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J'ai lu : je hais l'ete

Par Venezia
J'AI LU : JE HAIS L'ETE
Je Hais l'EtéClaude-Henri BuffardEditions Mille et Une Nuits
Littérature Française


«Saison du prêt-à-suer, l'été transpire de promesses non tenues. Les matins enchanteurs ne débouchent que sur la lai­deur crue de la journée, les voluptueuses soirées n'ouvrant que sur des nuits d'insomnie, de sudation et de moustiques. L'été, les débordements de chair me font honte, la plage m'horripile, les maîtres-nageurs me font sourire, les body-buil­dés me font pouffer, les strings me font glousser, le farniente m'anéantit, la sieste me fait périr, la vacuité me fait mourir. On se regarde mollir ensemble, le cul sur la serviette ou le corps incurvé dans une chaise longue. On aime le mou que l'on devient. On est bien. On se veut mou, on se vautre mou, on se demande même à haute voix comment on a pu ne pas l'être plus tôt. On voudrait que ça ne s'arrête jamais. On se roule dans l'instant présent comme les chiens des villes dans le sable. On reviendra l'année prochaine. Je hais l'été. Belle saison, vos beaux jours me font mourir d'ennui. D'en­nui, belle saison, vos beaux jours me font mourir. Me font mou­rir d'ennui, vos beaux jours, belle saison.»
MON AVIS
Un jubilatoire petit délice. Je pense que seule cette phrase résume parfaitement ce que je pense de cette lecture qui m'a fait plus que sourire. Oui, j'ai gloussé ouvertement, car ce livre est un constat de l'individu en vacances, qu'il se laisse aller volontairement ou non, l'été ne met personne à son avantage, on sue, on transpire, on est loin d'être beau.La dégaine de la meute vacancière est comique : on voit les débordements de chair, les ventres bedonnants qui soulèvent les t-shirts et écartent les chemises, les talons mal entretenus où la peau à tourné à la corne, les vilaines sandales, qui au lieu d'affiner le pied en font un membre mastoc, encore plus laid que ce qu'il n'est. L'élégance n'est pas de cette saison, elle ne la connait plus. Ce petit pamphlet qui remet les pendules à l'heure, et quelques bonnes claques au passage, (parce que certaines et certains vont se reconnaitre) c'est 111 pages et 146 grammes de bonne humeur, de quoi vous faire oublier un instant ces horribles températures (oui, moi aussi, je déteste l'été).
Quelques mises en bouche : 
"L'été tout pue, tout sue, des aisselles aux poubelles. L'été dégouline. Du beurre du petit déjeuner oublié sur la table de la terrasse au cerveau inutilisé qui tourne à la sauce blanche sur le sable de la plage, l'été est la saison du devenir -mou, on se regarde mollir ensemble, le cul sur la serviette ou en grappes sur des ruines incertaines ou le corps incurvé dans une chaise longue. "
"Autour des piscines, l'été, contrairement à ce que l'on s'imagine quand on n'en possède pas, et qu'on feuillette en rêvant les pages des catalogues, il y a peu de ces grands éclats de rire, de ces jeux familiaux, où la mère attendrie regarde le père comme le plus turbulent de ses enfants, de ces larges brassées d'eau qui irisent l'air et qu'on s'envoie à la figure en poussant des cris d'orfraie. Il y a Germain qui somnole, Paule qui s'emmerde, Liliane et Maud qui parlent entre femmes, Elodie qui feuillette Match en surveillant Jérôme, Kevin qui hurle."
Le Tour de France : "Ce coureur qui meurt de trop de soleil, de trop d'hormones, de trop de hurlements, est à la merci du coup de grâce, par exemple de la bouteille d'eau que le supporter exalté, qui court et gesticule à côté de lui trente mètres durant, lui déverse bientôt sur la nuque et manque de le faire chuter en lui gueulant des encouragements hors d'haleine dans l'oreille..."
"Que connaît-on de plus insupportable que toute cette joie enfantine braillée des heures durant qui s'en va se répercutant sur les champs de blé comme se propagent des ronds dans l'eau, se mêlant aux jacassements et bavardages naturels du terroir, formant avec eux une vaste cacophonie qui, de hameau en hameau, résonne sous le soleil et se moque éperdument d'avoir fait disparaître à jamais, à l'instar de la luciole des chemins, une espèce qu'on disait protégée : le silence de la campagne.""Je hais les shorts et les visites guidées. Familles, je vous hais quand vous déambulez en t-shirt siglé et flasque bermuda dans les couloirs du château-où-vécut, de la maison-où-naquit, de la chambre-où-mourut."


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