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La Fausse Veuve

Publié le 10 août 2008 par Lael69

Florence Ben SadounEditions DenoëlRoman Français
4ème de couverture:
Aujourd'hui je suis plus vieille que toi alors que j'avais neuf ans de moins que vous...» Ainsi commence La Fausse Veuve. Tutoyant et vouvoyant dans la même phrase son amant disparu, l'héroïne lui raconte, et nous raconte, dix ans après, l'histoire qui leur a été volée. Ce que furent leur amour, leurs moments de bonheur, et aussi le désespoir, leurs muets tête-à-tête à l'hôpital quand, victime d'un grave accident cérébral, il s'écroule, et se réveille paralysé et privé de parole. Face au drame du «locked-in syndrome», face à la destinée légendaire d'un personnage que les médias se sont approprié, une femme n'oublie pas qu'il était un homme...
Parution en Août 2008
Je ressors de cette lecture avec un étrange sentiment: ai-je aimé ou pas? Je m'interroge. Peu habituée à ce genre d'écriture, à la fois très marquée tout en étant distante. L'auteur raconte son histoire d'amour avec un homme marié, qui finit par quitter sa femme pour notre narratrice. Quelques mois après leur vie commune, il est victime d'un accident cérébral. Le roman nous livre son expérience, son vécu, face à cet homme qu'elle ne reconnaît finalement plus. Entre souvenirs d'enfance et remémoration des derniers instants, la narratrice évoque tous les sentiments que l'on peut éprouver face à cette épreuve: colère, frustration, tristesse, deuil. Ce deuil auquel elle n'a pas droit, elle, la maîtresse intrusive, que l'on traite comme une donnée transparente. Parce qu'elle a le mauvais statut; les médecins, la famille refusent de voir l'ampleur de sa douleur. Face à ce rejet des autres, il y a les ressentis, des sensations étonnamment concrètes et humaines d'une femme qui, dans l'ombre, essaye de se rappeler ce qu'étaient les moments de bonheur avec son homme. Celui qui pouvait la toucher, l'aimer. Démunie, impuissante, elle s'interroge face à ce corps qui lui est devenu étranger. Et le poids de cet amour jugé comme inexistant, illégitime. Et pourtant la Fausse Veuve aime, souffre et pleure. Alors l'ingratitude qu'offre la place de la maîtresse donne-t-elle le droit de répudier le chagrin?
Et je m'interroge! Car classé dans la catégorie roman, j'a tout de même le sentiment d'avoir lu une autobiographie, un récit de vie ou plutôt une histoire vécue. D'où ma confusion. (Je n'aime pas les histoires vécues!) et pourtant ce livre m'a plu. La lecture en est agréable, fluide et par certains côtés c'est une écriture qui ne s'entiche pas de tabous, évocatrice des désirs corporels et olfactifs. Le jeu de narration est bien construit. Quel talent! Au début on se perd un peu entre le "tu" et le "vous" puis tout devient symbolique. Ce tu qui représente la proximité, de la femme qui parle à son homme, à son amant, le TU de la vie. Face à ce "vous" impersonnel, froid, distant, de la femme qui n'a pas sa place, de la Fausse Veuve, de la mort lointaine et pourtant si présente. C'est ce que j'ai compris de cette narration originale, qui donne un dynamisme et une profonde sensibilité à ce roman.
Mon passage préféré:
"Cela fait dix ans, et je me suis déclarée au chômage de mon travail de deuil. Un mot que je déteste, comme si on devait vivre l'après-mort de ceux qu'on aime dans les normes sacralisées du code du travail. Ce sont les autres qui décident quand le contrat à durée déterminée commence et surtout quand il finit. Si c'était contractuel, je serais en fin de droits depuis longtemps. Radiée. Heureusement, j'ai un autre boulot: je suis engagée dans le bonheur et cela me donne une nouvelle lucidité sur nous."

Florence Ben Sadoun est directrice de la rédaction de Première, journaliste à Elle et chroniqueuse cinéma à France Culture.
Les avis de Lily, Liliba, Aelys, Mimienco
Je remercie les Editions Denoël et Chez les filles de m'avoir offert ce livre...

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