Une année difficile -Pio Marmaï et Jonathan Cohen racontent les coulisses du tournage

Par Filou49 @blog_bazart
mercredi 18 octobre

Chic, le dernier film de Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE « Une année difficile » sort enfin en salles ce mercredi et une chose est sure: il n'a pas forcément besoin de l'appui de Baz'art car il  devrait trouver facilement son public.

Une Année Difficile, comédie écologique qui met en avant Pio Marmaï, Noémie Merlant et Jonathan Cohen dans les rôles principaux, s'inscrit parfaitement dans la lignée des autres films du duo: humaniste, drôle, tendre, rythmé et émouvant .

Impossible cela dit de ne pas en dire un mot, d'autant plus qu' on avait pu le découvrir en avant-première au cinéma Pathé  Gaumont Multiplexe de Lyon Bellecour des la mi juin.

A ctte occasion on avait pu échanger avec les deux acteurs masculins principaux du film les très bankables Pio Marmaï et Jonathan Cohen .

Voici les grandes lignes de ces entretiens l'un à la suite de l'autre  : 

 ENTRETIEN AVEC  PIO MARMAÏ  

" Avec Eric et Olivier, nous avions envie de travailler ensemble depuis longtemps, et cette envie s’est concrétisée avec EN THÉRAPIE, puis ils m’ont proposé ce film. 

 Au départ, il était prévu que je joue le rôle de Bruno (celui qu’incarne Jonathan), mais ce changement de dernière minute a été, je crois, très inspirant. Et j’ai pu amener une énergie différente au rôle d’Albert.

Pour l’incarner, je devais jouer sur deux registres en même temps : celui de la survie, car, socialement, mon personnage est acculé. De dette en dette, il est tombé dans une sorte de marginalité. Mais, simultanément, je devais lui offrir une énergie comique, car il garde encore un contact avec le réel par la débrouille, la combine. Même dans le déni, il ne se laisse pas aller.

Il avance, il bouge constamment, en accord avec le rythme imposé par la langue d’Eric et Olivier.

Ce mouvement perpétuel, même maladroit, me plaisait. Et il fonctionne en miroir avec le mouvement de Noémie : ils ont tous deux un moteur, même si l’un est la survie, et l’autre, l’activisme. Le déni d’Albert est une forme de candeur, aussi, qui le rend émouvant. 

 Avec Eric et Olivier, pas d’improvisation, on joue le texte ! Certains moments semblent improvisés et pourtant, tout est très écrit. Ils font beaucoup de prises, essorent les situations, nous laissent le champ libre parfois, et ils s’équilibrent parfaitement : une fois, c’est Olivier qui dirige le jeu, une autre fois, c’est Eric, et il n’y a jamais de tension entre eux. Cela me fascine que leur duo fonctionne si bien, avec tant d’écoute et de curiosité mutuelles, après tant de films ensemble. Jusqu’ici, je n’avais jamais été dirigé par un duo et je n’imaginais pas que cela puisse être si doux. Leur plaisir de cinéma est palpable dans leur manière de diriger. 

Avec Jonathan, nous rigolions énormément mais il n’y a pas eu beaucoup de fous rires pendant les prises, car Eric et Olivier installent une ambiance de travail très studieuse.  Mais notre complicité blagueuse hors plateau enrichissait, évidemment, notre duo de Pieds Nickelés, notre fébrilité comique. 

Quant à Noémie, je l’ai rencontrée lors des répétitions de valse, donc les distances se sont vite envolées. C’est génial que, pour son personnage, j’incarne littéralement le diable, mais que nos deux manières de voir le monde finissent par s’entendre et s’harmoniser. Pour un sujet aussi casse gueule, jouer avec de tels partenaires sous une telle direction, c’est vraiment rassurant et délicieux. 

 De plus, l’énergie de groupe ne mentait pas puisque nos partenaires étaient de vrais activistes. Les scènes d’intervention ont été répétées et ils nous ont expliqué leurs méthodes : j’étais curieux de découvrir et de recréer avec eux leurs « performances », ces chaînes humaines, ces sitting, qui sont autant de « blocages artistiques ». Leur dimension poétique autant que politique me touchait.

J’échangeais énormément avec eux et ils étaient très à l’aise et généreux pour nous livrer leurs tactiques, leurs règles de groupe lors des actions ou des prises de paroles, autant de choses que j’ignorais totalement. 

La scène où Grégoire Leprince-Ringuet projette le film pour le groupe et en profite pour révéler la duplicité de mon personnage fut d’autant plus émouvante à jouer qu’Eric et Olivier tournaient en temporalité réelle."

 "Tous les bons souvenirs d’actions communes avaient donc défilé avant cette mauvaise surprise finale qui me fiche la honte devant ces gens qui sont devenus mes complices. Cela faisait longtemps que nous tournions tous ensemble, j’avais donc réellement appris à respecter et aimer ces activistes qui étaient mes partenaires, donc, forcément, leur regard, quand ils jouaient la déception, me contaminait d’autant plus. J’avais vraiment l’impression de les avoir trahis !

