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Rien n’est joué !

Publié le 22 avril 2022 par Sylvainrakotoarison

" Devant l'enjeu historique, l'abstention n'est en effet pas une option. Quelle que puisse être la déception des uns ou des autres devant le quinquennat passé, on ne peut fuir ses responsabilités citoyennes pour l'avenir que l'extrême droite au pouvoir mettrait en péril. Il faut lui faire barrage activement et non s'en laver les mains. Le duel s'annonce serré. " (Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques-Delors, le 19 avril 2022).
Rien n’est joué !
Je n'ai jamais compris les gens qui, pour faire barrage à un candidat dans un second tour d'une élection présidentielle, s'abstienne ou vote blanc ou nul. Tout le monde peut voter pour n'importe qui du moment que tout le monde respecte la loi, c'est la démocratie, mais vouloir faire barrage en ne votant pas pour le candidat opposé, c'est au mieux un doux rêve ou une illusion d'optique, au pire une hypocrisie cynique. Il ne faut pas se voiler la face, si on ne veut vraiment pas l'élection d'un candidat donné, il vaut voter pour son adversaire. Il n'y a pas à tergiverser.
Cela me fait penser à " Matin brun", une nouvelle de Franck Pavloff (éd. Cheyne, 1998). Il s'agissait d'un nouveau pouvoir qui votait des lois bizarres. Au début, les habitants tentaient de s'y accommoder tout en poursuivant leurs divertissements. Jusqu'au jour où (c'est la fin de la nouvelle) : " On frappe à la porte. Si tôt le matin, ça n'arrive jamais. J'ai peur. Le jour n'est pas levé, il fait encore brun dehors. Mais, arrêtez de taper si fort, j'arrive. ". Bien sûr, Marine Le Pen ne va pas obliger les chats et les chiens à être bruns, mais son programme est pourtant assez clair, à tel point qu'elle tente de l'édulcorer, maintenant qu'il est sous les projecteurs, mais c'est clair qu'elle ne sera pas au pouvoir pour ne rien faire. On dit qu'elle est victime d'être la fille de son père : le fait d'être sa fille n'est le problème ; le problème, c'est qu'elle a repris le parti de son père, avec son corpus idéologique et ses hommes d'appareil, ce n'est pas du tout la même chose !
Le risque est de faire sous-traiter le vote pour Emmanuel Macron par d'autres parce qu'on ne souhaiterait pas soi-même se compromettre devant son miroir, bien qu'on ne veuille absolument pas de Marine Le Pen. À cette sous-traitance, il y a une réelle lâcheté : si au petit matin du lundi 25, vous vous réveilliez avec Marine Le Pen élue, il ne faudrait alors pas venir pleurnicher, ce serait à cause de vous, vous qui n'avez pas voulu vous compromettre avec le supposé méchant Macron en laissant filer Le Pen. Il y aurait alors des barrages électoraux plus efficaces que le vôtre. Certains électeurs américains ont connu cela avec l'élection de Donald Trump. D'autres électeurs britanniques ont connu cela avec le vote sur le Brexit.
Plus calculateur, si un électeur anti-Le Pen qui souhaiterait qu'Emmanuel Macron soit réélu, mais du bout des lèvres, juste avec un petit score, que devrait-il faire ? L'ennui, dans son cas, c'est qu'il ne vote pas pour donner un score, il vote 100% pour un candidat ou 0% pour son concurrent, mais il ne peut pas faire un panachage des deux, par exemple, voter 55% pour l'un et 45% pour l'autre, ainsi, la victoire serait mesurée. C'est typiquement un raisonnement bidon et stupide. Car il n'y a pas de volonté collective des "Français" en tant que tout, que peuple, il n'y a que des millions de volontés individuelles qui sont du tout ou rien, soit l'un soit l'autre (soit encore aucun des deux).
J'ai un exemple en tête très flagrant. En septembre 1992, j'étais un élu dans une grande agglomération de Lorraine et le maire était un député RPR qui avait des responsabilités nationales au sein de son parti et souhaitait sans doute devenir ministre quelques mois plus tard dans la perspective d'une grande victoire en mars 1993 (il n'aura jamais été ministre). Pour le référendum sur le Traité de Maastricht, j'étais bien évidemment favorable et je faisais campagne activement pour le "oui". À ma grande stupeur, j'ai appris que le député-maire avait appelé à voter "non" (le RPR était très divisé). Je suis alors allé le voir pour demander des explications. Il m'a répondu : "Non, Sylvain, tu vois, je suis bien sûr pour Maastricht, mais politiquement, il nous faut un petit "oui", pas un grand "oui", pour éviter de favoriser François Mitterrand". J'ai tenu un bureau de vote et j'ai participé au dépouillement, ma ville était très européenne, mais des villes voisines montraient des résultats très contrastés, et j'ai pu revoir le maire à la fin de la soirée qui n'en menait pas large, en me disant : "oui, on a failli perdre !".
