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L'examen, de Bastien Fournier

Publié le 26 mars 2023 par Francisrichard @francisrichard
L'examen, de Bastien Fournier

Certains Français s'exilent en Suisse. Certains Suisses, en France. Bastien Fournier fait partie de ces derniers. Il faut le souligner parce que c'est tout de même plus rare de nos jours.

Comment est-il arrivé là, à Irancy, dans l'Yonne? C'est toute une histoire qu'il raconte dans L'examen, qui est en fait le concours français d'agrégation de lettres classiques où il a été reçu.

Comme le récit est chaotique, qu'il effectue des allers et retours plus ou moins lointains dans son passé, c'est au lecteur, s'il aime la chronologie rassurante, de la reconstituer de lui-même.

Né à Sion en 1981, Bastien Fournier exerce le métier de libraire, faisant des remplacements dans un collège, avant que d'enseigner, un provisoire qui va durer, dans le lycée d'un bourg:

Je demeure treize années sous la falaise de Saint-Escarpe.

Comment a-t-il connu la mère de ses trois enfants? En l'accueillant à la descente du train, comme on le lui a demandé, pour la conduire au théâtre, et en allant plus loin avec elle, par affinités.

Leurs affinités électives, ce sont les arts et lettres, les spectacles - il écrit pour le théâtre, elle met en scène - et les voyages - ils entreprennent de parcourir l'Europe ensemble en automobile.

À Besançon, il passe en février l'épreuve de dissertation de littérature française qui dure sept heures et où il remplit dix-neuf pages interlignées, crampes douloureuses dans la main.

Quand c'est fini, il fume enfin: oh la fumée de tabac sous le ciel froid et la cime nue des arbres, oh son trajet dans la gorge et les bronches, jusqu'au ventre, oh son âpre et chaude caresse...

Pour être admissible, ce mois de février, il passe encore les épreuves écrites de grec et latin; pour être admis, en juin, les épreuves orales: leçon, français, grec, latin, ancien français.

Les consignes données par la présidente du jury et rapportées avec humour par le futur lauréat sont on ne peut plus claires et désuètes et ne pourront que ravir les lecteurs d'un autre temps:

On choisit son vocabulaire, y compris avant et après la prestation orale; on est prié de saluer à l'entrée et à la sortie; on veut une cordialité sans familiarité, du sérieux, de la rigueur et de la  ponctualité. On maîtrise son émotion. La veste on ne la tombe qu'à l'invitation du jury.

Qui peut encore s'intéresser aux lettres classiques? Celui qui, comme l'auteur, chérit la littérature, a le prurit d'écrire, paru à l'adolescence, cleptomane du temps gagné sur celui d'autrui:

Qu'y puis-je si toujours, à moins d'intrigues policières codées d'avance par l'histoire du genre, qu'y puis-je si ce sont à chaque fois des histoires de voyages, de périples, de fugues, de déménagements qui me viennent à l'esprit? Partir et écrire procéderaient-ils du même mouvement?

Francis Richard

L'examen, Bastien Fournier, 138 pages, Éditions infimes

Livres précédents:

L'assassinat de Rudolf Schumacher, L'Aire (2014)

La suppliante et autres textes, Lansman (2015)

La cagoule, L'Aire (2018)


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