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Nouvelle Peugeot 408 :Rencontre avec Pierre-Paul Mattéi, responsable du style

Par Vincent Espritdesign @espritdesign

Le 22 juin 2022, jour de lancement de la nouvelle Peugeot 408, on est allé rencontré Pierre-Paul Mattéi, Responsable style de la marque au lion. Récit autour de cette berline d’un nouveau genre.

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 » Pierre-Paul Mattéi, tu es Responsable style chez Peugeot. Peux-tu nous en dire plus sur ton rôle au sein des équipes ? Ça représente des équipes de combien de personnes ?

Les Responsables style chez Peugeot se partagent les projets et sont directement liés au patron du style. On est deux à se partager les projets. Notre mission c’est de mettre en musique la création de la voiture dans le contexte du projet global. Elle se fait par le biais des échanges que l’on a avec la marque/le marketing sur la vision positionnement, les équipes d’architecture pour répondre à la fois aux impératifs de style et aux impératifs de la marque et les équipes d’industriels (le montage de la voiture amène des contraintes formelles, aérodynamiques). 

Au style, il y a plusieurs équipes, plusieurs corps de métiers. On isole souvent le responsable du style de la voiture (le design manager), ensuite le design qui a remporté la compétition, et le patron du style. Derrière ces figures un peu emblématiques, il y a une soixantaine de personnes qui travaillent au style. Il y a des modeleurs physiques, des modeleurs CAO, des designers graphiques, des personnes qui sont spécialisées dans les lighting (projecteurs, feux, DRL, parce que c’est très technique, donc c’est des profils très particuliers), les calandres et les jantes (pièces très techniques également), des équipes de style intérieur. Mais globalement, c’est difficile à quantifier parce qu’il y a des personnes qui interviennent pendant un mois, et d’autres durant plusieurs mois…

En mode projet, quelles sont les différentes phases par lesquelles passent les équipes ? 

Il y a d’abord ce que l’on appelle le style avancé, phase durant laquelle on défini le concept, l’objet, ses proportions. Ensuite, vient la phase purement créa (c’est ce qu’on appelle le concours de style, c’est là qu’on lance toute l’armada créative, qu’on briefe les équipes créatives en leur disant la voiture ça va être en matière de morphologie (taille de la voiture,  où vont être les roues, le pare-brise, quel est l’empattement), clientèle, concurrence, expressivité, signature.) Là c’est le déluge créatif. Au début on identifie plusieurs thèmes intéressants (= propositions des designers), puis on élimine pas à pas les moins pertinents, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus que deux, puis une seule. 

Quand on abandonne un thème, on abandonne pas forcément tout. On ne va évidemment jamais découper une voiture en deux en prenant un thème pour l’avant et un thème pour l’arrière. Il faut qu’il y ait une cohérence, qu’il n’y ait qu’un seul designer leader, qui n’est autre que celui qui a gagné le concours. Quand il y a des zones très compliquées qui nécessitent pas mal de réflexion pour trouver une solution, peut-être que ce n’est pas le designer leader qui va trouver la solution, mais qu’elle va venir d’un autre thème. Si la voiture est comme ça à la fin, c’est justement parce qu’il y a une compétition ; parce que si le designer leader avait été seul, il ne serait certainement pas allé aussi loin. A un moment donné il y en a un qui prend le lead, puis finalement l’autre, et il y a une vraie émulation. C’est vraiment fait en bonne intelligence parce que c’est de la compétition interne, ils travaillent les uns à côté des autres, ils s’alimentent les uns et les autres, parce qu’il y a des juniors, des seniors, il y a des experts. Et donc tout le monde s’entraide, ce n’est pas un concours malsain ; c’est-à-dire qu’à l’arrivée, c’est le style Peugeot qui présente la voiture.

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La 408, c’est un projet résolument différent de celui de la 308 ?

