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La Transmission, d'Éliette Abécassis

Publié le 25 février 2022 par Francisrichard @francisrichard
La Transmission, d'Éliette Abécassis

"Et si vous écriviez sur votre père?"

Telle est la question que l'éditrice Marion Lavenir pose à Éliette Abécassis, qui en reste stupéfaite, parce que son père est pour elle un mystère. S'il parle beaucoup, il ne parle jamais de lui.

Alors elle réfléchit à la proposition qui lui est faite. Que pourrait-elle donc dire de lui? Certes elle peut dire, bien sûr: Il a toujours été pour moi un modèle, un exemple, et presque un idéal:

Plus qu'un père: un guide, un prophète!

Mais c'est un peu court et ne fait pas un livre. Il lui faut enquêter. D'abord en regardant autour d'elle. Dans la maison familiale, il y a des affaires amassées au fil du temps, mais surtout des livres:

Ils auraient pu remplir la maison entière.

Il serait un petit trop facile de dire dans ce cas: Dis-moi qui tu lis, je te dirai qui tu es. Sauf si l'on considère, bien sûr, le seul Talmud: en tout soixante-trois traités en de multiples exemplaires.

Il y a parmi ces affaires un objet insolite: une boîte en bois d'une vingtaine de centimètres, hermétiquement fermée par un système sans serrure, une juxtaposition de petits rectangles de bois...

Cette boîte de Pandore est le fil conducteur de l'auteure pour restituer la personnalité de son père, Armand Abécassis, i.e. Amram, dont le totem est Cèdre chez les Éclaireurs Israélites.

Pour ce faire elle se souvient, va au Maroc, où est né Amram, relit ses livres - car il en a écrit un certain nombre - où il fait montre d'une ouverture philosophique, métaphysique et morale:

En lui, le philosophe questionne le religieux, et vice-versa.

Il ressort de cette enquête, qui s'apparente à une quête, que le maître-mot de son père est La Transmission, qui lui apparaît comme étant sa véritable vocation. La transmission par la parole:

Pour mon père, le livre est rempli de signes qui ont rompu avec la vie, quand bien même ce serait la Bible ou l'Évangile ou le Coran. Alors il s'efforce d'apporter la parole vivante, car, même s'il a écrit de nombreux livres, son talent est oratoire.

Que faut-il entendre par transmission? Elle a deux visages: émission d'une information d'une part et éveil de l'humain de l'autre. La tradition se faisant dans le respect et l'ouverture:

Mon père répète que le savoir n'est pas seulement une réponse à la curiosité intellectuelle, mais qu'il aide aussi à transformer le monde.

Avec son savoir Armand aurait pu être rabbin, mais il veut préserver sa liberté de penser, pour laquelle il est prêt à tous les sacrifices, ce qui explique son parcours atypique d'enseignant.

Sa conception du judaïsme se fait en effet plus à travers l'interprétation que le dogme. Sa triple identité, marocaine, juive et française, est vraisemblablement à l'origine de cette ouverture.

Sépharade, il a l'opportunité, grâce à l'un de ses maîtres, de connaître l'autre mode d'être juif, ashkénaze, et d'avoir la certitude de l'unité de l'âme juive qui ressort de ces deux traditions.

Le fin mot de l'histoire se trouve pourtant dans la boîte en bois sur laquelle est gravée le mot dibbour qui signifie discours. Elle livre enfin ses secrets quand l'auteure parvient à l'ouvrir...

L'auteure se pose la question: Pourquoi transmettre? La réponse, je le pense, ne regarde pas seulement mon père, mais elle concerne le monde et sa réparation. Qui passe par la voie orale vivante:

Parce que les enjeux humains concernent toute l'existence et pas seulement la connaissance.

Francis Richard

La Transmission, Éliette Abécassis, 264 pages, Robert Laffont

Livres précédents:

Chez Albin Michel:

Et te voici permise à tout homme (2011)

Le palimpseste d'Archimède (2013)

Alyah (2015)

Le maître du Talmud (2018)

L'envie d'y croire (2019)

Chez Flammarion:

Philothérapie (2016)

L'ombre du Golem (2017)


Chez Grasset:

Nos rendez-vous (2020)


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