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perdrix

Publié le 14 mai 2022 par Modotcom

perdrixphoto : philippe richelet

je me souviens d'avoir pleuré de joie
après avoir lu
le temps des récoltes
en juin vingt vingt-et-un
j'ai tout de suite écrit
à élisabeth cardin
que je ne connaissais pas alors
en lui disant mon émotion

je ne me souviens pas du contenu exact de son essai
mais j'ai eu une vague impression alors
que ce qu'elle disait
était pour moi une voie à suivre

elle y parlait d'alimentation
et de territoire
et aussi de savoirs ancestraux
qu'on avait tout intérêt à préserver

ça adonnait bien
notre deuxième été de pandémie
allait débuter
et on venait de s'acheter une parcelle de terre
avec habitation à la campagne
c'était tout désigné
pour que je renoue simplement
avec le temps qui passe
à marcher dehors et dans le bois
à regarder 
à apprendre à tisser
à faire un herbier
à découvrir les plantes autour de moi
à cueillir les plantes médicinales
à laisser pousser la flore

elisabeth m'avait inspirée
ce discours donnait tout d'un coup
un sens à ma vie
quelque chose de concret à faire
pour passer du rôle de consommatrice
à celle d'agente de changement

pour participer

évidemment je n'ai rien fait de tout cela
ou si peu

j'ai acheté et lu
pleins de trucs qu'elle référait
pierre perrault pour commencer
puis dominic lamontagne
puis un manuel du tout faire soi-même
du reader's digest
que je recommande à tous d'ailleurs
j'ai acheté et consulté un beau recueil de motifs de tissage
j'ai recommencé à tricoter
j'ai marché plusieurs fois dans la forêt
j'ai découvert quelques plantes sur le terrain
j'ai vu les bernaches
les dindons sauvages
les canards
les pics-bois
les corneilles
les oiseaux dont je ne connais pas le nom
les hirondelles
le lièvre
les écureuils
et les arbres mangés par les castors
j'ai appris à différencier
les cèdres des sapins et des pins
je me suis baignée dans le lac
j'ai marché sur la glace du lac
j'ai vu les champignons pousser
sous les feuilles mortes
entre les deux grands pins
j'ai ramassé des cocottes
j'ai fabriqué des cosmétiques
et des produits ménagers écologiques
j'ai récupéré des meubles de seconde main
j'ai acheté d'autres meubles usagés
j'ai cuisiné
et j'ai lu l'érable et la perdrix
ce qui m'a donné grand faim

et puis un an plus tard
bam

élisabeth revient
toujours cohérente avec son désir
de changer le monde
une bouchée à la fois
avec son inspirant balado
et le manifeste qu'elle a écrit et signé
pour le réseau des fermiers de famille

et justement
l'homme-chat démarre un potager cet été
je ne voulais pas de cette pression
car on est en campagne qu'à temps partiel
je ne prévois que des déceptions
j'ai peur de voir tout sécher par manque d'arrosage
dépecé ou dérobé par les corneilles
pendant nos séjours en ville
et mon époux me répond qu'on ne s'inquiète pas
on fait cela pour s'amuser
et on verra

il est clairement plus relax que moi
par rapport à ces choses-là
je ne suis pas du tout sereine

en une seule petite année
malgré le contact accru avec les arbres et le ciel
j'ai repris le rythme endiablé
de la pré-pandémie
le rythme où tout doit être parfait
où la réussite est un objectif à atteindre

je sais qu'élisabeth ne m'en voudra pas
d'y aller un pas à la fois
puisque chaque petit geste compte
comme elle le dit si bien

cette jeune femme de trente-huit ans
contient en elle la sagesse du monde
en explorant l'univers pour y trouver sa place
son savoir se révèle
sous différentes formes
et elle nous le livre en poésie
en réalisme pragmatique
en idéalisme possible
et avec une fraîcheur printannière
elle m'apprend la résilience
en toute bienveillance

c'est une belle source de bonheur
notre fougueuse perdrix.

écoutez-la
attentivement

lisez-la
ici
ici
et encore ici.


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