Quand vous êtes pour, il faut voter pour et ne pas croire que les autres le feront à votre place. Qu'on vote contre (à un référendum) ou qu'on vote pour un candidat ou un autre, c'est normal et c'est la démocratie. Qu'on fasse des calculs en présupposant que le résultat est déjà acquis d'avance, c'est certes tout aussi démocratique, mais c'est stupide et surtout casse-cou ! Si on ne veut vraiment pas l'élection d'un ou d'une candidate, alors, il n'y a pas à tergiverser, il faut voter pour le candidat concurrent, c'est la seule chose qui pourra garder votre sérénité si d'aventure le candidat en question est quand même élu.
Aujourd'hui, Emmanuel Macron jouit dans les sondages d'une courte avance. Significative sur le plan des calculs d'intentions de vote, mais pas du tout sur le plan pratique. Il aurait 10 points d'avance (environ) sur la candidate du RN. Le duel du 20 avril 2022 ne semble pas avoir beaucoup modifié ce rapport de forces. 10 points, c'est peu par comparaison à 2017, et très peu en remontant jusqu'à 2002. Cela veut dire qu'un déplacement de 5% des voix pourrait inverser le résultat. On a vu au premier tour à quel point les hésitations des électeurs, jusqu'à l'isoloir, peut bouleverser les sondages, et d'au moins 5% des voix, il suffit de regarder les scores de Valérie Pécresse (passant de 10% à 4,8%, Éric Zemmour passant de 11% à 7%, Jean-Luc Mélenchon passant de 17% à 22%, et même de Marine Le Pen passant de 20% à 23%. Au total, les transferts sont de bien plus que 10 points en deux jours.
Bref, il faut être logique avec soi-même. Mais qu'on ne se méprenne pas sur ce que j'écris. Il ne s'agit absolument pas de culpabiliser ceux qui choisiraient de ne pas choisir. Si vous êtes indifférent au résultat, l'abstention ou le vote blanc semble cohérent. Il s'agit juste de montrer la voie de la responsabilité d'un côté, mais aussi ce que le candidat doit faire pour faire accepter qu'on vote pour lui. Car c'est bien sûr de la responsabilité du candidat Macron de convaincre les électeurs qui ne veulent absolument pas l'élection de sa concurrente de voter pour lui. Comme l'écrivait Jean-Pierre Chevènement dans "Le Monde" du 19 avril 2022 : " Le plus sûr moyen d'arrêter Marine Le Pen, c'est encore de montrer le sens humaniste de notre projet. Car, comme l'a dit Emmanuel Macron, "la France n'est pas n'importe quelle nation". ".
Rien n’est joué !
Le dimanche 24 avril 2022, nous serons donc dans une drôle de situation, avec un camp contre Marine Le Pen et plus généralement, contre l'extrême droite, et un camp contre le Président sortant. C'est la première fois qu'une telle situation a lieu : en 2002, Jacques Chirac, bien que formellement sortant, n'était pas le responsable de la politique de Lionel Jospin des cinq précédentes années, et en 2017, Emmanuel Macron n'était pas du tout le sortant qui s'était déjà sorti par lui-même. Quant à la confrontation avec un sortant politiquement actif, que se fût en 1981 avec Valéry Giscard d'Estaing ou en 2012 avec Nicolas Sarkozy, ils n'étaient pas opposés à un candidat extrémiste et donc, le mot d'ordre : "sortez le sortant !" (ou " tout sauf...") prenait alors toute sa puissance sans contrepoids avec un autre mot d'ordre de type front républicain.
Le front républicain ne fonctionnera pas pour Marine Le Pen en 2022 car il n'a déjà pas fonctionné en 2017. La preuve, c'est la participation entre les deux tours. En 2002, il y a une forte hausse de la participation entre le premier et le second tours pour empêcher l'élection de Jean-Marie Le Pen. En 2017, au contraire, la participation a baissé entre les deux tours, certains électeurs de François Fillon et de Jean-Luc Mélenchon ayant refusé de départager les deux finalistes. En 2022, la situation risque d'être identique, à savoir une plus faible participation au second tour qu'au premier tour, en raison de l'indécision d'un certain nombre d'électeurs principalement de Jean-Luc Mélenchon. La faible audience du débat de second tour en est un signe avant-coureur : 15,6 millions de téléspectateurs, c'est faible. En 2017, ils étaient 16,5 millions ; en 2012, 17,8 millions ; en 2007, 20,5 millions.