Ce sont deux approches totalement différentes. L’exercice est différent car dans le cas de la 308 on remplaçait une voiture existante dans un marché très précis, avec un champ concurrentiel très précis. En fait, on voulait l’emmener en haut de ce jardin clos. On voulait l’emmener en haut en lui donnant un feeling plus haut de gamme pour que la voiture sorte de la filière mainstream. Ça a commencé par la morphologie ; on a fait tout ce travail, de reculer le pare-brise, abaisser la cabine, mettre un soft nose, abaisser la cabine, resserrer à l’arrière pour donner des hanches. Tout ce travail-là car on connaissait le périmètre, on connaissait le champ concurrentiel, et on savait où la mettre morphologiquement. Et une fois qu’on a défini ça, on a lancé le concours de style pour trouver le thème de style. 

En ce qui concerne la 408 c’était complètement différent parce qu’une voiture en face de celle-là, il n’y en a pas ! Depuis très longtemps, on a identifié une espèce de vide entre la berline (qu’elle soit bi-corps ou tri-corps) et les SUV. Les SUV sont actuellement plus porteurs d’originalité, d’expressivité, de modernité et qui permettent aux gens de s’assumer davantage, avec un objet qui se remarque un peu plus ; à l’inverse les berlines ont du mal à véhiculer ces valeurs -notamment du fait de leur morphologie classique- et à convaincre à nouveau ceux qui aimeraient avoir moins de hauteur que sur un SUV et qui du coup, ne font pas le pas. 

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Et pour l’intérieur, laquelle a donné l’impulsion ? 

Lorsque l’on a lancé le concours de style de la 308, on savait qu’il y avait la 308, la 308 SW et la 408, on savait que cette dernière allait être typée disruptif ; et du coup, quand on a demandé aux équipes créatives de dessiner la planche de bord, on les a briefé avec la 408. 

Quand est-ce que ces deux projets ont émergé ? 

Le premier manifeste que l’on a créé qui expliquait dans quelle direction on voulait aller, c’était en 2015, donc il y a 7 ans. L’objectif c’était de créer un objet qui fédère notre vision, à la marque et au style. De là est issue la réflexion sur ce que pourrait être cette berline qui complète notre gamme, qui est pertinente sur le marché international, et qui amène quelque chose ? On fois qu’on était convaincu que c’était ça, c’est-à-dire une voiture un peu atypique, qui avait d’autres proportions, il y a tout un travail au niveau du groupe pour intégrer cette voiture dans un programme, définir techniquement ce que ça veut dire en termes de prestation, techniquement comment on la construit, à quoi ressemble sa morphologie, est-ce que ça tient toujours la route par rapport à l’intention initiale, puis ensuite commencer le travail. Et ça c’est à peu près 2018. 

Qu’est-ce que tu réponds à ceux qui parlent déjà de la 408 comme d’un SUV coupé ?

On ne voulait pas faire un SUV coupé, parce qu’un SUV coupé quel qu’il soit, il est génétiquement un SUV. C’est une voiture plus haute, avec une position de conduite plus haute, plus droite, et qui du coup amène tout de suite une hauteur de voiture importante. N’importe quel SUV coupé, c’est minimum dix centimètres de plus que la 408. Dès qu’on va voir ça dans la circulation, on va tout de suite voir que c’est pas un SUV coupé. 4,69m assez long pour le segment C. Il ne faut pas oublier qu’elle a une vocation mondiale. Elle amène beaucoup de prestations dans le segment C, ça manquait. D’où le grand empattement, pour avoir beaucoup de place à l’arrière. Si on peut voyager à cinq, sans emmener de bagages, c’est pas cohérent : donc on met du coffre, qui génère lui-même du porte-à-faux. Mis tout bout à bout, on arrive à 4,69. Ce n’est pas qu’on a voulu la faire longue, c’est qu’en matière de prestations internationales, et même en Europe, il y avait une volonté très très précise. C’est comme ça qu’on est arrivé à ce gabarit. 

