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Stress, anxiété, burn-out : les joueuses de la WTA face au mal du siècle

Publié le 25 mai 2023 par Francky
Stress, anxiété, burn-out : les joueuses de la WTA face au mal du siècle
Soumises aux impératifs d'un circuit professionnel qui peut être impitoyable, tant au niveau du calendrier que de l'entraînement, sans oublier les sollicitations diverses, aussi bien médiatiques que promotionnelles, les joueuses de la WTA tentent de surmonter au quotidien un stress pouvant avoir des effets indésirables sur leurs performances sportives. Alors qu'approche à grands pas la deuxième levée du Grand Chelem, à Roland-Garros, et dans un contexte géopolitique de plus en plus tendu en raison de la guerre en Ukraine, voyons comment ce mal insidieux prend une place de plus en plus importante dans la discipline, qui sont les joueuses à mieux le gérer et qui, au contraire, éprouve les plus grandes difficultés à s'en défaire, sans oublier les initiatives proposées par la WTA pour venir en aide à celles qui en ont le plus besoin.
À un moment ou à un autre de notre vie, nous sommes tous confrontés à des situations qui peuvent nous amener à éprouver du stress, aussi bien dans le cadre privé que professionnel. Les joueuses de la WTA, qui sont après tout des êtres humains comme les autres, n'échappent pas à ce phénomène, même les plus expérimentées. D'un point de vue purement sportif, le stress qu'elles vont ressentir va prendre racine dans des domaines très variés pouvant aller d'une position de favorite dans un tournoi, des attentes du public, de l'envie de bien faire, de l'influence que peuvent avoir les critiques des médias, de la répétition des efforts. À cela s'ajoute les obstacles que tout un chacun peut rencontrer au cours de sa vie, comme la perte d'un être cher, par exemple, une séparation douloureuse ou l'impact que peut produire une actualité dramatique ou morose. Sur le plan sportif, une accumulation de mauvais résultats malgré les efforts consentis peut, tôt ou tard, mener indubitablement vers une anxiété qui va aller croissante, devenir du stress négatif et, éventuellement, amener vers la dépression. Dans la série Netflix Break Point (que nous avions évoqué dans cet article), l'espagnole Paula Badosa parlait à cœur ouvert de ce sujet délicat à tel point qu'elle avait songé pendant un temps à ranger définitivement la raquette pour passer à autre chose. La championne d'Indian Wells 2021, qui semblait retrouver de bonnes sensations depuis le début de la tournée sur terre battue européenne, vient d'être rattrapée par la malchance en déclarant forfait pour Roland-Garros à cause d'une fracture de stress à la colonne vertébrale. Un coup rude pour l'ibère mais, qui n'est rien comparé à la douleur ressentie par une autre joueuse, Amanda Anisimova (photo ci-dessus). C'est le burn-out qui a frappé de plein fouet la prometteuse américaine, conséquence du décès de son père et entraîneur survenu en 2019. Dans les deux situations, aussi bien celle de Badosa que celle d'Anisimova, on remarque une chose intéressante : il ne s'agit pas à proprement parler d'un stress physique que n'importe quel sportif de haut niveau pourrait éprouver, ni même d'un stress mental mais, plutôt d'un stress émotionnel (attention à bien différencier et identifier ces différentes formes, cet article vous y aidera sans doute). Au-delà de l'aspect dissimulateur et traître qu'il peut prendre, le stress dit émotionnel est bel et bien l'ennemi le plus redoutable des joueuses professionnelles de la WTA. Il y a heureusement une bonne nouvelle, celle de pouvoir transformer ce stress en quelque chose de positif pouvant aider à remonter la pente, à condition de le détecter suffisamment tôt et d'en prendre conscience. Certaines joueuses excellent à rebondir dans ce domaine, d'autres moins. 
Quand elle a remporté le tournoi de Doha, au Qatar, en février dernier, Iga Swiatek avait alors évoqué en conférence de presse d'après-match cette capacité qu'elle a eu à faire face au stress négatif qui l'environnait pour en faire du stress positif, autrement dit un stress court, non prolongé dans le temps, dans lequel puiser une source d'énergie amenant vers une action efficace. Ce ne fut pas un mince exploit pour la polonaise qui devait, d'une part consolider les nombreux points engrangés lors de son impressionnante série de victoires en 2022 à la même période, et d'autre part, tenter de mettre de côté un Open d'Australie décevant quelques semaines plus tôt, où elle s'était faite écarter en huitièmes de finales contre Elena Rybakina. De toutes les joueuses les mieux classées à la WTA, la numéro une mondiale est celle qui parvient sans doute à mieux gérer les sentiments contradictoires que peut expérimenter une sportive de haut niveau en prise à un stress émotionnel synonyme de danger. Sa dauphine Aryna Sabalenka paraît elle aussi mieux gérer les choses dans ce domaine que par le passé, bien que de façon différente en raison de son jeu constamment risqué. En ce qui la concerne, sa gestion du stress passe par conséquent par une canalisation de sa rage intérieure, qu'elle peine parfois à dissimuler cependant, et qu'elle manifeste par un exercice de patience dans l'échange. Quant à la dernière membre du Big Three, Elena Rybakina, on a plutôt l'impression qu'elle navigue entre deux eaux, par un apprivoisement de l'anxiété s'effectuant par intermittence, ce qui n'est pas toujours facile à distinguer pour une joueuse d'apparence aussi calme, aussi bien sur et en dehors du court. Ce n'est que quand elle parvient à trouver ce juste équilibre qu'elle est capable de produire un des tennis les plus élégants du monde, telle une ballerine sur scène, comme on a pu le voir, par exemple, lors de son triomphe californien à Indian Wells, tandis qu'au contraire, elle s'est probablement laissée dévorer par ses démons intérieurs en finale de l'Open d'Australie (alors qu'elle semblait si bien maîtriser la rencontre dans le premier set), ainsi qu'en finale du tournoi de Miami contre Petra Kvitova. 
