Magazine Cinéma

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

Par Plumesolidaire
OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

Editions Philippe Picquier, 2018

« Aujourd’hui, j’écrirais non pas pour quelqu’un, mais pour moi. Un écrivain public tient la plume en se mettant dans la peau et dans la tête de tout un tas de personnes. Sans vouloir me lancer des fleurs, je réussissais bien désormais à me couler dans les mots d’autrui... Mais, à la réflexion, je n’avais pas encore trouvé ma propre écriture. Je n’avais pas encore rencontré mon moi calligraphique, l’équivalent du sang qui coule dans mes veines, ce qui faisait que j’étais moi et d’où mon ADN jaillirait à flots.

L’Aînée*  l’avait trouvé, elle, je le savais. Si je n’arrivais pas à décrocher la devise calligraphiée de sa main sur le mur de la cuisine, c’était parce que ces traits, c’était elle. Son écriture conservait encore son souffle. (…)

L’Aînée ne s’était jamais perdue de vue. Jusqu’à sa mort, elle avait été elle-même. Elle continuait à vivre dans les calligraphies qu’elle avait laissées. Son âme les habitait. C’était ça l’essence de l’écriture.

J’ai bien imprégné d’encre la pointe du pinceau et, après une brève pause, j’ai fait le vide en moi. Puis j’ai lentement abaissé mon pinceau sur la feuille.

Manger amer au printemps, vinaigre l’été,
piquant l’automne et gras l’hiver

J’avais soudain eu envie de calligraphier les mêmes mots que l’Aînée.

Le dernier caractère tracé, j’ai relevé mon pinceau en douceur, à la manière d’un ovni flottant dans les airs. Au même instant un souffle nouveau m’a emplie. J’avais vraiment réussi à faire le vide en moi, juste un instant.

Mais ça n’allait pas. Je ne savais pas ce que c’était, une question d’ampleur des caractères, de densité, de présence. En tout cas, quelque chose différait fondamentalement. Mais pour l’heure, c’était ça la réalité.

Tout en me faisant ces réflexions, j’ai accroché ma première calligraphie de l’année à côté de celle de l’Aînée...**

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

Je voulais écrire une longue lettre, mais pas à n’importe qui. A l’Aînée. (…)

Ce mot que je n’ai pas su te dire, je te le donne aujourd’hui.

Tu répétais toujours:

L’écriture, c’est le reflet d’une vie.

Mon écriture n’est pas encore aboutie.

Mais c’est la mienne, sans le moindre doute.

Je l’ai enfin trouvée. (…)

Post-scriptum :

Je suis devenue écrivain public, comme toi.

Et ce sera mon métier pour la vie.***

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

*L’Aînée est la grand-mère qui a élevé la narratrice et lui a transmis son métier d’écrivain public

** p.190 et suivantes

***p. 362 et 365

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

Editions Philippe Picquier, 2018

« Aujourd’hui, j’écrirais non pas pour quelqu’un, mais pour moi. Un écrivain public tient la plume en se mettant dans la peau et dans la tête de tout un tas de personnes. Sans vouloir me lancer des fleurs, je réussissais bien désormais à me couler dans les mots d’autrui... Mais, à la réflexion, je n’avais pas encore trouvé ma propre écriture. Je n’avais pas encore rencontré mon moi calligraphique, l’équivalent du sang qui coule dans mes veines, ce qui faisait que j’étais moi et d’où mon ADN jaillirait à flots.

L’Aînée*  l’avait trouvé, elle, je le savais. Si je n’arrivais pas à décrocher la devise calligraphiée de sa main sur le mur de la cuisine, c’était parce que ces traits, c’était elle. Son écriture conservait encore son souffle. (…)

L’Aînée ne s’était jamais perdue de vue. Jusqu’à sa mort, elle avait été elle-même. Elle continuait à vivre dans les calligraphies qu’elle avait laissées. Son âme les habitait. C’était ça l’essence de l’écriture.

J’ai bien imprégné d’encre la pointe du pinceau et, après une brève pause, j’ai fait le vide en moi. Puis j’ai lentement abaissé mon pinceau sur la feuille.

Manger amer au printemps, vinaigre l’été,
piquant l’automne et gras l’hiver

J’avais soudain eu envie de calligraphier les mêmes mots que l’Aînée.

Le dernier caractère tracé, j’ai relevé mon pinceau en douceur, à la manière d’un ovni flottant dans les airs. Au même instant un souffle nouveau m’a emplie. J’avais vraiment réussi à faire le vide en moi, juste un instant.

Mais ça n’allait pas. Je ne savais pas ce que c’était, une question d’ampleur des caractères, de densité, de présence. En tout cas, quelque chose différait fondamentalement. Mais pour l’heure, c’était ça la réalité.

Tout en me faisant ces réflexions, j’ai accroché ma première calligraphie de l’année à côté de celle de l’Aînée...**

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

Je voulais écrire une longue lettre, mais pas à n’importe qui. A l’Aînée. (…)

Ce mot que je n’ai pas su te dire, je te le donne aujourd’hui.

Tu répétais toujours:

L’écriture, c’est le reflet d’une vie.

Mon écriture n’est pas encore aboutie.

Mais c’est la mienne, sans le moindre doute.

Je l’ai enfin trouvée. (…)

Post-scriptum :

Je suis devenue écrivain public, comme toi.

Et ce sera mon métier pour la vie.***

OGAWA Ito - La papeterie Tsubaki

*L’Aînée est la grand-mère qui a élevé la narratrice et lui a transmis son métier d’écrivain public

** p.190 et suivantes

***p. 362 et 365


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