Anna Weyant, correspondances & galeries d'images

Publié le 28 décembre 2023 par Thierry Grizard @Artefields
Peinture

Anna Weyant est une jeune peintre canadienne à la notoriété fulgurante. Sa démarche consiste dans une facture classique à dépeindre les "temps modernes"

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Anna Weyant, une biographie en forme de conte de fée

Anna Weyant est une artiste canadienne née en 1995. Après avoir obtenu un diplôme en arts plastiques section peinture (BFA) à la Rhode Island School of Design, elle s'installe à New York puis étudie la peinture à l'Académie des beaux-arts de Chine à Hangzhou. De son passage en Chine on peut immédiatement remarquer l'influence, entre autres, de Yue Minjun qui pratique une critique foncièrement Pop-Art de la société chinoise. Il est l'initiateur du réalisme cynique, un mouvement artistique particulièrement critiquedétournant le style réaliste socialiste au profit d'une subversion satirique et relativement désabusée. Le travail, à la facture classique décalée, d'Anna Weyant oscille donc entre surréalisme, Pop-Art et peinture narrative, puisant son inspiration dans la culture vernaculaire, notamment les séries, films, publicités et l'univers des banlieues américaines.

L'âge d'or et la " Vie Moderne "

De prime abord la facture d'Anna Weyant semble s'inspirer de l'âge d'or de la peinture flamande, par le naturalisme, le gout des détails, les tons parfois éteints, aux dominantes sépia, vertes et jaunes. Ce style néo-classique se retrouve chez de nombreux artistes contemporains qui l'utilisent par fascination pour un moment glorieux de la peinture, mais également par ironie. En effet, qu'il s'agisse de peintres tels que Michaël Borremans, Oda Jaune, Jean-Baptiste Boyer, Apolonia Sokol et bien d'autres peintres contemporains, le style est évidemment détourné et opère une sorte de rupture sémiotique. Le néo-classicisme ne répète pas le passé, il représente le présent. Ce seul fait provoque un premier décalage. Par ailleurs, ces artistes ont une approche conceptuelle de la facture. Les incongruités se révèlent rapidement. Le style ne colle pas au sujet. On oscille du surréalisme retors de Michaël Borremans, aux réappropriations de Boyer en passant par toutes sortes de glissements signifiants.

Chez Anna Weyant les fractures sémiotiques sont de l'ordre du grotesque contrôlé, induit par de nombreux détails prosaïques, discontinus, une main bandée, un sein bizarrement positionné. Des distorsions empruntées à Balthus et par conséquent aux maîtres du Quattrocento, mais aussi à John Currin ( voir ci-dessous) qui voue un véritable culte à Lucas Cranach ( voir ci-dessous), qui en pleine Renaissance restait très influencé par la stylisation gothique peu soucieuse de réalisme. Quant à Balthasar Kłossowski, dit Balthus, il jouait de poses inspirées de Piero della Francesca pour imprimer aux modèles un aspect hiératique, aux décors une théâtralité monumentale typique du Quattrocento ( voir ci-dessous).

La peintre canadienne met ce "réalisme", comme pétrifié, au service de représentations très contemporaines abordant avec ironie soit les dérives de la "vie moderne" soit un féminisme implicite rappelant par bien des points Cindy Sherman . Le travail de Cindy Sherman consiste à mettre en scène, par le grotesque, la dérision, les grandes représentations collectives de notre époque, touchant en particulier les questions de genres, de la figure, de la persona, des coercitions d'identité héritées du patriarcat et du capitalisme débridé, mondialisé. Cette démarche à l'ironie Pop-Art et post-moderniste se retrouve chez Anna Weyant.

Rire et Réalisme Sceptique

Anna Weyant a passé quelques mois en Chine pour se former. Or, une des grandes figures qui semble fortement influencer l'artiste n'est probablement autre que Yue Minjun ( voir ci-dessous). L'artiste chinois n'a cessé de dénoncer de manière à peine voilée l'emprise du pouvoir en place. Il réutilise les traits les plus stéréotypés du Réalisme Socialiste, en le patinant de refèrences à l'art occidental, Goya, Warhol, etc. L'éloignement stylistique et le jeu des rappels historiques autorisent une ironie savante qui ne sombre pas dans le manifeste ouvert et plat.
Anna Weyant retient, notamment, un des "gimmick" de Yue Minjun, à savoir les fameux rires qu'arborent ses personnages, souvent dans les mises en situations les plus noires et désespérées. Le rire est à la fois moquerie du pouvoir et constat désabusé d'impuissance, de lassitude. La dérision hilare semble être le dernier refuge, l'ultime rébellion. Un déni de fragilité, un dernier acte de rébellion.
Anna Weyant peint de jeunes femmes à l'aspect fragile, aux bouches ouvertes. Elles crient, s'étonnent, se moquent ou rient. Elles sourient aussi. Elles semblent s'amuser de la situation, d'être peintes, du ridicule de la mise en scène circulaire, celle de poser pour être " réfléchies " par le peintre. C'est probablement l'aspect le plus fort et le plus intéressant du travail d'Anna Weyant.

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