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Les israéliens vont-ils laisser les Palestiniens mourir de soif ?

Publié le 17 août 2008 par Kamizole

Le problème de la répartition de l’eau entre Israël et ses voisins – Liban, Syrie, Jordanie et Cisjordanie - n’est pas nouveau. Il y a quelques jours, réfléchissant à cette question pour un travail en cours, je me suis replongée dans le numéro spécial des «Temps modernes» consacré au «conflit israélo arabe», paru en juin 1967, juste avant la Guerre des six jours. Et plus particu-lièrement, un article de Yoram Nimrod : «l’eau, l’atome et le conflit» dont j’avais le souvenir. Ici, seule l’eau retiendra mon attention.
En effet, je viens de parcourir un article du Monde La crise de l’eau s’accentue en Israël et frappe durement les Palestiniens consacré à la pénurie d’eau en Israël – due bien évidemment à la sécheresse - qui affecte tout particulièrement les territoires palestiniens et Gaza plus encore.

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Le Jourdain, qui alimente le lac de Tibériade dont il est question dans l’article de Michel Bôle-Richard (et qui atteint un niveau dramatiquement bas) naît de la conjonction de quatre affluents, le Hasbani (qui prend sa source au Liban et fournissait avant 1967, 150 millions de mètres cubes par an), le Yarmouk qui descend de la frontière syro-jordanienne (450 millions de mètres cubes à la même époque) et se déverse dans le Jourdain au sud du lac de Tibériade, le Banias qui vient de Syrie (140 millions de mètres cubes, ibid.). Seul le Dan naît en Israël (250 millions de mètres cubes).
C’est dire si Israël est tributaire des pays voisins pour son alimentation en eau. Et du fait du conflit qui dure depuis la création de l’Etat d’Israël, les pays arabes n’étaient guère empressés de négocier un accord avec Israël.
Comme le faisait remarquer à juste titre Yoram Nimrod en 1967 : «Même si des relations normales avaient existé entre Israël et ses voisins, les eaux du Jourdain auraient servi de prétextes des marchandages ; on serait toutefois plus aisément parvenu à un accord fondé sur le bon sens, les facteurs économiques, géogra-phiques et l’usage international. Les hostilités ont rendu le problème crucial au début des années 1960».
Vous remarquerez qu’il n’y est nullement question des Palestiniens. Il fallut attendre les accords d’Oslo (1991-1993) pour qu’ils aient une personnalité juridique au regard du droit international (représentation par l’Autorité palestinienne).
Je passe sur la «guerre des projets» entre Israël et la Jordanie, notamment. Si ce n’est pour dire qu’ils émanaient chacun d’ingénieurs américains et devaient être largement financés par les Etats-Unis !
Quant au plan retenu par l’ONU et présenté par Eric Johnston, médiateur mandaté par l’organisation internationale, il réussit le tour de force de mécontenter les deux parties alors que selon l’article de 1967, il était relativement équilibré… «Johnston fut accueilli en Israël par une vague d’hostilité».
Le plan fut présenté par les Israéliens comme un complot américano-arabe destiné à priver Israël d’eau et empêcher la mise en valeur du Néguev alors qu’il lui garantissait 400 millions de mètres cubes du Jourdain.
De façon tout à fait symétrique, la Syrie, le Liban et la Jordanie accusaient le plan de l’ONU d’être un complot «sioniste-impéraliste» visant, rien de moins, «à voler l’eau des arabes et priver les réfugiés de leurs droits».
En fait, le problème de l’eau et sa répartition n’était qu’une goutte d’eau (si l’on peut dire) dans le conflit israélo-arabe. Du fait des tensions entre Israël et les pays arabes et l’impossibilité de négocier séparément avec Israël sans être considéré comme un « traître » et les projets des experts arabes devenaient des «complots sionistes» ! Ambiance !
Il fallut attendre Golda Meir et Sadate pour rétablir les relations diplomatiques entre Israël et l’Egypte en novembre 1973. Ce qui ne fut pas du goût de tous les pays arabes.
Quelle est la situation aujourd’hui ? Selon l’article du Monde le lac de Tibériade a atteint la «ligne rouge» (son niveau est de 213 mètres au-dessous du niveau de la mer) et il pourrait atteindre prochainement la «ligne noire» synonyme de risques de salinisation et d’apparition d’algues toxiques…
Le déficit en eau d’Israël sera de 350 millions de mètres cubes en 2008 et la consommation domestique augmente de 4 % par an… On se souvient que le projet de l’ONU prévoyait d’accorder à Israël 400 millions de mètres cubes des eaux du Jourdain par an ! Augmentation de la population par l’arrivée massive de migrants, confort moderne et festif (piscines) et implantation de «colonies sauvages» souvent agricoles du moins en partie.
En ce qui concerne les Palestiniens vivant à Gaza ou en Cisjordanie, la situation est bien pire encore. Le processus d’Oslo n’avait pas abordé cette question et selon Michel Bôle-Richard «Les Israéliens consomment 3,5 fois plus d’eau que les Palestiniens et contrôlent complètement les ressources en eau de la Cisjordanie.»Je dirais à cet égard qu’ils usent envers les Palestiniens de mesures aussi iniques, discriminantes et vexatoires qu’en matière de circulation à l’intérieur de la Cisjordanie (sans rien dire du passage en Israël).
Non seulement l’approvisionnement venant d’Israël aurait été réduit de 20 à 30 % et les demandes d’approvisionnement supplémentaire sont systémati-quement refusées (le déficit en 2008 devrait atteindre 69 millions de mètres cubes) mais plus encore les Palestiniens n’ont pas le droit de creuser des puits ou de construire des stations d’épuration sans autorisation des Israéliens, rarement donnée…
Ayman Rabie raconte : «Il faut des permis pour creuser des puits à une profondeur requise, entreprendre des réhabilitations du réseau, construire un réservoir, commander des pompes ou des tuyaux. Et ces derniers ne doivent pas être d’une largeur supérieure à 8 inches (20 centimètres) pour que l’on n’ait pas trop d’eau.»
Il ajoute que «les colons font ce qu’ils veulent, qu’ils ont de l’eau 24 heures sur 24 et qu’il suffit de se promener en Cisjordanie pour voir le contraste entre les colonies vertes et les villages palestiniens arides».
La situation sanitaire ne peut qu’en pâtir car, faute de stations d’épurations, les eaux usées sont à 90 % rejetées sans traitement et polluent sol et sous-sol. Déjà condamnés à périr de soif (Israël n’accordant aux Palestiniens que 20 % de l’eau puisée en Cisjordanie alors même que la population a doublé depuis l’installation de l’Autorité palestinienne) les Palestiniens risquent de mourir du fait des eaux malsaines…
Cela me semble furieusement avoir un petit côté «épuration ethnique» larvée.
Je vais encore me faire assassiner ! je le pressens… mais il n’y aura jamais de processus de paix crédible si Israël continue de mépriser le peuple palestinien. Il faut un juste partage des terres et des ressources ce qui implique un dialogue sans arrières-pensées et non-dits qui embrasse tous les sujets, y compris et surtout ! «ceux qui fâchent» le plus. Des concessions territo-riales seront à l’évidence nécessaires de part et d’autres.
Et beaucoup de bonne foi.


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