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Oublis

Par Deathpoe

Tous les somnifères qui m'étaient autrefois destinés sont maintenant absents, introuvables. Il est impossible de mettre la main sur l'une de ces foutues boîtes, comme si on les avait une fois pour toutes mises hors de portées des enfants. Le sol m'apparaît immense lorsque, après un orgasme solitaire, je me relève pour aller prendre quelques gorgées de whisky. Je lui découvre d'ailleurs des notes herbacées que je n'avais jusque là jamais remarquées. Aidé d'un mélange d'anti-douleurs et d'absinthe, j'ai cherché pendant plus d'une heure à me reconnaître.

Et tant que l'on est dans les confidences, tous les coups ne sont pas permis. Surtout ceux portés involontairement. Là, il fallait briser quelques portes, même si cela faisait plus mal que n'importe quoi d'autre. Je me penche par la fenêtre et ne peut apercevoir les voitures garées en bas. Les ouvertures ont parfois une symbolique époustouflante. Il peut s'agir de replonger dans son propre courant pour déterminer à quel moment l'on s'est planté. Parfois, l'on en trouvera certainement pas l'instant précis, mais l'essentiel est de retrouver la faille, si infime soit-elle.

Il ne manquait rien de plus que le détachement que je brandissais autrefois comme un étendard de feu. Mon orgueil m'occupait tellement à vouloir être à la hauteur pour tout que je gaspillais mon énergie vitale à prévoir les coups les plus audacieux, les résolutions qui mettraient fin au puzzle. J'avais faim de perfection, car seul le désir de me surpasser m'importait. Il me fallait un jeu prévu au coup par coup, sans faille.  Le moment venu, tout m'échappait totalement à force d'avoir trop voulu de contrôle. 

Alors je cherche ce qui a bien pu m'abattre d'un coup, ce qui a fait que soudain je me suis senti au plus mal en l'espace de quelques secondes. Il fallait que je trouve mes tords, et une clef perdue il y a peu de temps. A force de trop vouloir réussir des dynamitages parfaits, je me plantais à chaque fois en beauté. Non pas dans les faits, mais dans la réalisation des prédictions. Le poulain favori qui se casse les deux pattes arrières et ne peut plus que se traîner difficilement, espérant juste que l'on vienne l'abattre.

Détachement. Voilà, le mot est balancé comme ça en noir sur la page. En comptant sans cesse les secondes et leurs intervalles, j'ai tout bonnement omis de m'oublier totalement, de ressentir tous les possibles, d'admettre l'ensemble du tableau comme quelque chose allant de soi, de manière naturelle et parfaitement gratuite. En l'espace de deux ou trois semaines, mon orgueil m'a jeté à terre. Ce que je viens de comprendre, là, il y a quelques minutes, c'est qu'orgueil et liberté ne sont pas compatibles. Tellement préoccupé à planifier les prochaines explosions, j'en oubliais que ça n'avait finalement que très peu d'importance. Que l'on dise ce que l'on veut quant à mes faiblesses, ignorances ou incompétences (quand bien même je n'entendrai rien de cela), il n'y a plus qu'à jeter de l'essence sur le jeu de cartes, qu'elles se ressemblent toutes et valent, une à une, la peine d'être jetée sur table. S'oublier totalement, cette clef se trouvait encore finalement au fond de ma poche.


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