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Miss Islande d’Audur Ava Olafsdottir

Par Etcetera
Miss Islande d’Audur Ava Olafsdottir

Ayant déjà lu un roman de cette écrivaine islandaise avec un certain plaisir, j’ai tenté de lire celui-ci, traduit de l’islandais par Eric Boury et publié chez Zulma en 2019.
Comme l’héroïne de ce roman est une jeune fille de vingt-et-un ans qui cherche à devenir écrivaine, je pensais faire cette lecture pour le Printemps des Artistes de 2023 mais j’ai finalement trouvé que le thème de l’écriture et du parcours littéraire de l’héroïne n’était pas très développé, aussi j’ai repoussé cet article à l’été.

Extrait de la Quatrième de Couverture

Islande. 1963. Hekla, vingt-et-un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavik. Il est temps d’accomplir son destin : elle sera écrivain. Sauf qu’à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande.
Avec son prénom de volcan, Hekla bouillonne d’énergie créatrice, entraînant avec elle Isey, l’amie d’enfance qui s’évade par les mots – ceux qu’on dit et ceux qu’on ne dit pas -, et son cher Jon John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche…

Note biographique sur l’écrivaine

Née en 1958 à Reykjavik, Audur Ava Olafsdottir est une romancière, poète, dramaturge et historienne de l’art islandaise. Elle fait des études d’histoire de l’art en France, à la Sorbonne. Son premier roman, Rosa Candida, paru en 2007, obtient un grand succès et est traduit dans de nombreuses langues. Le livre Miss Islande, son sixième roman, a remporté Le Prix Médicis Etranger 2019.

Présentation du début de l’histoire (vue par moi)

Au début des années 60, en Islande, Hekla est une belle jeune fille de vingt-et-un ans qui a un grand talent littéraire. Elle travaille sur des poèmes, qui ont déjà été publiés dans de prestigieuses revues, et sur des romans qu’elle ne parvient pas à faire accepter aux éditeurs. Comme elle est très belle, on lui propose plusieurs fois de postuler au concours de « Miss Islande », mais cette perspective lui parait insupportable. C’est une jeune fille éprise de liberté, qui veut rester matériellement indépendante des hommes et qui ne supporte pas le sexisme habituel de son pays, où l’on n’imagine pas qu’une femme puisse être écrivain… Pour gagner sa vie, elle devient serveuse dans un hôtel mais elle se retrouve en butte aux dragues lourdes des clients, qui la harcèlent presque tous. Le meilleur ami d’Hekla est un jeune homme homosexuel qui se fait souvent malmener et tabasser à cause de son orientation sexuelle, et dont la grande passion dans la vie est de faire de la couture. La meilleure amie d’Hekla est une jeune mère de famille qui subit péniblement ses grossesses et l’autorité de son mari alors que sa passion est l’écriture…

Mon Avis

Comme on peut le remarquer d’après mon résumé précédent, c’est un roman qui s’inscrit dans une vision du monde où le mâle hétérosexuel blanc est particulièrement toxique et malfaisant et où les femmes, les gays, les minorités racisées, sont forcément des pauvres victimes aux vies brisées, aux échines courbées et aux droits bafoués.
Je n’ai rien contre le féminisme en littérature quand c’est présenté avec subtilité et originalité et, surtout, quand les personnages et les situations ont de la complexité et de l’authenticité. Par exemple j’aime La Femme gelée, Mémoire de fille ou encore L’Evénement d’Annie Ernaux parce que c’est son expérience réelle, éprouvée dans sa vérité, avec une recherche littéraire et une création personnelle de l’auteure.
Ici, il ne m’a pas semblé rencontrer le monde personnel d’une écrivaine. Au contraire, j’ai rencontré les clichés de notre époque, toute l’imagerie stéréotypée que l’on veut nous faire gober et qui est vraiment trop simpliste pour être vraisemblable.
L’autrice nous présente les années 60 comme particulièrement arriérées – j’ai eu l’impression que c’était peut-être même encore plus arriéré que le 19è siècle ! – selon elle, à l’époque, une femme ne pouvait même pas publier un roman autrement que sous un prête-nom masculin, un peu comme George Sand…
Surtout, elle nous présente ses deux héros Hekla et Jon comme si les luttes féministes et les mouvements pour les droits des homosexuels n’existaient pas dans les années 60, alors que c’était précisément une période très bouillonnante sur ce plan et qu’il y avait beaucoup de revendications dans tous les pays occidentaux.
Je pense même que, sur de nombreux plans, les années 60 et 70 étaient bien plus éprises de liberté, rebelles et rock’n roll que nos années 2020 qui peuvent paraître assez guindées, ternes et conformistes, en comparaison.
Peut-être qu’en nous décrivant un passé, une histoire horribles, on veut accréditer l’idée que nous vivons actuellement une période merveilleuse, en comparaison ? Que nous avons fait des grands bonds en avant et que nous devrions nous en réjouir… ?
Autrement, j’ai trouvé ce roman bien fait, bien ficelé, avec une écriture agréable, fluide, maîtrisée… mais vraiment trop conforme aux idéologies actuellement en vogue dans l’édition – et qui plaisent… et qui font vendre.

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Un Extrait page 177

Mon manuscrit sous les yeux, noyé dans la fumée de son cigare derrière son grand bureau, l’éditeur m’invite à m’asseoir.
Il m’a fallu trois mois pour obtenir un rendez-vous et j’ai dû demander une autorisation d’absence au travail.
– Et vous nous avez envoyé ce roman dans une boîte à chaussures ?
– En effet…
– Il est très épais.
Il tapote son cigare dans le cendrier, l’index posé sur la pile de feuilles.
– Vous voulez devenir écrivain ?
Il n’attend pas ma réponse.
– Vous n’êtes pas facile à cerner. Ce n’est ni un roman bucolique, ni un roman citadin.
Il feuillette le manuscrit.
– Certes, votre texte ne manque pas d’audace, voire de culot, à dire vrai, je le croyais écrit par un homme…
Il réfléchit.
– La structure également est surprenante, elle me fait penser à une toile d’araignée… on pourrait parler de maillage plutôt que de fil narratif…
– La connaissance est une toile…
L’éditeur sourit du coin des lèvres et ôte le cigare de sa bouche.
– Et le jeune homme de votre histoire, il est homosexuel ?
– Oui.
Il se tait quelques instants.
– C’est compliqué de publier ce genre de choses. Des hommes qui s’en prennent aux enfants.
– Mon personnage ne fait pas ça.


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