morceau de Jazz sans accent latin. Toujours énergique. Petite citation de TS Monk dans le solo de sax ténor. Ricky Ford jaillit comme un geyser. Chaud et abondant. Même les spectateurs qui bavardent applaudissent à la fin du solo de saxophone. Solo de piano toujours poussé par le batteur qui ne lâche rien. Premier break de batterie sur les tambours, aux baguettes. Bonne vibration comme s'il jouait de la contrebasse. Ca tombe bien. Il n'y en a pas ce soir.

Première ballade langoureuse à souhait. Le batteur reste aux baguettes mais joue tout en douceur. Je ne reconnais pas les thèmes mais ils sonnent comme des standards. Ricky Ford déroule le tapis rouge. Solo cristallin du pianiste. Le batteur est passé aux balais et masse doucement tambours et cymbales. Ca balance tranquille. Bel envol final. Public enthousiaste.

Un morceau au tempo caribéen. Une calypso. Hommage à Sonny Rollins, le Colosse du saxophone ténor? Le batteur joue bien la syncope typique de la calypso. Le piano est bien dans la danse lui aussi. Chris Henderson a tombé la veste mais gardé la cravate. La classe à l'ancienne. Il tapote sur les bords de caisse pour restituer le son métallique des steel drums de Trinidad & Tobago. Joli duo piano & batterie bien dans l'esprit caribéen même si ce n'est pas Alain Jean-Marie (Guadeloupe) ou Mario Canonge (Martinique) au piano. Je bats frénétiquement la mesure du pied gauche ce qui est bon signe. Le public est encore plus enthousiaste.

PAUSE

Pendant la pause, je discute avec deux sympathiques gaillards. Un Germano-Américain prêt à suivre tous les concerts d' Olga Amelchenko suite au portrait que je lui ai dressé de cette saxophoniste russe. Un Slovène qui me promet de me faire découvrir le Jazz slovène. Si je reçois du Jazz slovène à mon goût, je vous en ferai part, lectrices raffinées, lecteurs distinguées.

Reprise avec un standard maintes fois repris par les DJ, " The Sidewinder " (1964) de Lee Morgan. Joe Henderson (1937-2001) était le saxophoniste du morceau original. Le trio s'y attaque sans la trompette de Lee Morgan (1938-1972), ni la contrebasse de Bob Cranshaw. Bref, c'est du très lourd. Ca tourne. Piano et batterie marquent implacablement le tempo. Le sax ténor se déploie. Le pianiste attaque bien. Le batteur groove terrible. Il ne relâche jamais la pression mais n'en met pas trop. Très efficace. Le trio fait chauffer la machine, remettant sans cesse du charbon dans le fourneau.

Un morceau turc " Uz garduz " (?). Ricky Ford a enseigné à l'université Bilgi d'Istanbul de 2000 à 2006. Il en garde de bons souvenirs. Au 2e set, Ricky Ford parle dans le micro et j'entends donc ses annonces. Morceau rapide, dynamique. Ca sonne bien occidental, Jazz. Quel flux sort de ce sax ténor! Ca dépote sévère. Belles envolées du pianiste en solo. Belle vague de grave. Le batteur le pousse sans cesse. Breaks du batteur aux baguettes sur les tambours qui relancent la machine.

Nous ne connaissons pas la chanson suivante annonce Ricky Ford. Solo de ténor pour commencer. Le piano vient ajouter quelques notes. Je reconnais un standard de la Pop. " Your are not alone " le 13e et dernier n°1 des ventes de Michael Jackson. Point pour les juristes. Droit pénal: R. Kelly, l'auteur de cette chanson, a, comme Michael Jackson, été accusé d'agression sexuelle sur mineurs. Michael Jackson est mort et le jugement concernant R.Kelly n'est pas encore rendu alors que j'écris cette ligne. Droit de la propriété intellectuelle: la cour d'appel de Bruxelles a jugé que cette chanson est un plagiat de " If we can start all over " des frères jumeaux belges Danny & Eddy Van Passel. " You are not alone " n'est plus diffusé en Belgique mais l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles n'est valable que dans le Royaume de Belgique. " Le Jazz, cela consiste à transformer le saucisson en caviar " ( Barney Wilen). Ricky Ford tire de cette chanson une ballade majestueuse à la Sonny Rollins. Batteur aux balais. Grande classe. Miles Davis, lui, interprétait une autre ballade de Michael Jackson, " Human Nature ".

" Mack the knife ". 3 notes me suffisent pour reconnaître ce standard immortalisé par Louis Armstrong & Ella Fitzgerald. Le trio nous joue une version lente mais intense, bien entendu. Ca marche. Une femme accoudée au bar danse au rythme de la musique. Le père et le fils assis devant moi sont musiciens. Ils comptent les mesures, notent les clefs. 40 ans et 12 ans à vue d'oeil. Pour l'analyse technique détaillée du concert, prière de les consulter, lectrices raffinées, lecteurs distingués. Solo de piano sans soutien du batteur. Dexter Goldberg balance à l'ancienne sans que ça sente la copie. Chris Henderson revient aux balais massant ses tambours et nos cerveaux. Le père imite la voix de Louis Armstrong pour amuser son fils. Curieux chemin que cette version américaine d' une chanson allemande de Kurt Weill & Bertold Brecht (tirée de " L"opéra de 4 sous " ) elle même inspirée d'un opéra anglais du XVIII° siècle The Beggar's Opera de John Gay.

Enchaînement direct avec un autre standard du Jazz. " Lush Life " de Billy Strayhorn, le 2e cerveau de Duke Ellington. Sans nous laisser le temps de comprendre et d'applaudir le morceau précédent. Batteur aux baguettes. Une ballade jouée avec intensité. Son majestueux du saxophone ténor.

Retour au hard bop. Batteur aux baguettes. Le trio envoie bien.

PAUSE

La partie se joue en 3 sets gagnants mais le Germano Américain, le Slovène et moi avons eu notre dose de beauté. Pour nous, le concert est fini.

Dans la vidéo sous cet article, vous trouverez le même trio en concert à Paris, dans la péniche Marcounet, en juillet 2021.

La photographie de Ricky Ford est l'oeuvre de l'Indélébile Juan Carlos HERNANDEZ. T oute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales .


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