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Le puits des Pénitents : premières pages

Par Jean-Jacques Nuel

PUITS-PENITENTS 1ere.jpg

Après "Avril à Cluny" paru l'an dernier, la nouvelle enquête du détective privé Brice Noval, "Le puits des Pénitents", se déroule aussi à Cluny et environs.

Alice Plassard, âgée de 17 ans, a disparu depuis une semaine.
La mère de la jeune fille demande au détective privé Brice Noval de mener des recherches, parallèlement à l’enquête officielle de la gendarmerie.
Alice a-t-elle fait une simple fugue ? A-t-elle été victime d’une mauvaise rencontre ? Son beau-père, son amant Cyril ou sa meilleure amie Amélie sont-ils impliqués dans sa disparition ? Aurait-elle rejoint une secte ?
L’enquête de Brice Noval, menée tambour battant dans les divers quartiers de Cluny, s’oriente bientôt vers le puits des Pénitents, sur lequel s’échangent de mystérieux messages…

Vous pourrez lire ci-dessous les premières pages du premier chapitre.

*

Deux mois. Deux mois que je n'avais revu Alexandre Schweitzer. Ses hautes fonctions de commissaire divisionnaire, directeur de cabinet du préfet délégué à la sécurité, l'accaparaient à Lyon, et il n'était pas revenu dans sa maison de campagne du Gros-Chigy. Nos discussions animées autour d'une bière ou d'un café me manquaient. Mais au début de la semaine, il m'avait avisé par SMS qu'il viendrait en Saône-et-Loire pour quelques jours, comptant arriver le premier mai.

Le samedi 2 mai me semblait donc une date toute indiquée pour lui rendre visite. En milieu de matinée, sous un ciel bleu sans le moindre nuage, j'avais pris la route pour gagner le village de Saint-André-le-Désert, puis le hameau du Gros-Chigy, heureux à la perspective de retrouver ce cher commissaire. Un plaisir par anticipation, bientôt contrarié en découvrant sa maison fermée. Contrairement à ce qu'il m'avait annoncé, Alexandre n'était pas là. Alors que la maison mitoyenne avait ses fenêtres largement ouvertes sur la douce tiédeur du printemps, celle de Schweitzer avait tous ses volets clos.

Je garai ma Clio devant l'imposante bâtisse, traversai la petite cour et montai les cinq marches de pierre menant à la porte d'entrée. Qui sait ? Pas question de repartir sans vérifier, mon ami était peut-être endormi, profitant de son premier jour de congé pour faire la grasse matinée. J'appuyai sur la sonnette, puis frappai sur le bois de la porte.

Pas de réponse. Je renouvelai l'opération, sans plus de succès. Machinalement, je me penchai pour regarder par le trou de la serrure.

- Vous faites quoi ?

Je ne l'avais pas vu venir, celle-là. D'ailleurs je lui tournais le dos. Le ton de la voix rauque n'avait rien d'accueillant. Me retournant, je découvris une femme d'une cinquantaine d'années, un tablier de cuisine noué autour de son gros ventre. Elle n'était pas très grande, mais imposante, aussi large que haute. Ses bras gras et puissants, débordant d'un T-shirt grisé, pendaient de chaque côté du corps, les poings à demi-fermés comme prêts à dégainer. Sa tête carrée aux cheveux courts, ses traits grossiers, et ces poils de moustache bruns clairsemés qui retombaient sur sa lèvre supérieure lui donnaient un air hommasse.

Elle se campait au bas de l'escalier, au milieu de la première marche, m'interdisant toute fuite. J'étais fait comme un rat, coincé en haut des marches, entre les deux rampes de fer forgé, la porte close et la massive matrone. Je n'avais d'autre choix que de répondre à sa question.

- Bonjour, madame, je venais rendre visite à monsieur Schweitzer.

- Vous êtes qui ?

L'interrogatoire était lancé, et promettait d'être impitoyable : elle ne m'avait pas rendu la politesse.

- Je suis Brice Noval. Un ami d'Alexandre.

- Il ne m'a jamais parlé de vous, dit-elle d'un ton suspicieux, voire agressif. Ses yeux ne quittaient pas les miens, et redoublaient d'intensité comme si elle me mettait en joue. Un vrai dragon femelle ! La confiance ne régnait pas au Gros-Chigy !

- C'est normal, me défendis-je. Je l'ai surtout connu à Lyon, et je ne suis pas venu souvent ici.