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Qu’est-ce que tu peux me dire des jantes ? Elles font tomber les barrières ! 

(Rires) Elles font parler ! Là ça fait tomber les barrières, oui. Quand on a lancé le concours de style, il y avait un concours de style dédié sur les roues et en fait ce thème là, dès la première revue de sketch -on en avait une dizaine-, on a repéré ce sketch là car cette espèce de rectangle enchâssé dans un rond, c’est totalement inhabituel, surprenant. Et étant donné que la voiture est elle-même inhabituelle et surprenante… On s’est dit là on tient un thème hyper intéressant, car cette roue c’est totalement l’esprit de la voiture 

On l’a tout de suite isolé, on l’a tout de suite lancé en développement, et heureusement parce qu’on a mis quasiment autant de temps à faire la roue que pour faire le style de la voiture. 

Ah oui, intéressant…

Et oui, car étant donné qu’on est pas sur un style radiant, on se retrouve avec une répartition des masses qui est complètement déséquilibrée par rapport à une roue qui doit tourner avec une fréquence parfaite. Du coup, il a fallut qu’on adapte le dessin de style, qu’on fasse évoluer toutes les zones, une par une, pour répartir la masse. On voit qu’il y a aucune zone qui a la même épaisseur. Et évider là où on peut évider. Et on se sert aussi des inserts en plastiques pour évider de la matière là il y a beaucoup de masse et c’est en travaillant comme ça que l’on a pu, simulation après simulation, et en passant les validations, obtenir une répartition de masse et une fréquence parfaites. Ca a été un processus beaucoup beaucoup plus long que pour une roue normale du fait de ce style disruptif qui est complètement déséquilibré. Et ça ce n’était pas dans le brief ? 

Non, absolument ! Ce qui était dans le brief c’était de faire quelque chose d’inhabituel et d’amener un langage formel différent de celui qu’on a l’habitude de faire. Par exemple, la 308 s’inscrit parfaitement dans l’équilibre typiquement Peugeot entre le côté acéré et dynamique et le côté soft. Il y a des zones très fines, très coupantes, et d’autres zones comme, par exemple, le flanc qui est très lisse, qui est très doux. 

Alors que sur la 408, on est sur une approche beaucoup plus facettisée, plus surprenante, qui accroche bien plus l’œil et la lumière. Etant donné qu’on est sur une masse qui est très généreuse, on a été obligé d’amener des solutions de style en rupture qui permettent de l’absorber. C’est typiquement le cas du pare-choc. Pourquoi on a ce pare-choc imposant, -au-delà du fait qu’il remplisse vraiment sa fonction qui fait qu’on a pas peur d’avoir des rayures de peinture- ? Ça nous permet en terme de style, d’absorber sa masse. La voiture étant haute -on a une malle qui est environ 10 centimètres plus haute que sur une berline classique- et le porte-à-faux important, le pare-choc nous permet vraiment de cisailler le bas de caisse dans le même sens que la malle et de donner ce sens inversé à la couleur caisse. Du coup, si tu regardes la voiture de loin et que tu l’images en blanc ou en rouge, la couleur caisse est dessinée comme une flèche et ça donne beaucoup de dynamisme. Donc c’est ce pare-choc imposant qui paradoxalement amène du dynamisme à la voiture.  

Je voulais te parler de la volonté de Peugeot d’accompagner chaque lancement d’une couleur forte, que l’on retrouve sur les routes ensuite puisque ces mêmes couleurs sont les seules à être incluses dans le prix de base du véhicule. La 208 en jaune, le 2008 en orange, la 308 en vert, et désormais la 408 en bleu. Ça ne peut que nous plaire ! Qu’est-ce qui vous motive dans cette dynamique ? 

