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L’atelier d’écriture n°424 de Bricabook

Par Antigone

L’atelier d’écriture n°424 de Bricabook

© Fred Hedin

Aller de l’avant. Avancer. Tu ne voulais que cela. Mais tes pieds refusaient ce que ta tête commandait. A qui appartenaient donc tes désirs ? Ta vie ? Des chansons tournaient en boucle dans ta tête, des chansons venues toutes droit de Tik Tok. Ton abrutissement à toi. Ta dose journalière. La vie des autres. En quelques secondes à peine. Des vérités assénées. Des danses. Des chats. Des bébés qui s’endormaient.
Et toi, perdue au milieu de cette effervescence. A chercher un sens.
Elle t’avait raconté comment elle marchait la nuit, comment c’était de rentrer tard le soir, la fête et le khôl qui coulait sous les yeux. A ton âge. Elle t’avait raconté sa jeunesse à elle, sans téléphone portable ni écran. Elle s’était tue sur ce qui était moins bien, que tu avais deviné. Tu avais voulu retenir le courage, l’indépendance et les livres. Et puis, la pluie sur les rues pavées. Tu remarquais parfois son sourire quand elle évoquait des escapades entre copines, le shopping, le train. Et puis les couloirs de la fac. Tu sentais qu’il y avait eu des blessures, de celles qui laissent des traces, de celles qui envoient sur le front, vers l’ennemi. Elle était parfois loin, avec l’air de vouloir que tu sois meilleure, plus forte, plus vaillante, une tigresse. 
Mais tu ne savais pas être ce genre de femme. Répondre à l’attente. Tu ne ressentais que l’effroi du devenir. Cette satanée peur.
Hier, tu l’avais cherchée dans la librairie dans laquelle tu rôdes parfois. Tu sais qu’elle aurait aimé être là, y travailler. Sa place à elle. Le métier qu’elle faisait autrefois. Tu cumulais les codes qu’elle t’avait donné, ses sources de bonheur. Mais où étaient les tiens ? S’étaient-ils noyés ?
Elle aurait voulu que tu te déploies, que tu ouvres tes ailes, que tu prennes la joie. Mais tu avais fait tien ses silences et sa détresse. Mauvaise pioche. Pioche amère qui engluaient maintenant tes pas, et que tu lui reprochais avec une constance butée.
Pourtant, quand la nuit enveloppait ton appartement, comme ce soir, tu savais que quelque part, à quelques encablures de là, elle t’aimait. Elle t’aimait comme la jeune fille qui marchait sur les rues pavées, tard le soir, le khôl coulant sur ses joues et le coeur un peu vide.

Un texte rédigé dans le cadre de l’atelier d’écriture d’Alexandra K – Une photo, quelques mots
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