Personne n'est maître de ses émotions, bien sûr, et il n'est pas dit que le Big Three puisse trouver de sitôt la solution miracle pour abolir le stress, si ce n'est au moins le dompter, même si l'on peut émettre l'hypothèse que Swiatek est peut-être sur la bonne voie, ce qui nous viendrait à considérer que la double championne de Roland-Garros, qui va commencer la défense de son titre dans quelques jours, n'est qu'au début d'un long règne. D'autres joueuses sont au contraire dans une situation bien plus chaotique. Dans le top 10, un des exemples de stress négatif les plus flagrants vient de Caroline Garcia. On sait que la française est entrée dans une nouvelle dimension après une fin d'année 2022 mirifique durant laquelle elle avait atteint le dernier carré à l'US Open, avant de rafler la mise aux Masters féminins. Sur le toit du monde, Garcia s'est retrouvée dans la peau d'une favorite potentielle dans tous les tournois auxquels elle a participé par la suite. Un poids visiblement trop lourd à porter pour elle puisque les déconvenues ont commencé. Un reprise poussive au tournoi d'Adélaïde, une sortie sans gloire en huitièmes de finales de l'Open d'Australie, une tournée calamiteuse aux Émirats, des finales perdues à Lyon et à Monterrey, un Sunshine Double au rabais, suivie d'une désastreuse campagne sur terre battue européenne ont plongé la tricolore dans la plus grande perplexité, malgré le retour à son chevet de Bertand Perret, qui s'était séparé d'elle juste avant le Masters 2022. Déjà onze défaites rien que pour la saison en cours, parfois dans des matches qu'elle semblait pourtant maîtriser de la tête et des épaules mais, qu'elle a fini par perdre. À force de se poser trop de questions, Caroline Garcia s'est faite ronger intérieurement par un stress latent qui pollue son jeu comme un virus invisible et ce n'est pas l'approche imminente de Roland-Garros qui risque d'arranger les choses, la française ayant hérité d'un tirage compliqué avec un match piège dès le premier tour contre la puissante chinoise Xiyu Wang. Dans un registre similaire, bien qu'assez particulier sur le fond, le cas de Maria Sakkari a aussi de quoi interpeller. Avec la grecque, le combat contre soi-même prend tout son sens. Elle va notamment donner l'impression de parfaitement contrôler les choses avant qu'un stress subit et inexpliqué ne vienne gripper la machine. C'est alors toute la frustration de la huitième joueuse mondiale qui s'exprime dans une sorte de danse avec le diable, avant de finir dans une colère qu'elle jette ouvertement à la face de son entraîneur dont elle fait son souffre-douleur. C'est le stress émotionnel poussé à son paroxysme, noir, violent et brut de décoffrage. Voilà qui est embêtant pour l'athénienne bodybuildée qui sort d'un mauvais Open d'Australie et qui éprouve toutes les peines du monde à retrouver le niveau qui était le sien en 2021 avec ses demi-finales à Roland-Garros et à l'US Open. Enfin, il y a l'exemple tout aussi parlant, criant de vérité pourrait-on dire, de Coco Gauff, arrivée tôt à maturité et aujourd'hui prise elle aussi dans la spirale du stress négatif suite à une inquiétante accumulation de revers qui risque de rendre sa campagne parisienne plus que périlleuse avec tous les points de sa finale 2022 à défendre. Il est ici étonnant de voir à quel point l'anxiété de Gauff peut être non seulement un frein à sa progression mais aussi un point de blocage récurent pouvant déboucher sur des contre-performances aux proportions catastrophiques. La bonne nouvelle, dans l'histoire, est qu'elle est encore jeune (dix-neuf ans) et qu'elle est en mesure de trouver un remède à ses maux. 
Mais au fait, que fait la WTA pour aider les joueuses au bord du burn-out ? L'institution sportive au demi-siècle d'existence ne reste pas silencieuse face aux troubles qui agitent les championnes, fort heureusement. Bien que beaucoup d'entre elles face appel à des personnes de leur entourage en tant que psychologue, la WTA tente de s'adapter à la diversité des situations, ainsi qu'aux soubresauts du monde (bien qu'il y ait à redire dans sa gestion du conflit russo-ukrainien) en proposant des alternatives intéressantes comme, par exemple, la signature en mars dernier d'un partenariat avec Modern Health, plateforme présidée et cofondée par l'entrepreneure et athlète américaine Alyson Watson, qui propose aux sportifs un soutien ainsi que les outils nécessaires pour les aider à lutter contre le stress. Reste à savoir si cette association portera ses fruits dans un monde en perpétuel évolution.

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