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Des Poèmes de Saint-John Perse sur Les Oiseaux de Georges Braque

Par Etcetera
Des Poèmes de Saint-John Perse sur Les Oiseaux de Georges BraqueCouverture chez Gallimard

Ces deux poèmes sont extraits du recueil « Oiseaux » disponible dans « Amers » de Saint-John Perse, et qui s’inspire des Oiseaux peints par Georges Braque.
Comme il s’agit de poésie inspirée de peintures, je publie cet article pour Le Printemps des Artistes 2023.

Note sur Saint-John Perse

De son vrai nom, Alexis Leger (prononcé « Leuger »), né en Guadeloupe en 1887 et mort à Hyères en 1975. Poète, écrivain et diplomate français. Il reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1960. Il publie le recueil « Amers » en 1957 et le recueil « Oiseaux » en 1962.

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Des Poèmes de Saint-John Perse sur Les Oiseaux de Georges Braque
Braque, Les Oiseaux (Musée de Belfort)

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Deux Extraits

Page 149

IV

De ceux qui fréquentent l’altitude, prédateurs ou pêcheurs, l’oiseau de grande seigneurie, pour mieux fondre sur sa proie, passe en un laps de temps de l’extrême presbytie à l’extrême myopie : une musculature très fine de l’œil y pourvoit, qui commande en deux sens la courbure même du cristallin. Et l’aile haute alors, comme d’une Victoire ailée qui se consume sur elle-même, emmêlant à sa flamme la double image de la voile et du glaive, l’oiseau, qui n’est plus qu’âme et déchirement d’âme, descend, dans une vibration de faux, se confondre à l’objet de sa prise.

La fulguration du peintre, ravisseur et ravi, n’est pas moins vertical à son premier assaut, avant qu’il n’établisse, de plain pied, et comme latéralement, ou mieux circulairement, son insistante et longue sollicitation. Vivre en intelligence avec son hôte devient alors sa chance et sa rétribution. Conjuration du peintre et de l’oiseau…

L’oiseau, hors de sa migration, précipité sur la planche du peintre, a commencé de vivre le cycle de ses mutations. Il habite la métamorphose. Suite sérielle et dialectique. C’est une succession d’épreuves et d’états, en voie toujours de progression vers une confession plénière, d’où monte enfin, dans la clarté, la nudité d’une évidence et le mystère d’une identité : unité recouvrée sous la diversité.

Page 152 

VII

… Rien là d’inerte ni de passif. Dans cette fixité du vol qui n’est que laconisme, l’activité demeure combustion. Tout à l’actif du vol, et virements de compte à cet actif !

L’oiseau succinct de Braque n’est point simple motif. Il n’est point filigrane dans la feuille du jour, ni même empreinte de main fraîche dans l’ argile des murs. Il n’habite point, fossile, le bloc d’ambre ni de houille. Il vit, il vogue, se consume– concentration sur l’être et constance dans l’être. Il s’adjoint, comme la plante, l’énergie lumineuse, et son avidité est telle qu’il ne perçoit, du spectre solaire, le violet ni le bleu. Son aventure est aventure de guerre, sa patience « vertu » au sens antique du mot. Il rompt, à force d’âme, le fil de sa gravitation. Son ombre au sol est congédiée. Et l’homme gagné de même abréviation se couvre en songe du plus clair de l’épée.

Ascétisme du vol !… L’être de plume et de conquête, l’oiseau, né sous le signe de la dissipation, a rassemblé ses lignes de force. Le vol lui tranche les pattes et l’excès de sa plume. Plus bref qu’un alerion, il tend à la nudité lisse de l’engin, et porté d’un seul jet jusqu’à la limite spectrale du vol, il semble prês d’y laisser l’aile, comme l’insecte après le vol nuptial.

C’est une poésie d’action qui s’est engagée là. 

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