regis debray....et la mediologie

Par Levidepoches


Régis Debray s’intéressa beaucoup au problème du religieux et de la croyance au sein du groupe social. Son postulat de départ est simple : il n’y a pas de société sans transcendance (c'est en cela qu'il ne s'est jamais démarqué de ses origines catholiques). De même qu’un État laïque a ses obligations morales, ce n’est pas parce qu’on est athée qu’on n’a pas de valeurs sacrées. Pour lui, cette transcendance est nécessaire à la cohésion sociale. L’Union soviétique avait Lénine, les États-Unis d'Amérique ont George Washington et les pères fondateurs, la Constitution. Il y en avait aussi autrefois en France avec les grands héros mythiques de la République, comme Danton ou Leclerc…

Selon Régis Debray, un groupe ne peut se définir que vis-à-vis d'une référence transcendante (qu'elle soit territoriale, doctrinaire ou légendaire) vers laquelle se tourne la croyance des gens. Il appelle cette nécessité de définir le groupe par une entité qui lui est extérieure l'incomplétude, et nomme cette entité le sacré du collectif, qui est la représentation de ce que le groupe estime être le « meilleur ». C'est cette croyance qui assure la confiance réciproque entre les membres du groupe, et garantit selon R. Debray l'ordre social.

Debray nous dit que ce sacré serait déterminé par la technologie de la transmission d'information, et baptise l'étude de celle-ci la médiologie. Ce néologisme désigne l’étude des supports de transmission de message, qui selon lui ont transformé les mœurs, les rapports au pouvoir, au savoir… R. Debray s'intéresse à trois exemples en particulier :

  • Le premier est ce qu’il appelle le codex, c’est-à-dire le premier livre relié, la Bible chrétienne, qui facilite la communication du Dieu unique. Cette « invention » du christianisme va transformer l’ordre social.
  • La deuxième révolution, deuxième évolution du sacré, est l’invention de l’imprimerie. Cette diffusion des livres, du savoir, générera l’École, la République et la laïcité.
  • La troisième grande technologie est la révolution informatique avec le développement de la Toile. Sur cette toile géante, il n’y a plus de frontières, plus d’État. À quelle forme de « sacré » cela mène-t-il ?

La médiologie sera le deuxième temps du travail de Régis Debray. Comment une idée abstraite devient une force matérielle ? Qu’est ce que la force des idées ? Comment l’idée d’un Dieu unique, total, universel a-t-elle acquis autant de force et comment s’est-elle traduite par des rites ? Comment l’idée d’un Dieu totalement abstrait incarné dans un être a-t-elle fait exploser la société romaine ? Comment peu à peu y a-t-il eu une conversion dans cette croyance incongrue ? Debray va se pencher sur toutes ces questions en étudiant les moyens de transmission. Pour lui le messager conditionne le message. Sa thèse est la suivante : « l’invention de l’écriture alphabétique jointe à une nouvelle technique de partage (le codex) dans un milieu nomade mais sédentarisé a été la condition de naissance de Dieu comme universel ». Sans cela, l’idée d’un Dieu universel n’aurait pas été possible et le Dieu juif aurait été un dieu mort. Le transport s’est réalisé par l’écriture et le partage d’un Dieu transcendant. Debray va alors constituer une histoire des « médiasphères », c’est-à-dire les techniques de transport qui ont impliqué des changements de croyance et donc des changements d’ordre social.

Par le siècle des Lumières, on a cru pouvoir éliminer la religion, mais Debray nous dit qu’on n’a pas pu éliminer la croyance. Il nous dit que la crise actuelle en France est véritablement une crise de la symbolique républicaine, due à un manque de sacré. Pour Régis Debray, le dernier grand homme à symbolique républicaine était François Mitterrand. Les États-Unis ont su échapper à cette crise du sacré, par leur civisme et leur patriotisme, même s'ils sont mis au service de mauvaises causes. L’effigie du dollar étasunien en est un exemple frappant : « IN GOD WE TRUST ». C’est ce symbolique patriotique qui fait la force des États-Unis. L’Europe est en crise car il n’y a pas de puissance symbolique. Debray prétend appliquer le théorème d'incomplétude de Gödel à l'ordre social pour "démontrer" sa théorie. Il a été vivement critiqué pour l'utilisation de ce résultat mathématique par Alan Sokal et Jean Bricmont dans leur livre Impostures intellectuelles, utilisation qu'ils jugent sans fondement.

Régis Debray nous dit que quand s’épuise le sens du symbolique reviennent les autorités religieuses. Plus la puissance symbolique est dématérialisée (la religion), plus l’ordre symbolique est fort et plus la puissance symbolique est historicisée (personnages), plus l’ordre symbolique est fragile. Une humanité sans croyance est réduite à l’animalité. Comment alors faire vivre une sacralité non religieuse, tout en lui gardant une symbolique ?

             

Qu’est-ce que la Médiologie ?

« Incarnation, médiation, transmission », Autres temps, Les Cahiers du christianisme social, nº 32, 1991-1992.

« Chemin faisant », Débat nº 85, Gallimard, 1995.

« Le mot et son institution », Ethnologie française, nº 4, PUF, 1999.

     

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extrait de wikipedia ...sinon...http://www.regisdebray.com/