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Pâques 1884 — L'impératrice d'Autriche à Heidelberg (2) — Un article du Gaulois

Publié le 20 avril 2022 par Luc-Henri Roger @munichandco

Pâques 1884 — L'impératrice d'Autriche à Heidelberg (2) — Un article du Gaulois

Pierre commémorative installée à Heidelberg sur le Elisabethenweg en 1899.
La pierre, en granit de l'Odenwald, disparut, puis fut retrouvée et réinstallée en 1985.
Elle porte l'inscription : "En souvenir du séjour de l'impératrice Elisabeth d'Autriche
 à Heidelberg dans les années 1884, 1885 et 1890."

Voir l'article précédent sur le sujet (cliquer sur le lien)
L'IMPÉRATRICE ELISABETH À HEIDELBERG[Un article du Gaulois du 14 avril 1884]
(De notre correspondant spécial)
Heidelberg, 11 avril.
    J'ai quitté Vienne, à votre intention, pour aller passer une couple de jours dans la pittoresque cité des bords du Neckar qui sert en ce moment de résidence à S. M. l'Impératrice d'Autriche. La gracieuse souveraine est venue chercher ici le calme et la tranquillité. Elle demande à la douceur exceptionnelle du climat d'Heidelberg, aux senteurs vivifiantes des forêts qui l'entourent, à la grandiose et splendide nature qui déroule autour d'elle de vastes horizons, le complet rétablissement de sa santé qui avait donné, au cours de l'hiver, certaines inquiétudes. Ces bienfaits du climat et de la nature alpestre, elle les avait cherchés précédemment à Wiesbaden ; mais à la longue, elle a trouvé que la population de la cité balnéaire lui témoignait ses sympathies d'une manière trop bruyante et trop empressée. Elle s'est fatiguée de voir sans cesse la foule accumulée sur son passage, et elle est venue chercher ici une résidence plus discrète, plus silencieuse.    Sous ce rapport, l'Hôtel du Château, où elle est descendue, lui offre toutes les garanties désirables. Situé à l'extrémité orientale d'Heidelberg, au dessus du célèbre château qui a joué un si grand rôle au temps de Louis XIV, cet hôtel a le double avantage de dominer la vallée sur laquelle il présente un merveilleux point de vue, et d'être complètement en dehors du bruit et des agitations de la ville. Les journaux de la localité ont d'ailleurs adressé à la population les exhortations, les plus pressantes, en vue d'assurer à Sa Majesté le calme au milieu duquel elle veut vivre, dans une sorte d'incognito.    Ce n'est pas d'aujourd'hui, les lecteurs du Gaulois le savent, que la souveraine de l'Autriche manifeste de telles dispositions à une vie simple et modeste. De tous temps elle a témoigné peu de goût pour les fêtes mondaines où sa grâce et sa beauté incontestées la |font briller cependant d'un si vif éclat. Bonne et charitable au-delà de toute expression, elle a volontiers accepté ce qu'il y a de pénible et parfois même de périlleux dans les devoirs de la royauté ; mais elle en a toujours éloigné d'elle, autant qu'elle l'a pu, les pompes et les grandeurs.    Chaque année, on la voit de plus en plus souvent dans les hôpitaux, au chevet des malades, et de moins en moins dans les bals et les réunions brillantes. Passionnée pour la chasse et Téquitation, elle n'a pas de plus grand bonheur que de se retirer à la campagne, pour se livrer tout à l'aise à ses exercices favoris. C'est pour cela qu'elle préfère la résidence toute simple et presque bourgeoise de Gœdœllœ, en Hongrie, au palais impérial de Vienne. Dans sa capitale, en effet, il lui est difficile de sortir sans être entourée par la population qui professe pour elle un véritable culte, et cherche toutes les occasions de lui témoigner ses respectueux hommages. À Gœdœllœ, au contraire, c'est là vraie campagne, avec sa solitude et ses ombrages. C'est le silence et la retraite. Aussi l'Impératrice a-t elle pour ce séjour champêtre une affection très marquée.    Contrainte, cette année, de chercher, au sortir de l'hiver des climats plus doux, elle a choisi les localités qui peuvent servir de point de départ pour de nombreuses excursions. Elle s'est placée au centre de riantes vallées, où la pureté de l'air rivalise avec le charme du coup d'œil et la splendeur de la nature.    Le lendemain de son arrivée Heidelberg, c'est à-dire dimanche dernier, elle a reçu la visite de sa sœur, la comtesse Mathilde de Trani, qu'elle est allée elle.même, avec l'archiduchesse Marie- Valérie, chercher à la gare du chemin de fer, et qu'elle y a reconduite le soir à sept heures. Mais dès le lundi, elle a gravi à cheval les pentes du Konigstuhl (le siège du roi).    Au sommet, qui s'élève à près de six cents mètres au-dessus du niveau de la mer, elle a longuement contemplé les chaînes de montagnes et les forêts du voisinage, s'orientant ainsi pour ses excursions à venir. Les longues promenades à pied entrent aussi dans ses projets, mais les excursions à cheval seront surtout très nombreuses.    L'Impératrice ne continuera pas ici la cure de lait qu'elle avait commencée à Wiesbaden. Désireuse de ne négliger aucun des exercices qui peuvent donner au corps la force et la souplesse, elle prendra beaucoup de leçons d'escrime. M. Schulze, professeur d'escrime à l'Université d'Heidelberg, a déjà eu l'honneur de croiser le fleuret avec elle dans ses séjours antérieurs en Allemagne. Il aura, ici même, la mission de continuer à lui enseigner tous les secrets de son art.    C'est ainsi que la gracieuse souveraine qui porte la double couronne d'Impératrice-Reine emploie ses journées à Heidelberg. Tout entière aux soins de sa santé, elle consacre tout son temps aux excursions et aux exercices fortifiants, sans rien donner aux plaisirs du monde ni aux fastes de la grandeur.
VIENNUS

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