Magazine Beaux Arts

Le manteau : le chef-d’œuvre de gogol

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
LE MANTEAU : LE CHEF-D’ŒUVRE DE GOGOL

« Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol » est une célèbre phrase de Tourgueniev reprise par Dostoïevski et tardivement par Vladimir Nabokov. Elle traduit, non seulement la gratitude de ces auteurs envers Gogol, elle souligne pareillement son apport à la littérature et à la pensée russe.

Le manteau est une courte et puissante nouvelle de Gogol qui a pour héros, ou plus exactement pour antihéros, un homme insignifiant au prénom curieux d’Akaki Akakiévitch.

Une personne qui bien qu’elle ne demandât rien à la vie, celle-ci lui ôtera le peu qu’elle possède.

Une diatribe acerbe de la bureaucratie de Saint-Pétersbourg

On ne saurait appréhender la nouvelle le manteau si on méconnait la bureaucratie de Saint-Pétersbourg à l’époque de l’auteur.

Saint-Pétersbourg a été créé par le tsar Pierre le Grand qui voulut en faire une capitale rivalisant avec les grandes villes européennes. Il la dota d’une administration qu’il désirait moderne. Toutefois, celle-ci se transforma rapidement en une étouffante bureaucratie.

– Une hiérarchie absurde.

– Une pléthore de fonctionnaires inefficaces.

– Des fonctionnaires remplis d’amour propre et d’autosatisfaction, recherchant apparences et pouvoir.

– Des fonctionnaires qui détournent leurs positions pour leurs intérêts personnels.

Il est intéressant de souligner que, à ses débuts, Gogol travailla dans cette administration. Il était donc au cœur de cette bureaucratie qu’il critique.

LE MANTEAU : LE CHEF-D’ŒUVRE DE GOGOL

ET SI UNE RUE N’EXISTAIT QUE POUR VOUS !Vincent Muller, jeune architecte strasbourgeois, découvre la futilité et la vanité de sa vie, en même temps, il a des maux de tête. Commence pour lui une quête pour trouver un sens à son existence. Sa recherche le conduit à une rue où il pense trouver une réponse à ses interrogations.Toutefois, cette rue à une particularité, elle n’existe que pour lui ! Que va-t-il trouver à l’orée de cette rue ?Parallèlement, R.C est une jeune femme brillante ; toutefois, sa vie sentimentale se déroule la nuit au cours d’un rêve, toujours le même. Un homme s’approche d’elle et l’enlace.Quel étrange lien réunit ces deux jeunes gens ?

Disponible ICI

Akaki Akakiévitch, un homme insignifiant

Gogol décrit Akaki en tant qu’homme insignifiant, revêtant le même manteau rapiécé, le même pantalon usé, les mêmes chaussures élimées.

Lorsqu’il retourne chez lui, il récolte tous les détritus que jettent quelques femmes par leurs fenêtres. Les fientes des oiseaux tombent sur lui.

Dans son lieu de travail, il est la cible de moqueries méchantes de la part de ses collègues. En réponse Akaki leur oppose cette unique phrase : mais qu’est-ce que je vous ai fait ? Laissez-moi tranquille.

Gogol à cette magnifique remarque : Akaki représente ces misérables personnages dont se moquent les intellectuels parce qu’ils ne peuvent se défendre contre eux.

Un fonctionnaire qui a pitié de lui a également cette remarque désabusée : ces fonctionnaires qui se moquent d’Akaki se dotent des apparences de la respectabilité alors qu’ils sont de piètres personnes.

Akaki ne fait et ne sait faire qu’une seule chose, copier des textes administratifs ternes auxquels il trouve un attrait poétique.

Il occupe le poste de conseiller titulaire qui est, malgré son titre, au bas de l’échelle hiérarchique.

À sa naissance, sa mère pour lui donner un prénom, choisit au hasard quelques-uns dans l’almanach. Ils sont tous horribles comme si cet ouvrage lui-même ne voulait pas de notre futur Akaki.

Le bébé pleura durant plusieurs jours, on eût dit qu’il avait la prémonition de sa future condition de conseiller titulaire.

Un homme miséreux, mais satisfait de sa condition

Notre héros vit chichement d’un salaire minable de 400 roubles. Sur cette somme, il fait des économies, sur la nourriture, sur l’habillement, sur l’éclairage. Il ne se permet aucune extravagance. Son ultime désir est de revenir le lendemain à son poste de travail pour recopier avec une écriture précieuse comportant des pleins et des déliés ces belles phrases administratives.

Lorsqu’il rentre chez lui, il ne voit pas les arbres des rues, mais de belles phrases réglementaires.

Pourtant, aussi insignifiant fût-il, un sort s’acharnera contre lui, le froid de Saint-Pétersbourg.

Le froid, un manteau, un destin

Lorsqu’il ressentit une douleur sur son épaule, Akaki comprit que son manteau était usé et comportait des trous d’où pénétrer le froid vif.

Son tailleur habituel refuse de le rapiécer puisqu’il n’y a plus de tissus pour faire tenir la moindre couture. La seule solution consiste en confectionner un nouveau manteau. Seulement, Akaki n’en a pas les moyens.