Puis je me repris, prenant conscience de l'absurdité de la situation. Je n'allais pas me sentir coupable parce que je rendais visite à un ami ! Je n'avais rien d'un criminel. J'étais Brice Noval, l'enquêteur chevronné. Quasiment un représentant des forces de l'ordre, si l'on peut assimiler un détective privé à la police ! Je descendis trois marches jusqu'à me retrouver nez à nez avec le garde-chiourme. Enfin LA garde-chiourme, pour féminiser les noms de professions.

- Tant pis. Je reviendrai. Au revoir, madame.

Je n'eus pas à la bousculer pour passer. Elle me tourna le dos sans répondre et regagna ses pénates, à savoir la maison mitoyenne.

La matinée commençait mal. Près de vingt kilomètres pour rien, le double en comptant le retour. Et cette chienne de garde, qui avait bien failli me mordre. Mécontent de moi-même et du reste, je m'installai au volant de ma Clio, mis le contact. Et au moment d'actionner mon clignotant, je vis apparaître dans le rétroviseur un gros SUV noir qui se gara derrière moi. Je reconnus le véhicule de Schweitzer.

Nous sortîmes simultanément de nos voitures, moi de ma vieille guimbarde, lui de son GLB Mercedes. Je retrouvai ce bon Schweitzer à la forte carrure, sa poignée de main généreuse, ses yeux vifs et noirs pétillant de malice, et son large sourire dans sa face de lune (enfin, de pleine lune, est-il besoin de le préciser ?)

- Bonjour, Brice. Excusez-moi de vous avoir fait faux bond. Je pensais venir hier, mais j'ai été retenu à Lyon. Le nouveau préfet délégué ne peut pas se passer de moi ! Vous êtes là depuis longtemps ?

- Je viens d'arriver.

En peu de mots, je lui fis part de mes émotions du matin. Du contrôle policier sauvage que je venais de subir.

- Vous êtes bien gardé, avec cette voisine ! Un vrai cerbère !

- Ah ! Simone ! Elle a un aspect un peu bourru, concéda Schweitzer, mais c'est une personne de confiance. Comme elle habite la maison à côté depuis une dizaine d'années, je lui ai laissé un double des clés, pour qu'elle puisse intervenir en cas de besoin. C'est l'idéal de pouvoir compter sur ses voisins. De plus, tous les gens du village sont à cran, en ce moment. Il y a eu plusieurs cambriolages dans le bourg de Saint-André, et même ici, au Gros-Chigy.

- Je vois que Lyon n'a pas le monopole de l'insécurité !

- C'est hélas vrai. Les voleurs sont partout, aucun coin n'est épargné. La commune soutient le dispositif VOISINS VIGILANTS. Et Simone - Simone Genin – en fait partie et prend son rôle très au sérieux. Qui plus est, compléta-t-il, elle est lyonnaise d'origine. Ça crée des liens !

- Eh oui, le gang des Lyonnais, commentai-je, faisant allusion à une bande criminelle célèbre.

Je pensai soudain que ma présence pouvait être gênante pour Alexandre, qui arrivait à peine et n'avait pas encore ouvert sa maison. Je ne voulais pas paraître importun.

- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, le moment est mal choisi. Je vous laisse vous installer, et je repasserai cet après-midi si vous êtes libre.

Schweitzer me posa la main sur l'épaule.

- Vous ne me dérangez pas du tout. Vous n'allez pas repartir comme ça. Laissez-moi seulement le temps d'ouvrir la baraque, de décharger mes affaires... Vous n'avez qu'à vous installer dans le salon. Je ferai le café tout à l'heure.

Et il m'entraîna dans la maison, dont il commença à aérer les pièces qui sentaient le renfermé après sa longue absence. Je m'assis dans un grand fauteuil du salon, face à la vieille cheminée. Le portrait d'une femme jeune trônait sur le manteau, au dessus du foyer. Un beau visage aux lignes pures, des yeux clairs, des cheveux longs d'un blond vénitien. Certainement celui de son épouse morte, un drame qu'il n'évoquait jamais et dont j'avais eu connaissance par une de ses secrétaires à la préfecture.

- Tenez, pour patienter, voici le journal que j'ai pris à Cluny.

Et il me tendit le Journal de Saône-et-Loire, que l'on appelle en raccourci le JSL.

C'était l'édition de Mâcon, datée du jour. Je passai vite les infos nationales et internationales, que je connaissais déjà pour les avoir lues sur internet, et consultai les pages locales du Clunisois.

Un grand article illustré d'une photo attira mon attention.

CLUNY : disparition inquiétante d'une jeune fille de 17 ans.

L'adolescente a quitté le domicile familial depuis une semaine et n'a plus donné de nouvelles depuis. Les gendarmes ont décidé de lancer un appel à témoin.

Sous ce chapeau en caractères gras, figurait la suite de l'article.

(...)

Présentation de l'ouvrage sur le site de l'éditeur

PUITS-PENITENTS 1ere.jpg

Après "Avril à Cluny" paru l'an dernier, la nouvelle enquête du détective privé Brice Noval, "Le puits des Pénitents", se déroule aussi à Cluny et environs.

Alice Plassard, âgée de 17 ans, a disparu depuis une semaine.
La mère de la jeune fille demande au détective privé Brice Noval de mener des recherches, parallèlement à l’enquête officielle de la gendarmerie.
Alice a-t-elle fait une simple fugue ? A-t-elle été victime d’une mauvaise rencontre ? Son beau-père, son amant Cyril ou sa meilleure amie Amélie sont-ils impliqués dans sa disparition ? Aurait-elle rejoint une secte ?
L’enquête de Brice Noval, menée tambour battant dans les divers quartiers de Cluny, s’oriente bientôt vers le puits des Pénitents, sur lequel s’échangent de mystérieux messages…

Vous pourrez lire ci-dessous les premières pages du premier chapitre.

*

Deux mois. Deux mois que je n'avais revu Alexandre Schweitzer. Ses hautes fonctions de commissaire divisionnaire, directeur de cabinet du préfet délégué à la sécurité, l'accaparaient à Lyon, et il n'était pas revenu dans sa maison de campagne du Gros-Chigy. Nos discussions animées autour d'une bière ou d'un café me manquaient. Mais au début de la semaine, il m'avait avisé par SMS qu'il viendrait en Saône-et-Loire pour quelques jours, comptant arriver le premier mai.

Le samedi 2 mai me semblait donc une date toute indiquée pour lui rendre visite. En milieu de matinée, sous un ciel bleu sans le moindre nuage, j'avais pris la route pour gagner le village de Saint-André-le-Désert, puis le hameau du Gros-Chigy, heureux à la perspective de retrouver ce cher commissaire. Un plaisir par anticipation, bientôt contrarié en découvrant sa maison fermée. Contrairement à ce qu'il m'avait annoncé, Alexandre n'était pas là. Alors que la maison mitoyenne avait ses fenêtres largement ouvertes sur la douce tiédeur du printemps, celle de Schweitzer avait tous ses volets clos.

Je garai ma Clio devant l'imposante bâtisse, traversai la petite cour et montai les cinq marches de pierre menant à la porte d'entrée. Qui sait ? Pas question de repartir sans vérifier, mon ami était peut-être endormi, profitant de son premier jour de congé pour faire la grasse matinée. J'appuyai sur la sonnette, puis frappai sur le bois de la porte.

Pas de réponse. Je renouvelai l'opération, sans plus de succès. Machinalement, je me penchai pour regarder par le trou de la serrure.

- Vous faites quoi ?

Je ne l'avais pas vu venir, celle-là. D'ailleurs je lui tournais le dos. Le ton de la voix rauque n'avait rien d'accueillant. Me retournant, je découvris une femme d'une cinquantaine d'années, un tablier de cuisine noué autour de son gros ventre. Elle n'était pas très grande, mais imposante, aussi large que haute. Ses bras gras et puissants, débordant d'un T-shirt grisé, pendaient de chaque côté du corps, les poings à demi-fermés comme prêts à dégainer. Sa tête carrée aux cheveux courts, ses traits grossiers, et ces poils de moustache bruns clairsemés qui retombaient sur sa lèvre supérieure lui donnaient un air hommasse.

Elle se campait au bas de l'escalier, au milieu de la première marche, m'interdisant toute fuite. J'étais fait comme un rat, coincé en haut des marches, entre les deux rampes de fer forgé, la porte close et la massive matrone. Je n'avais d'autre choix que de répondre à sa question.

- Bonjour, madame, je venais rendre visite à monsieur Schweitzer.

- Vous êtes qui ?

L'interrogatoire était lancé, et promettait d'être impitoyable : elle ne m'avait pas rendu la politesse.

- Je suis Brice Noval. Un ami d'Alexandre.

- Il ne m'a jamais parlé de vous, dit-elle d'un ton suspicieux, voire agressif. Ses yeux ne quittaient pas les miens, et redoublaient d'intensité comme si elle me mettait en joue. Un vrai dragon femelle ! La confiance ne régnait pas au Gros-Chigy !

- C'est normal, me défendis-je. Je l'ai surtout connu à Lyon, et je ne suis pas venu souvent ici.

Puis je me repris, prenant conscience de l'absurdité de la situation. Je n'allais pas me sentir coupable parce que je rendais visite à un ami ! Je n'avais rien d'un criminel. J'étais Brice Noval, l'enquêteur chevronné. Quasiment un représentant des forces de l'ordre, si l'on peut assimiler un détective privé à la police ! Je descendis trois marches jusqu'à me retrouver nez à nez avec le garde-chiourme. Enfin LA garde-chiourme, pour féminiser les noms de professions.