De nombreux journalistes semblent considérer que la réélection d'Emmanuel Macron serait acquise dès maintenant. Ils évoquent le lieu où il fera la fête (au Champ de Mars à Paris), ils évoquent le futur gouvernement (supposé dirigé par une femme, laquelle ? capable de mener la majorité présidentielle aux élections législatives de juin 2022), les ministres qui s'en iraient, les nouveaux qui entreraient, etc. C'est aller un peu vite en besogne, aussi vite que Jean-Luc Mélenchon qui demande le 19 avril 2022 sur BFM-TV de se faire élire Premier Ministre aux législatives, ignorant qu'entre-temps, il y a d'abord second tour qui structurera toute la vie politique des cinq prochaines années.
Le bilan du Président sortant est très encourageant, y compris socialement. Par exemple, de nombreux enfants en situation de handicap ont pu être scolarisés (100 000 de plus qu'en 2017) grâce à la titularisation et au renforcement de statut des accompagnants. Ou encore ces plus d'un million de jeunes qui ont pu accéder à la culture et à l'art grâce au Pass Culture.
En outre, Emmanuel Macron n'a pas voulu suivre la mode des mesures démagogiques que la candidate d'extrême droite propose, comme l'interdiction du port du voile. Il a rappelé au débat de l'entre-deux-tours la philosophie générale de nos valeurs, à savoir que si le port du voile était interdit par la loi de 2005, c'était uniquement dans des administrations publiques recevant du public et aussi dans les écoles où les consciences se forment. Ailleurs, tout le monde est libre de porter les vêtements qu'il veut. Sinon, au nom de quoi l'interdire ? Sûrement pas de l'islamisme radical qui ne se confond pas avec le port du voile. D'ailleurs, la maman d'une victime du terrorisme islamiste porte elle-même le voile, c'était la réponse d'Emmanuel Macron à cette mesure stupide, à la fin du débat télévisé.
Ces quelques exemples montrent qu'Emmanuel Macron est bien plus près des préoccupations des Français et du respect de la fragile cohésion sociale que la candidate de l'extrême droite qui se présente une troisième fois toujours avec ses gros sabots. Et forcément, les électeurs voteront en conséquence. Mais rien n'est figé, des mouvements de voix peuvent avoir lieu juste avant le vote, comme cela était le cas au premier tour. Les sueurs froides resteront de rigueur jusqu'à la fermeture des bureaux de vote dimanche soir. Électeurs, allez voter !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Rien n'est joué !
Duel Emmanuel Macron vs Marine Le Pen du second tour du 20 avril 2022.
Emmanuel Macron, le candidat de la puissance française et européenne.
Avec Marine Le Pen, l'État de droit en peine.
La révolution verte du candidat Emmanuel Macron.
Discours d'Emmanuel Macron au Pharo à Marseille le 16 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d'Emmanuel Macron à la Porte de Versailles de Paris La Défense le soir du 10 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Discours d'Emmanuel Macron à Arena de Paris La Défense le 2 avril 2022 (vidéo et texte intégral).
Marine Le Pen : ne nous trompons pas de colère !
Tout sauf Macron : pourquoi tant de haine ?
Élysée 2022 (45) : le naufrage du parti Les Républicains.
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Résultats du premier tour de l'élection présidentielle du 10 avril 2022 (Ministère de l'Intérieur).
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d'honneur !
Emmanuel Macron et son rapport à l'imprévisible.
13 raisons de voter pour Emmanuel Macron : pouvoir d'achat, santé, école, écologie...
Projet du candidat Emmanuel Macron pour 2022 (à télécharger).
Élysée 2022 (42) : Emmanuel Macron en danger !
Élysée 2022 (41) : Emmanuel Macron descend dans l'arène.
Élysée 2022 (37) : Emmanuel Macron n'est pas (encore) réélu !
Élysée 2022 (36) : pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
Élysée 2022 (35) : le projet présidentiel du candidat Emmanuel Macron.
Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Élysée 2022 (32) : Emmanuel Macron candidat !
Élysée 2022 (29) : Emmanuel Macron sera-t-il candidat un jour ?
Enfin, une vision européenne !
Rien n’est joué !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220421-macron.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/19/39441588.html


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