À force de privations supplémentaires, sur la nourriture, sur l’éclairage, sur sa santé, il put réunir la somme nécessaire.

Le tailleur apporta, chez lui, le fameux manteau qu’il lui revêt. C’est un beau manteau qui sied bien au copiste.

Pour la première fois de sa vie, parce qu’il a revêtu un habit neuf, Akaki se mit à rêver à une autre existence. Non pas à une grande, mais à une toute petite à sa portée.

Dans son travail il est complimenté par ses amis, son chef organise une fête en son honneur.

Le soir, le copiste se rend à cette réception ; mais, il faisait sombre lorsqu’il retournait chez lui. Il est agressé par deux personnes qui lui volent son manteau. Il est anéanti.

Akaki revient donc travailler vêtu de son vieux manteau usé et rapiécé.

Akaki face à l’absurdité d’une ville

Les collègues d’Akaki, de bonne foi, organisent une collecte. Malheureusement, auparavant, ils avaient offert un portrait pour leur chef hiérarchique. Ils ne purent donc que rassembler une maigre somme.

Akaki se rend à la police pour une réclamation. À deux reprises on lui apprend que le fonctionnaire dort. Lorsqu’il revient à midi, on l’informe qu’il est sorti.

Il hausse le ton, il est reçu par un administrateur qui, au lieu d’effectuer son travail, accuse le malheureux :

– Pourquoi es-tu allé à cette réception ?

– Que faisais-tu en pleine nuit avec un manteau ?

Akaki revient chez lui et tente une réclamation auprès d’une personne plus importante. Celle-ci, par orgueil et vanité, le laisse attendre plusieurs heures.

Lorsque Akaki lui expose son cas, ce fonctionnaire haut placé lui adresse d’humiliantes remontrances :

– Sais-tu qui je suis ?

– Pourquoi viens-tu me faire perdre de mon temps avec une histoire de manteau ?

Accablé, Akaki revient chez lui dans le froid. Il tombe malade puis meurt.

Une vie insignifiante face à une cyclopéenne cité

On oublia rapidement Akaki qui est remplacé par un homme gaillard qui ne prend pas la peine d’effectuer des copies convenables.

L’homme haut placé qui avait rabroué Akaki se souvint de lui. On lui apprend qu’il est décédé. Il y eut de la peine, mais celle-ci fut dissipée dans les bulles d’un champagne de réception.

Dans cette cité Saint-Pétersbourg, tout se déroula comme si Akaki n’eût jamais existé.

Une tournure fantasmagorique du récit

Quelques semaines après le décès d’Akaki, un fantôme sévit dans les rues de Saint-Pétersbourg. Il agresse les gens, leur vole leurs manteaux en criant : Ce manteau m’appartient. C’est le mien.

Lorsqu’ il s’empara du manteau du fonctionnaire haut placé, le fantôme disparut.

Analyse

Gogol, dans ce récit – le manteau – fait une constatation désabusée de Saint-Pétersbourg. Une ville impitoyable qui ne s’attaque qu’aux faibles.

Il dénonce une hiérarchie absurde qui se transforme en une machine impitoyable qui au lieu de rendre service aux citoyens, au contraire les marginalise.

L’absurdité des fonctionnaires qui par leur excès de zèle font cadeau d’un portrait futile à leur chef, mais sont dans l’incapacité d’offrir un manteau, pourtant bien utile, à leur malheureux collègue.

Une ville qui crée sa réalité cruelle et barbare. Ce sont les fonctionnaires qui par leurs déviations, leurs vanités, créent leurs propres enfers.

Dans cette cité, même ceux qui ne demandent rien sont traqués par un destin tragique.

Les voleurs d’Akaki sont le produit de la cité ; les fonctionnaires vaniteux pareillement.

Tolstoï, dans la mort d’Ivan Ilitch, à son tour dénigre la vanité de la ville. Dans le récit de Tolstoï, le héros est un éminent personnage, dont celui de Gogol, il s’agit de quelqu’un en bas de l’échelle.

Lorsque l’on est en bas de la société, la cité vous enlève toute espèce de dignité. Au moment où, grâce à son manteau, Akaki espéra un changement dans sa vie, il est écrasé et broyé par une fatalité issue de cette cité elle-même.

Le tailleur qui confectionna le manteau possède un grand talent, mais la ville fait de lui un ivrogne œuvrant dans des conditions méprisables.

Malheureusement, le manteau d’Akaki revient de toutes ses forces dans nos belles cités. En y regardant soigneusement, on pourrait remarquer dans les sombres ruelles, les fantômes des Akaki Akakiévitch.

#Gogol #lemanteau #THEOVERCOAT #lenez #bureaucratie

#Tolstoï #littérature #IvanIllitch #Saint-Pétersbourg #mort #littératurerusse

#livres #romans #SammytheSquirre

#Culturerusse #quandpassentlescigognes #cuirasséPotemkine #GOGOL

#abdesselambougedrawi #culture #Écrivain #Maroc #écrivainsmarocains #safi #Saficulture #villedesafi


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Abdesselam Bougedrawi 116 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte