Le colonel ne dort pas, d'Émilienne Malfatto (éd. du Sous-sol)

La guerre n’est jamais finie. Quel que soit son nom. Bien sûr, il y a des bombes qui détruisent des villes et des vies. Restent des traces, comme ce buste de l’ancien dirigeant de l’ancien régime dont on ne disait pas alors qu’il était dictateur. Ce buste décapité mais dont le regard semble toujours vous suivre dans le palais où vit désormais le général joueur solitaire d’échecs. Le colonel qu’on vient d’envoyer en mission dans cette ville grise où il pleut sans cesse doit y faire ce qu’il sait faire, dans un sous-sol : interroger et détruire un à un des hommes, devenus entre ses mains des choses. Torture inutile, il le sait, mais c’est son travail. Le colonel est gris, les contours de sa personne sont imprécis, tout devient autour de lui gris, comme dans une brume infinie. Et la nuit, chaque nuit, il ne dort pas, il ne dort jamais, visité par ceux qu’il a réduits en choses et par les hommes-poissons.

Si l’éditeur fait référence à Quatre soldats d’Hubert Mingarelli et au Désert des Tartares de Dino Buzzati, j’ai pensé aussi à La colonie pénitentiaire de Franz Kafka. Émilienne Malfatto poursuit avec ce livre son travail à propos de la guerre : elle en fut reporter, et publie, avec cet ouvrage, son troisième livre. « C’est un luxe de pouvoir rester en paix », écrivait-elle dans son premier roman, Que sur toi se lamente le Tigre.

Publication prévue en août 2022