Ce petit film dans le film racontait une intimité réelle. Comme un making-of plein de bonheur qui finit sur une touche méprisable… Une grande idée de la part d’Eric et Olivier ! "

ENTRETIEN AVEC JONATHAN COHEN

 "Eric et Olivier m’ont appelé alors que je finissais la post-production du FLAMBEAU. L’envie de travailler avec eux était évidente, mais j’étais rincé ! Je le leur ai dit : les gars, je suis une serpillière ! C’est exactement ce qu’on cherche, m’a répondu   Olivier ! Bon alors, banco… Et je n’ai pas regretté. 

Mon personnage est un type qui ne voit plus d’issue à ses problèmes. Il a tout perdu. La seule issue est la mort. Mais, au fur et à mesure, grâce à l'amitié et au jeu (car il joue à être quelqu’un d’autre dans cette association), il va revenir à la vie. À la fin, quand il arrête l’avion avec ses camarades d’action, il crie : « C’est nous qui décidons ». Il a pris en charge sa vie et ses décisions. C’est ce qui est beau dans cette notion d’action : elle offre une énergie qui peut sauver, et pas seulement la planète. 

Eric et Olivier sont si intelligents de poser, ainsi, en vases communicants, le vide et le plein : des gens qui cherchent à remplir contre d’autres qui croient au dénuement. Les vestiges d’un monde face à son futur. 

Dans leur direction d’acteurs, ils me donnaient des références de comédie à l’italienne, comme LE PIGEON ou LES VITELLONI : je devais « faire du Gassman », « faire du Mastroianni ». Chercher la fantaisie, le lyrisme qui persiste dans la mouise. Je suis un personnage miteux qui cherche à garder du panache en toute circonstance. La comédie naît de ce souffle de vie envers et contre tout, et de notre duo avec Pio face à Noémie : deux gars balancés dans un contexte qui leur est étranger et même ennemi. 

Avec Sirène, mon personnage est cueilli ! Au départ, dans le scénario, je devais finir en couple avec la magistrate à côté du juge lors de mon audition pour surendettement. Puis une meilleure ironie scénaristique s’est imposée progressivement à nous : tout amenait, en fait, à ce que je finisse avec Sirène !

C’est un choix grinçant puisque je passe tout le film à avoir l’air gêné et rebuté par les avances de cette femme, mais je finis par être séduit par sa tendresse, sa gentillesse. Mes derniers mots dans le film sont clairs à ce sujet : « elle m’a tendu les bras ». Certes, il assume difficilement cette relation, mais c’est tout le paradoxe humain, très humain.

Cette fois, je n’incarne pas un crétin sûr de lui, comme le Marc de LA FLAMME et du FLAMBEAU, mais un homme qui n’accepte pas sa position sociale : sa femme ne vient pas du même milieu que lui, il n’avait pas les moyens de lui donner le niveau de vie dont il rêvait, alors, il s’en est donné l’illusion.

Il se ment à lui-même, et donc aux autres, et le château de cartes, forcément, s’effondre. Ce n’est pas un mauvais bougre, mais un homme qui refuse sa condition. La phrase « est-ce que j’en ai besoin, vraiment besoin ? » n’a pas le même sens pour lui, car, d’une certaine manière, il a vraiment besoin de signes extérieurs de richesse pour combler une frustration. 

Le film est intéressant également sur le thème de la masculinité, qui est liée, depuis la nuit des temps, à la réussite sociale. Là encore, il va falloir rétropédaler et changer de paradigme.

Niveau partenaires de jeu, on peut dire que j’étais littéralement au spectacle en regardant jouer Mathieu Amalric : ce comédien est magique. Surprenant tout le temps, avec un art de la rupture tellement personnel, il tente tout ! Moi qui l’admire tant depuis les films d’Arnaud Desplechin, j’ai vécu comme un privilège de lui donner la réplique. 

Noémie joue un rôle très difficile. La manière dont elle réussit à rendre son personnage si attachant : chapeau bas ! 

" Avec Pio, ce fut la grande marrade. Nous nous connaissions de loin, mais, immédiatement, la complicité a été évidente, sur le tournage comme dans la vie. Des conneries à foison, mais pas pendant les prises car Eric et Olivier réclamaient qu’on soit à fond dans les situations et dans le texte- « allez les gars, mollo sur les vannes, on se concentre ! ».  J’ai rarement rencontré une telle force de travail.

Ils ont su m’emmener dans une zone émouvante un peu inédite pour moi lors de la séquence où je murmure « Je te hume » à mon ex-femme. Je ne voulais pas trop en faire, mais ils me poussaient, et bousculaient ma pudeur. Merci à eux. " 

Merci au Pathé Grand Lyon, a Gaumont pour l'interview et à Fabrice SCHIFF pour les photos de la rencontre