Comment expliquer la recrudescence du terrorisme en Algérie ?

Publié le 20 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com


Crédit photo : moi moimem/SXC

ENCORE... Et ce n'est peut-être pas terminé. Plus qu'une série noire : la manifestation d'une stratégie de l'horreur qui s'inscrit peut-être dans la durée, en cette veille de ramadan. Un double attentat à la bombe a tué, aujourd'hui, douze civils et fait 42 blessés, dont sept militaires et un policier, à Bouira, à 150 km à l'est d'Alger. La veille, 48 personnes avaient été tuées et 45 autres blessées dans un attentat contre l'école de gendarmerie des Issers, à une cinquantaine de kilomètres à l'est de la capitale algérienne. L'une des attaques les plus meurtrières commises sur le territoire algérien depuis des années alors que l'Algérie émerge d'une décennie de violences. Le cinquième attentat depuis juin dernier dont trois dans la wilaya de Boumerdès, faisant un total de quelque 60 morts et de plus de 110 blessés. INQUIETANT !
Qui veut frapper qui? Pourquoi ?

Constats : les cibles varient, civiles ou militaires, mais les modes opératoires sont connus. Ils ont été suivis à plusieurs reprises par des groupes terroristes en Irak. Des opérations de « kamikazes » comme les fascislamistes d'Al Qaïda aime les pratiquer. Comme les attentats qu'« Al Qaïda au Maghreb islamique » (AQMI), la branche nord-africaine du réseau islamiste, veut développer dans tout le Maghreb . Et comme les opérations que le GSPC (groupe salafiste pour la prédication et le combat) tente de multiplier en Algérie depuis l'an dernier.
Des mesures sécuritaires sont prises. Des voix s'élèvent, comme celle de Hassan Hattab, fondateur du GSPC, pour demander aux « rebelles islamistes » de déposer les armes. Des cris d'alarmes se multiplient dans la presse et les médias. Mais la spirale de la violence semble difficile à briser.
L'Algérie vit ces attentats meurtriers, peu avant le début du ramadan, comme un cauchemar recommencé : celui des années 90, lorsque le GIA (Groupe islamique armé), officiellement disparu, commettait ce que la presse algérienne appelle « les pires horreurs » Selon des experts, 75% des membres algériens d'Al Qaïda sont des anciens du GIA...
Cela n'a rien de rassurant. Même si, selon des sources officieuses, il n'y aurait guère plus de 600 terroristes prêts à frapper en Algérie.« Le bilan est lourd, le coup est sévère et les larmes des familles endeuillées ne vont pas sécher de sitôt. » écrit le journal Liberté en dénonçant cette « violence inouïe et gratuite », « inexplicable sur le plan politique, injustifiable sur le plan stratégique et contre productive sur le plan social. »
Des observateurs estiment que cette recrudescence du terrorisme s'explique par le fait que « Les "émirs" considèrent le mois sacré du jeûne musulman comme une période propice au "jihad" (guerre sainte) et promettent le paradis à leurs adeptes tombés en "martyrs" pendant ce mois ». Les "émirs", les chefs fascislamistes, chercheraient aussi à étendre leur zone d'activité au delà du "quadrilatère de la mort" afin de contraindre les forces de l'ordre à se redéployer et à desserrer la pression qu'ils subissent en Kabylie. « Ce sont des psychopathes organisés, non des combattants politiques », souligne un conseiller de Relatio-Europe qui connaît bien les questions de l'antiterrorisme en Afrique du Nord.
Mais ces explications sont peut-être un peu courtes. Il n'est pas à exclure que l'Algérie ait été désignée comme une cible privilégiée par la nébuleuse Al Qaïda. Elle a tenté de neutraliser les terroristes avec une intelligence que les durs du régime assimilent à un « coupable laxisme ». Et elle a joué un rôle-clef dans la réussite du lancement de l'Union pour la méditerranée..
Autant dire que si le phénomène actuel est d'abord une « affaire algérienne », il concerne de près, directement, toute l'Europe et tous les pays qui sont engagés dans l'union pour la méditerranée, France en tête, bien sûr.
La présidence française du Conseil de l'Union européenne (UE) a d'ailleurs "très fermement" et très rapidement condamné ces derniers attentats en réaffirmant son soutien aux autorités algériennes "dans leur lutte contre le terrorisme".Le président français Nicolas Sarkozy a condamné "avec la plus grande vigueur" ces attaques parlant de "violences barbares et aveugles". Et la plupart des capitales européennes comme la Commission ont fait de même. Sans dire comment l'Europe peut manifester plus concrètement sa solidarité.
Une analyse de la Stampa (citée par euro/topics) rejoint la notre : « L'Algérie vit depuis 15 ans avec la terreur. Les bombes d'hier ne doivent pas être considérées par l'Occident comme le problème local d'un pays dans lequel les tensions politiques et religieuses se mêlent aux racines historiques des conflits ethniques entre la majorité algéro-arabe et la minorité berbère en Kabylie. L'Europe devrait accorder une attention particulière à cette région. Une attention que le projet de l'Union pour la Méditerranée de Sarkozy souligne considérablement en plaçant le Maghreb dans une vision unitaire de l'Europe dans laquelle l'espoir d'un intérêt commun l'emporte sur les divisions et les différences ethniques, religieuses, politiques et sociales. »
Pour les observateurs les plus optimistes, les terroristes algériens (ou opérant sur l'Algérie) ne bénéficient d'aucun soutien dans les populations. « Les embuscades et les attentats suicides aussi meurtriers les uns que les autres n'ont fait que maudire davantage les terroristes. La société est lasse et meurtrie par ces actions suicidaires. Et s'ils pensent que la désaffection et le mécontentement des citoyens à l'égard du pouvoir va leur servir, c'est qu'ils se trompent lourdement. » écrit « Liberté » dans son éditorial. A vérifier. « Aujourd'hui l'aspiration majeure de l'Algérien est de vivre bien et en conformité avec sa spiritualité, d'être libre dans ses pensées comme dans ses actions, de jouir de ses droits et d'accomplir ses devoirs et de ne subir aucun joug. Voilà la distance qui sépare les citoyens des nervis et de leurs "maîtres penseurs" ». Espérons-le.


Jacques DEHAIRE