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G 229

Publié le 11 octobre 2022 par Adtraviata
G 229

Quatrième de couverture :

« Je vous ai accordé une salle. Une salle, vous savez, ça n’a pas de prix. C’est la 229, bâtiment G. G229. Allez chercher la clé chez la concierge. Bon, je crois que cet entretien est terminé. Nous nous croiserons souvent désormais. Bienvenue ici. »Je remercie le proviseur, mais il ne m’écoute déjà plus. Un proviseur, ça a beaucoup de choses à penser. Un prof, non. Un prof, ça ne pense qu’à une chose, ses classes.Puis soudain, il est de nouveau là, présent. Il me fixe. Il dit : « Le plus dur, dans le métier, vous savez, c’est de manier le on et le je. » Je réponds que euh, je ne suis pas sûr de comprendre. « C’est une institution, l’école. Vous entrez dans un bulldozer. Il faut arriver à en devenir membre sans perdre son individualité. Ce n’est pas aussi facile qu’on le croit, vous verrez. Le on et le je. Réfléchissez-y. Bonne chance ! »

Après ma petite série de romans jeunesse, j’ai voulu sortir de ma PAL deux titres « adultes » qui se passent à l’école ou mettent un prf en scène. Voici le premier.

Derrière cette couverture assez sobre, se cache le récit de l’expérience de prof d’anglais de Jean-Philippe Blondel, par ailleurs auteur de nombreux romans pour ados et pour adultes. Je crois que tout prof rêve d’avoir sa propre salle de cours, ce n’est pas toujours facile à organiser (il n’y a pas autant de locaux que de profs), ça dépend souvent de la matière enseignée. Les profs de langues, de sciences et… de sport sont, semble-t-il, privilégiés. Et j’imagine qu’à force de travailler dans la même salle de classe, les murs nous façonnent, font pleinement partie de notre carrière d’enseignant. Jean-Philippe Blondel – qui ne voyait pas du tout rester aussi longtemps à l’Education nationale – raconte ce qui se passe dans cette classe disposée en U (il y tient), les cours, l’ouverture à la culture anglo-saxonne à travers des supports parfois rebattus, toujours recherchés avec soin, les inspections, les réunions de parents, les rires et l’ennui et surtout, le lien, les liens entre le prof et ses élèves. Il convoque aussi ce qui tourne autour de la G 229 : la salle des profs et les collègues, les grèves, les manifs, le coin fumeurs où profs et grands ados se côtoient, le départ à la retraite d’un collègue et aussi le monde extérieur, l’actualité qui s’invite sans frapper. Jusqu’à la vie de famille parfois touchée par la vie de prof, même si on veut les compartimenter avec soin.

Etant, comme vous le savez, prof moi-même, ce récit m’a forcément intéressée, accrochée, touchée. Il balaie toute une année scolaire, toute une carrière de prof. Il m’a fait sourire souvent, il m’a rappelé des expériences similaires, légères, sérieuses ou dramatiques comme la mort brutale d’une étudiante (j’en ai connu plusieurs dans ma carrière et même quand ce n’est pas directement un de vos élèves, cela bouleverse toute une école). Il a parfois mis des mots bien concrets et pudiques sur cette relation prof-élèves si particulière. Parce qu’être prof, c’est travailler avec de jeunes vivants. C’est être vivant.

« J’ai passé de longues minutes à regarder tout ça. Pendant les contrôles ou les heures libres. A observer les adolescents dans leur milieu artificiel. Les forts en gueule, les timides, les gros, les grands, les maigres, les roux, les blonds, les bruns, les punks, les emos, les metals, les rien-du-tout, les riches, les pauvres, les blancs, les noirs, les beurs, les filles, les garçons, les enthousiastes, les blasés, les pleurnicheurs, les rieurs, les indéfinissables. Ils passent. Ils marquent. Ils s’effacent. Parfois ils manquent. »

« J’étais en première. Une première littéraire que tout le monde dénigrait déjà – il y a plus de trente ans maintenant que le scientifique tient le haut du pavé et que les littéraires sont regardés avec un mélange de commisération et de mépris, on se demande bien ce qu’ils pourraient faire après, les littéraires, perpétuels inadaptés à la société dans laquelle on vit, incapables de calculer, de vendre, d’acheter, de revendre, de trader, de sauver le monde, de guérir des patients créer des machines commercialiser un produit s’en mettre plein les poches améliorer le PIB le PNB ou au moins réparer des dents. »

« On vieillit.
On le sent dans les jambes en grimpant les escaliers qui mènent au deuxième étage, dans le manque de souffle dans le feu de l’action, dans l’agacement qui monte et dans cette impression qu’on a d’avoir déjà expliqué tel ou tel point des centaines de fois, dans la phrase qui traverse l’esprit à ce moment là, mais c’est pas vrai qu’ils n’ont toujours pas compris après toutes ces années ? »

Jean-Philippe BLONDEL, G 229, Buchet-Chastel, 2011


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