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Pietr-le-Letton

Publié le 08 avril 2023 par Adtraviata
Pietr-le-Letton

Quatrième de couverture :

Pietr-le-Letton arrive à Paris. Nul doute qu’il est là pour réaliser une des colossales escroqueries dont il est coutumier. Le commissaire Maigret, qui a reçu son signalement, le repère à son arrivée en gare du Nord. Il s’apprête à le filer lorsqu’un employé du train l’entraîne vers un compartiment où gît le cadavre d’un homme, parfait sosie du Letton. Mais est-ce bien lui ? Pour en être sûr, le policier retrouve la trace du premier voyageur dans un hôtel parisien. Le soi-disant Letton y a rencontré un comparse avec laquelle il a disparu. La piste semble coupée jusqu’au moment où Maigret trouve un indice qui le mène à Fécamp. La traque continue mais les choses se gâtent lorsqu’on tente de tuer le commissaire.

Pietr-le-Letton est la toute première enquête du commissaire Maigret écrite par Simenon et publiée par Fayard en 1931.

Que de surprises à lire cette enquête ! Je m’attendais à découvrir un policier jeune, qui fait son expérience, mais non : Maigret est déjà commissaire, il aime être au chaud (le poêle de son bureau ne doit jamais au grand jamais être froid) et ses méthodes d’enquête sont pour le moins bizarres. C’est cela qui fera d’ailleurs sa renommée : « loin d’utiliser les méthodes scientifiques, il s’imprègne de la personnalité des personnages pour mieux saisir les coupables ». A peine est-il averti de l’arrivée de Pietr le Letton à Paris qu’il part lui-même, seul, à la gare du Nord, où il repère – ou non (la suite l’expliquera) – dès la sortie du train le bonhomme, escroc notoire, rien qu’au dessin de son oreille (technique encore plus sûre que les empreintes digitales, paraît-il). Après la découverte du cadavre sosie dans le train, Maigret suit l’homme à la trace jusqu’à l’hôtel Majestic où il s’installe sans se cacher et observe les allées et venues du Letton et d’un homme d’affaires américain. Il les suit lui-même ou les fait suivre par un subordonné, toujours sans se cacher. Maigretva ainsi aller jusqu’à Fécamp et rester sans bouger pendant des heures sous une pluie battante et une odeur persistante de marée. Il possède un savoir sur le personnage, inconnu du lecteur, à peine plus de ses agents, et le moment venu il serrera le coupable et fera parler tout le monde.

Le tout était assez mystérieux, bien arrosé de bière et imprégné de la fumée de sa pipe, qui ne refroidit jamais, même quand il est sérieusement blessé au cours de ses filatures. Sa solide carrure, sa silhouette marquante le tiennent miraculeusement debout en cette circonstance mais c’est quand même assez hallucinant. Le Paris des années 30 est en filigrane, avec un violent contraste entre un hôtel de luxe et un bouge infect où une Juive impliquée dans l’affaire loue une chambre. Il faut reconnaître que Simenon est maître dans la transcription des ambiances. Le tout est bien masculin et le commissaire Maigret version papier n’est pas très sympathique. Il va pourtant falloir que je m’accroche à lui car j’ai lu ce premier roman dans le tome 1 de la très belle édition Omnibus, qu’on m’a offert (merci !) et qui regroupe les huit premières enquêtes de Maigret.

« Ce regard qui pesa sur elle, c’était tout Maigret ! Un calme ! Une indifférence ! Comme s’il n’eut entendu que le bourdonnement d’une mouche ! Comme s’il n’y eut devant lui qu’un objet banal !

Elle n’était pas habituée à être regardée de la sorte. Elle se mordit les lèvres, devint pourpre sous son fond de teint, frappa le sol du pied avec impatience.

Il la fixait toujous.

Alors, poussée à bout, ou peut-être ne sachant que faire d’autre, elle piqua une crise de nerfs. »

« Fécamp ! Une odeur compacte de morue et de hareng. Des monceaux de barils. Des mâts derrière les locomotives. Une sirène qui mugissait quelque part. »

« Mon Dieu oui ! « Ça », c’était un policier, qui essayait d’empêcher des malfaiteurs d’envergure de continuer leurs exploits, et qui s’acharnait à venger un collègue assassiné dans ce même palace !
« Ça », c’était un homme qui ne se faisait pas habiller par un tailleur anglais, qui n’avait pas le temps de passer chaque matin chez la manucure et dont la femme, depuis trois jours, préparait en vain les repas, résignée, sans rien savoir.
« Ça », c’était un commissaire de première classe aux appointements de deux mille deux cents francs par mois qui, une affaire terminée, les assassins sous les verrous, devait s’attabler devant une feuille de papier, dresser la liste de ses frais, y épingler les reçus et pièces justificatives, puis se disputer avec le caissier ! »

« Est-ce parce qu’il avait à nouveau sa pipe aux dents ?
Ou parce que tout son être réagissait après les heures d’abattement, de flottement plutôt qu’il venait de vivre ? Toujours est-il qu’à ce moment il était plus solide que jamais. Il était deux fois Maigret, si l’on peut dire. Un bloc taillé dans du vieux chêne, ou mieux dans un grès compact. »

Pietr-le-Letton

Georges SIMENON, Pietr-le-Letton, in Tout Maigret 1, Editions Omnibus, 2019

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