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Quand il fait triste Bertha chante, de Rodney Saint-Éloi (éd. Héloïse d'Ormesson)

Publié le 25 mars 2022 par Onarretetout

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« Une île est une terre entourée de larmes »

Quand Bertha meurt, son fils aîné, Rodney Saint-Éloi, qui porte le nom de sa mère, écrit pendant plusieurs mois ce livre pour lui dire son amour et pour que celles et ceux qui liront l’aiment à leur tour. Bertha est la petite fille de Tida, la grand-grand-mère qui a appris à l’enfant ce qu’elle ne savait pas. Il le redira plus tard, Rodney : par la lecture on apprend ce qu’on ne sait pas, on rencontre des gens qu’on ne connaissait pas, on ouvre le monde, on s’ouvre au monde. Bertha est la fille de Contita, qui a quitté Haïti pour vivre à Montréal. 

Le père de Rodney est un homme de la haute société haïtienne ; Bertha était domestique chez ses parents. On lui a demandé de partir quand elle fut enceinte et c’est ainsi que l’enfant est né à Cavaillon, plus précisément à Chatry. D’un côté la mer, de l’autre la montagne. Dans un autre livre, Passion Haïti, Rodney écrit que les malheurs d’Haïti sont venus de la mer et que la montagne est un refuge.

Mais ce pays est un « pays pourri ». Quand on part, quelque chose meurt. « Partir et mourir, c’est un peu le même verbe ». Au début de l’exil, on est habité par la nostalgie. Mais, l’espoir lui-même s’effondre, elle le dit, Bertha. Et on ne retrouve pas la terre de son enfance.

Bertha est donc partie pour New York, une histoire d’amour. Bertha est amoureuse mais les hommes ne restent pas. Elle a quatre enfants à qui elle a donné son amour. Et, si aucun des hommes de sa vie n’assiste à ses funérailles, les enfants veulent que ce soit une belle fête, que ce soit une fête, une façon « d’effacer les peines et de libérer les énergies ». Et, puisque Bertha chantait, il faut chanter. « Bertha est un hymne à la joie, je vous prie de ne pas faire de funérailles tristes. »

Jij jije ’m byen. « Juge, juge-moi bien. » Chant de revendication, chant d’affirmation de soi. La femme qui, chaque jour après le travail pour un patron, retrouve sa « machine Singer » et coud et fabrique et répare, cette femme sait, comme on dit en Haïti, qu’on a « deux jours à vivre ». Et cette femme dit : « Il faut donner aux enfants le goût sucré de la terre, le poème infini de l’horizon et de l’amour ».


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