Les nouveaux mondes : Lectures de Gangoueus, l'émission littéraire digitale

Petites réflexions entre amis pour fêter 15 ans de blogging, 10 ans d'émissions littéraires en ligne...

Alors que mon confrère François Busnel se retire - je le dis sans fausse modestie car dans le fond on fait la même chose avec des moyens différents - il me prend l'envie de parler des nouveaux mondes que beaucoup peinent à cerner en termes de diffusion, de distribution, d'amplification des discours sur les produits culturels. Oui, on fait la même chose. On reçoit des écrivains dans un studio, et on échange avec eux avec l'objectif de vous donner envie de les lire, mais surtout de produire un discours sur une oeuvre littéraire. François Busnel nous accompagne depuis des années sur France 5, après que le père Ferney et son Bateau livre nous ait abandonnés. Le mainstream prescripteur qui a un impact tout de suite sur les ventes. Et pour cause, le marketing s'est construit au travers des médias de masse, donnant à celles et ceux qui les maîtrisent, qui les produisent un impact immédiat. Il fut une époque où on parlait de 200000 téléspectateurs réguliers sur La Grande librairie. Souvent des grands lecteurs. Jackpot donc à qui passe sur ce type de plateforme et sait défendre son livre. Combien de fois n'ai-je pas acheté de bouquins sur un thème qui m'intéressait ou découvert des auteurs engageants via cette locomotive du monde du livre français ? 

Combien d'écrivains ne rêvent pas de saisir une telle opportunité pour enfin être. Rappelons nous qu'ils sont 700 généralement dans les starting-blocks à la rentrée littéraire. Peu d'élus... 

Le web offre des possibilités, des alternatives. Les lectures de Gangoueus s'inscrivent dans ce nouveau modèle. Émission en ligne. 52 minutes avec un roman, un recueil de poésie ou un essai, son auteur.e, plusieurs lectrices et lecteurs, Dominique Yoro-Depri pour des extraits de texte et Sud Plateau un media web (web TV). Depuis 2012, on a simplement reçu toute la crème des plumes venant des mondes afrodescendants. Ici, les enjeux sont différents. Le temps est plus long. Le marketing digital se construit très différemment des lieux de la culture mainstream. Il touche les arrière-cours où les femmes racontent leurs scènes de vie courante en disant "moi aussi!", il rencontre les spécialistes de Césaire, de Gontran-Damas et de Senghor qui ne finissent pas un mois sans donner leur dîme à Présence Africaine, c'est le terreau des chercheurs, des doctorants qui glânent des informations pour leur thèse. Combien de mecs et de gos ne m'ont pas dit : " j'avoue que j'ai gagné du temps en parcourant votre blog ou vos émissions littéraires". Bon, ils attendent le salon du livre pour me le dire au hasard d'une rencontre. Autant dire que le reste de l'année tu as très peu de retours sur investissement 😉. Mais on est fou. Et on s'en fout. Il faut dire que Guy Padja qui est le grand gourou de Sud Plateau TV a un côté barjot. Il me donne carte blanche sur tout. Mes intervenants, les maisons d'éditions, les écrivains, le format qu'on a validé ensemble. On archive. Le mec n'en a rien à cirer des audiences. On archive les discours des écrivains, de celles et ceux qui les lisent. Il paraît que les nègres ne lisent pas... Ben vous avez une démonstration par l'absurde que non. 

La poétesse et universitaire franco-sénégalaise Sylvie Kandé a compris notre démarche : nous archivons. Sud Plateau paie pour que des contenus produits en 2012 soient encore à la disposition des écrivains et de leurs lecteurs... 

Naturellement, il ne faut pas trop en demander. Si j'appliquais les règles du marketing digital que j'ai apprises lors de mon MBA, il est certain que les audiences seraient plus importantes. Je n'ai pas assez de temps pour faire cela en plus. La vérité c'est que le marketing digital segmente. Moins la communauté à laquelle on s'adresse saisit les enjeux de vos contenus, moins vous monétiser et donc gagner la possibilité de vous impliquer à 100% pour faire des produits irréprochables. Autant dire que si j'avais choisi le golf comme niche, il y a longtemps que je ne serais plus consultant IT. Je pense qu'on ne choisit pas ses amours et parfois, ils nous malmènent. Philosophe et accompagné de mon comparse camerounais nous continuons de produire des contenus avec l'angle suivant : l'émission participe au content marketing de votre produit culturel : ici, oeuvre littéraire. Le marketing de contenus qui est une des composantes du marketing digital consiste à laisser sur la toile des séries de contenus racontant des histoires autour du produit pour progressivement amener à la découverte de ce dernier avec une belle conclusion : la lecture (après achat ou dans une bibliothèque). Quand un article ou une émission touche un autre influenceur vous apprécierez comment le fil de l'histoire se tisse. Je suis donc amusé quand, une fois l'émission publiée, je vois des écrivains qui peinent à partager ou à organiser la diffusion de ce contenu qui raconter une histoire sur leur projet et ainsi offre la possibilité d'une rencontre (Niamey tu me manques). Le monde a changé les ami.e.s. Le mainstream c'est du centre vers la masse. Aujourd'hui la circulation est plus diffuse, mais elle offre des opportunités qui comprennent la valeurs de ce que nous faisons. J'ai reçu une missive d'une universitaire de Yokohama qui avait besoin d'informations techniques liées à la publication pour citer correctement l'émission littéraire d'un article qu'elle avait à une auteure que je ne citerai pas. Yokohama. C'est aussi cela le digital. Alors, Yep, je dois partager mes lectures avec mon job qui me chauffe actuellement. Je n'ai pas le luxe de François pour être à 100% sur l'affaire littéraire. Mais, amis, valorisons nos contenus. Le monde a changé. Il nous offre des opportunités que nous ne saisissons pas. Construisons-le ensemble. 105 émissions en mode relax, en dix ans, avec l'apport de lecteurs passionnés c'est ici