- Tant pis. Je reviendrai. Au revoir, madame.

Je n'eus pas à la bousculer pour passer. Elle me tourna le dos sans répondre et regagna ses pénates, à savoir la maison mitoyenne.

La matinée commençait mal. Près de vingt kilomètres pour rien, le double en comptant le retour. Et cette chienne de garde, qui avait bien failli me mordre. Mécontent de moi-même et du reste, je m'installai au volant de ma Clio, mis le contact. Et au moment d'actionner mon clignotant, je vis apparaître dans le rétroviseur un gros SUV noir qui se gara derrière moi. Je reconnus le véhicule de Schweitzer.

Nous sortîmes simultanément de nos voitures, moi de ma vieille guimbarde, lui de son GLB Mercedes. Je retrouvai ce bon Schweitzer à la forte carrure, sa poignée de main généreuse, ses yeux vifs et noirs pétillant de malice, et son large sourire dans sa face de lune (enfin, de pleine lune, est-il besoin de le préciser ?)

- Bonjour, Brice. Excusez-moi de vous avoir fait faux bond. Je pensais venir hier, mais j'ai été retenu à Lyon. Le nouveau préfet délégué ne peut pas se passer de moi ! Vous êtes là depuis longtemps ?

- Je viens d'arriver.

En peu de mots, je lui fis part de mes émotions du matin. Du contrôle policier sauvage que je venais de subir.

- Vous êtes bien gardé, avec cette voisine ! Un vrai cerbère !

- Ah ! Simone ! Elle a un aspect un peu bourru, concéda Schweitzer, mais c'est une personne de confiance. Comme elle habite la maison à côté depuis une dizaine d'années, je lui ai laissé un double des clés, pour qu'elle puisse intervenir en cas de besoin. C'est l'idéal de pouvoir compter sur ses voisins. De plus, tous les gens du village sont à cran, en ce moment. Il y a eu plusieurs cambriolages dans le bourg de Saint-André, et même ici, au Gros-Chigy.

- Je vois que Lyon n'a pas le monopole de l'insécurité !

- C'est hélas vrai. Les voleurs sont partout, aucun coin n'est épargné. La commune soutient le dispositif VOISINS VIGILANTS. Et Simone - Simone Genin – en fait partie et prend son rôle très au sérieux. Qui plus est, compléta-t-il, elle est lyonnaise d'origine. Ça crée des liens !

- Eh oui, le gang des Lyonnais, commentai-je, faisant allusion à une bande criminelle célèbre.

Je pensai soudain que ma présence pouvait être gênante pour Alexandre, qui arrivait à peine et n'avait pas encore ouvert sa maison. Je ne voulais pas paraître importun.

- Je ne vais pas vous déranger plus longtemps, le moment est mal choisi. Je vous laisse vous installer, et je repasserai cet après-midi si vous êtes libre.

Schweitzer me posa la main sur l'épaule.

- Vous ne me dérangez pas du tout. Vous n'allez pas repartir comme ça. Laissez-moi seulement le temps d'ouvrir la baraque, de décharger mes affaires... Vous n'avez qu'à vous installer dans le salon. Je ferai le café tout à l'heure.

Et il m'entraîna dans la maison, dont il commença à aérer les pièces qui sentaient le renfermé après sa longue absence. Je m'assis dans un grand fauteuil du salon, face à la vieille cheminée. Le portrait d'une femme jeune trônait sur le manteau, au dessus du foyer. Un beau visage aux lignes pures, des yeux clairs, des cheveux longs d'un blond vénitien. Certainement celui de son épouse morte, un drame qu'il n'évoquait jamais et dont j'avais eu connaissance par une de ses secrétaires à la préfecture.

- Tenez, pour patienter, voici le journal que j'ai pris à Cluny.

Et il me tendit le Journal de Saône-et-Loire, que l'on appelle en raccourci le JSL.

C'était l'édition de Mâcon, datée du jour. Je passai vite les infos nationales et internationales, que je connaissais déjà pour les avoir lues sur internet, et consultai les pages locales du Clunisois.

Un grand article illustré d'une photo attira mon attention.

CLUNY : disparition inquiétante d'une jeune fille de 17 ans.

L'adolescente a quitté le domicile familial depuis une semaine et n'a plus donné de nouvelles depuis. Les gendarmes ont décidé de lancer un appel à témoin.

Sous ce chapeau en caractères gras, figurait la suite de l'article.

(...)

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