Effectivement, on est renforcé dans notre idée par les chiffres. J’en parlais avec le responsable marketing Peugeot tout à l’heure, il me disait que sur la famille 308, les couleurs “gratuites” (que sont le Vert Olivine sur la berline et le Bleu Avatar sur la version SW) représentent 25% des ventes. Un quart des voitures. Donc en fait ce n’est pas du tout anecdotique ; les clients adhèrent, trouvent que la couleur marche très bien avec la voiture, et ils y vont ! Ça identifie la voiture, on la voit dans la rue comme dans la pub. Maintenant, lorsqu’on voit une berline verte comme celle que l’on a créé, même de loin, on se dit “est-ce que ça ne serait pas la dernière Peugeot ?”

Le bleu Obsession est donc la couleur de lancement pour la 408. C’est une teinte dichroïque, car il y a deux nuances ; il y a des zones de la voiture qui semblent vertes, et d’autres qui paraissent bleues. Tout ça rend la voiture vivante ! On a également développé une autre teinte, le Gris titane, qui joue sur un autre registre, haut de gamme et monolithique. Il est juste sous le noir en matière de nuance, c’est donc un gris très foncé mais qui est quasiment dépourvu de paillettes, qui ressemble à du métal liquide et joue le ton sur ton avec les protections et pare-chocs. La voiture se décode alors avec une impression monolithique, plus massive, très haut de gamme. C’est une couleur qui veut dire autre chose !

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Quel est ton détail préféré sur cette 408 ?

Moi j’aime beaucoup ce qu’on a fait ici. (Il montre ce qu’ils appellent les “oreilles de chat”, en haut du hayon) Parce qu’en fait, ça fait signature de la voiture ; maintenant qu’on a révélé la voiture, si tu diffuses une photo de cette partie, on dira “ça c’est la nouvelle Peugeot”. Mais en fait, l’histoire de ça, c’est venu par la prestation. On a créé l’empattement pour donner de l’espace aux genoux comme on en a jamais eu sur aucune Peugeot, et ça aurait été complètement absurde de le faire sans donner de l’espace à la tête. Donc pour faire ça, ce qu’on a fait, c’est que tout le mécanisme technique qui tient le volet, qui actionne le mécanisme du hayon, on l’a décalé en dehors du volume de la voiture de manière à libérer tout l’espace à la tête des passagers arrière. Il a donc fallu trouver une manière d’habiller ça en style ; et ensuite, on est allé au bout de l’exercice en utilisant cet extra volume pour canaliser le flux d’air pour l’amener sur la zone la plus efficace car la plus spatulée au niveau de la chute du hayon. C’est devenu un truc qui nous permet de faire de l’aérodynamique, de libérer de l’espace pour la tête, et ça finit par être la signature de style de la voiture. Et là tu vois le résultat fini, mais avant d’arriver à ça, ça a mis un an… 

Merci beaucoup pour tes différentes explications ! 

Et bien écoute, avec plaisir ! Tu sais, c’est vraiment un plaisir ; on peut en parler à personne pendant 5 ans… Même en interne, il y a plein de gens qui savaient qu’il se passait quelque chose, que ce n’était pas une voiture normale mais on pouvait pas leur dire ce que c’était. Alors certains ont vu que son nom de code c’était P54, ce qui veut dire que ce n’est pas une berline normale… Nos dénominations, c’est toujours 1 = berline classique, 2 = break, 3 = berline tricorps, donc P51, P52, il n’y avait pas de P53 c’était un P54, donc ils savaient qu’il allait se passer un truc ! (Rires)

C’était une belle aventure cette voiture. C’était une belle aventure car on a rarement l’occasion de travailler sur des objets nouveaux. On travaille sur un SUV, il remplace un SUV, etc. Il y avait une folie dans le studio pour travailler sur cette voiture. Tout le monde voulait travailler sur cette voiture là ! On a des designers qui étaient sur d’autres projets qui travaillaient la nuit et qui le lendemain matin arrivaient avec des propositions, qui parfois se révélaient intéressantes, et donc qu’on a basculées sur le thème. C’était une émulation incroyable ! « 

Photos et propos recueillis par Matthieu Coin

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